Le très spirituel bras d'honneur du butor Gérard Longuet a «fait plaisir» à Marine Le Pen. C'est la présidente du Front National (FN) qui le dit, affirmant même que ce geste, variante moderne du digitus impudicus, le doigt insolent de la Rome antique, l'a «un peu soulagée». Rien d'étonnant à ce que ce comportement de gouape plaise donc à la cheftaine du FN. Gilbert Collard, l'avocat spumeux des plateaux télés et ci-devant député frontiste, avait déjà annoncé la couleur en souhaitant que le bras d'honneur de l'ancien militant d'extrême-droite soit suffisamment amplifié pour que les Algériens le reçoivent, de plein fouet, sur la figure (sic). Sic transit gloria mundi, ainsi passe la gloire du monde au Front National ! Mais, après la sémantique de charretier, digne des bistrots des comices agricoles, c'est la politique de la détestation, lestée de la mémoire coloniale qui suit le mouvement. Ainsi, la présidente du FN ferme la porte à toute conciliation, à toute réconciliation, à toute politique d'apaisement avec l'ancienne colonie de la France. «Avec les réclamations qui sont faites par M. Bouteflika (…), on ne peut pas se réconcilier» entre Français et Algériens. A ses yeux, le chef de l'Etat algérien, qui n'a jamais exprimé une quelconque demande d'excuses ou de repentance, mais une franche reconnaissance de tous les crimes coloniaux, tient «un discours systématiquement, absolument insultant», dit-elle. Le président François Hollande, qui a reconnu les massacres du 17 octobre 1961 à Paris, a eu lui aussi droit à son petit bouquet d'amabilités de la part de la dame distinguée. «Hollande mettait un genou à terre devant l'Algérie, qui exigerait qu'il se mette à plat ventre, qu'il fasse le mea culpa du méchant colonisateur», a-t-elle souligné. Lui emboitant le pas, Louis Aliot, vice président du FN et son compagnon dans la vie, a sorti la corne de brume pour demander au chef de l'Etat français rien que moins que l'annulation de son prochain voyage à Alger ! Ne manquaient dans ce décorum politique que La Marseillaise, la Chanson de Roland de Roncevaux, Jeanne d'Arc et Charles Martel. Si les propos de Marine Le Pen, de son compagnon et de son tonitruant député à l'assemblée française sont dans la tradition «Algérie française» du discours du FN, les propos des uns et des autres sont à apprécier en revanche dans un contexte politique de crise identitaire en France. Une situation marquée notamment par la montée en puissance des valeurs ultranationalistes et xénophobes, défendues par le Bloc Identitaire, mouvement qui prône notamment une immigration zéro, un retour massif des immigrés et l'interdiction de construction de mosquées. A titre symbolique, ce mouvement s'est distingué par des actions médiatiques spectaculaires, comme la distribution de soupe de cochon, des apéros saucisson-pinards en pleine rue et l'occupation du chantier de construction de la mosquée de Poitiers, lieu hautement symbolique de la guerre des Francs chrétiens contre les Sarrazins musulmans. Et même si Mme le Pen, qui veut construire un parti de gouvernement, a refusé une offre d'alliance électorale avec les Identitaires, l'appel du pied au FN est à prendre quand même au sérieux. Il y a certes des lignes de fracture idéologique entre le FN Bleu Marine et le Bloc Identitaire de Fabrice Robert. Cet ancien conseiller municipal du FN a organisé en décembre 2010 les «Assises de l'islamisation» présumée de la France, avec à la clé, une dégustation publique de charcuterie porcine et de picrate à Paris. Mais il y a aussi des points de convergence sur l'islamisation, le halal, le port du voile et le racisme anti-blancs. Les deux mouvements, qui divergent par ailleurs sur la question de l'assimilation des étrangers défendue par Mme Le Pen, ont un autre point commun : une admiration partagée pour l'historien Daniel Lefeuvre, auteur de «Pour en finir avec la repentance» et «Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?» Cet universitaire, spécialiste de l'Algérie et de l'économie coloniales, a commenté lui aussi, à sa manière, le bras d'honneur de Gérard Longuet. En adressant un pardon sardonique à l'Algérie : «Pardon d'avoir laissé sur place en 1962, une infrastructure routière, ferroviaire, aéroportuaire, scolaire, agricole et industrielle à nulle autre pareille en Afrique.» Pour l'instant, même si Mme Le Pen se démarque nettement du Bloc Identitaire, il y a des porosités entre les deux mouvements dont les matrices idéologiques rappellent les sources nourricières des deux parties. A savoir, le Front National des origines, celui d'un certain Jean-Marie Le Pen. Cet ancien parachutiste, accusé de torture par des victimes algériennes, membre du corps expéditionnaire franco-britannique en Egypte nassérienne, avait conçu son combat politique dans la défense de l'Algérie française et dans la nostalgie de sa grandeur perdue. Il avait créépour cela le FNC, le Front national des combattants. Après sa dissolution, l'ancien député poujadiste avait lancé en 1960 le FNAC, le Front national pour l'Algérie française, dissous en 1961 après le putsch des généraux à Alger. Le FNC et le FNAC deviendront en 1971 le Front National. Depuis, Jean-Marie Le Pen et sa fille montent souvent au front contre les étrangers, singulièrement contre les Algériens. Tout en donnant le change politique en mettant en avant des Algériens parfaitement assimilés, comme hier le sénateur Ahmed Djebbour et, aujourd'hui, Charlotte Soula, ex-Tamou, nouveau chef de cabinet de la présidente du FN. Ainsi, dans le sillage du gentleman Gérard Longuet, au FN où on a de l'humour politique et de l'amour patriotique, on semble adopter cette devise de Guy Bedos qui a dit un jour «si j'avais un drapeau, mon emblème serait le bras d'honneur.» N. K.