Un ragoût de pois servi avec des frites d'igname et accompagné d'un petit pain de manioc, des bananes en dessert : voici le menu spécial «changement climatique» esquissé par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (Cgiar), dans un rapport rendu public mercredi 31 octobre. Sollicité par le Comité de la sécurité alimentaire des Nations unies, le Cgiar a mobilisé ses quinze centres de recherche afin de donner une vue d'ensemble des effets que pourrait avoir le changement climatique sur la production alimentaire mondiale.«Certains aliments ne pourront plus être cultivés là où ils l'ont été pendant des générations, écrit Philip Thornton, coordonnateur du rapport [...]. Le changement climatique pourrait ainsi contraindre de nombreuses populations à travers le monde à consommer de nouveaux aliments afin de satisfaire leurs besoins nutritionnels.» Les experts du Cgiar décrivent les bouleversements que devrait connaître l'agriculture mondiale lors des prochaines décennies à cause de la hausse des températures moyennes et de la fréquence des aléas climatiques (inondations, sécheresse, canicule). Premier constat, en forme de rappel : «Nos trois principales sources de calories - maïs, riz et blé - font face à des conditions qui pourraient faire significativement baisser leur rendement, et les principales sources de protéines animales sont également menacées.» Selon Philip Thornton, les agriculteurs de certaines régions devront choisir entre se convertir à de nouvelles cultures ou bien, s'ils veulent continuer à produire les mêmes aliments, déménager vers des contrées moins chaudes.Ne comptons pas sur la pomme de terre, quatrième aliment le plus cultivé au monde, pour nous tirer d'affaire : elle apprécie la fraîcheur, et la hausse des températures devrait favoriser une recrudescence du mildiou, la maladie qui affama l'Irlande au XIXe siècle. Quant à la production américaine de soja, elle pourrait diminuer de 80 % au cours du siècle, rappelle le raport. La situation n'est pas pour autant désespérée, car d'autres cultures pourraient mieux supporter les changements climatiques, voire en profiter... sous réserve d'une recrudescence des maladies ou des attaques de parasites. C'est le cas notamment de la banane. «Des hivers plus cléments pourraient permettre de cultiver certaines variétés de bananes à une altitude plus élevée [...], y compris éventuellement dans des régions où pousse actuellement de la pomme de terre», affirme Philip Thornton.Le mil, l'igname, les lentilles ou certaines variétés de pois et de haricots pourraient également contribuer à compenser le déclin programmé des grandes céréales mondiale. Mais ce sont le manioc et l'orge qui semblent les mieux armés pour s'adapter aux nouvelles conditions climatiques. «Le manioc tolère de nombreux stress, allant de la pauvreté des sols à la chaleur et à la sécheresse», notent les experts. Quant à l'orge, outre le fait qu'elle est riche en micronutriments, «elle est connue pour sa capacité à supporter la salinité des sols, en plus de la chaleur et de la sécheresse». «Les gens adopteront-ils ces nouveaux aliments, aussi nourrissants soient-ils ? Ce défi culturel est une autre facette de l'adaptation au changement climatique, estime le chercheur du Cgiar [...]. Etant donné le faisceau de questions techniques, environnementales, culturelles et politiques que soulève ce changement de régime alimentaire, ce travail d'adaptation doit être entrepris sans délai.» G. V. K. In le Monde du 02.11.2012