L'artiste Mustapha Sedjal présente, jusqu'au 24 novembre prochain au Centre culturel algérien (CCA) de Paris, l'exposition intitulée «Un seul héros, le peuple... mon père». Coïncidant avec la célébration du cinquantenaire de l'Indépendance, l'exposition qui comprend des installations, vidéos, photos, dessins et fragments, se veut «une quête à travers l'Histoire, la mémoire et mon imaginaire entre fiction et réel …», souligne l'artiste. S'imprégnant des moments fortement symboliques de la Guerre de libération nationale, Mustapha Sedjal a opté pour le choix de l'une des pièces maîtresse de cette exposition, son installation nommée «Union sacrée» où il replonge les visiteurs dans ce fameux studio de Bab El Oued où a été prise l'emblématique photo des six, en l'occurrence : Larbi Ben M'Hidi et Krim Belkacem. Debout derrière : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad et Mohamed Boudiaf. L'artiste met en scène «la mise en scène» qu'avaient choisie les «six» du Crua (comité révolutionnaire pour l'unité et l'action) pour éterniser le serment du 1er Novembre avant le passage à l'acte : le déclenchement du processus de libération de la patrie. Un moment de la mémoire du large mouvement national qui aboutit à la guerre contre le colonialisme français. Mustapha Sedjal souligne à ce propos : «La photo des 6, date du 24 octobre 1954 selon les historiens. Le 24 octobre 2012, jour du vernissage (68 ans après) est un rendez-vous avec l'Histoire, la mémoire et l'héritage de l'Istiqlal que nous devons transmettre. L'artiste est un passeur d'imaginaire.» Ainsi «six hommes immortalisés dans une photographie monochromatique. L'avenir de l'Algérie est en marche et son histoire, l'Histoire, s'accélère. Ces «six» sont chargés de lancer la Révolution, de la mettre entre les mains du peuple et les générations futures».Selon certains critiques, ce cliché souvenir demeure emblématique de l'Algérie indépendante. Les «six» connurent des destins différents : Larbi Ben M'Hidi, Didouche Mourad et Mostefa Ben Boulaïd sont morts en martyrs ; Krim Belkacem et Mohamed Boudiaf assassinés après l'indépendance, seul Rabah Bitat est décédé naturellement.Ainsi, l'analyste estime que dans son installation, l'artiste invite le visiteur à prendre place sur «le banc sur lequel avaient pris place les architectes de la Révolution afin de méditer l'histoire de la libération de la patrie». Dès lors, dans cet espace, c'est la mémoire qui est interpellée mais aussi le questionnement : «Le banc sert de lieu où le dialogue public ou intime peut se créer. Un lien entre le passé (où se jouait l'avenir de la lutte d'indépendance) et le présent (où se jouent les remises en cause et la réflexion sur le devenir de l'Algérie).»Dans cette exposition, les visiteurs sont également conviés à découvrir l'installation vidéo «Echo», avec en fond sonore les échos de la Bataille d'Alger et de la fameuse année 1957, où les sons et les images se mettent à rapporter la cause révolutionnaire, l'inégalité de la guerre et c'est une scène du célèbre film la Bataille d'Alger que l'artiste décide d'incruster entre les deux personnages : une scène où Ben M'Hidi et Ali la Pointe se retrouvent sur une terrasse et lancent la phrase suivante : «Il y a beaucoup à faire.»L'œuvre la plus poignante de cette exposition, est épurée mais percutante, il s'agit d'un rideau noir, où une seule phrase de Didouche Mourad est citée : «Si nous venons à mourir, défendez nos mémoires.» Au final, comme le souligne dans la présentation de cette exposition le sociologue de l'art, Farid Saadi, l'ultime quête de l'artiste à travers cette exposition : «C'est aller de mémoire en mémoire, infiltrer les failles du non-dit pour en ressortir les images et voix d'outre-tombe, les référents symboliques balisant les chemins du savoir où l'identité de chacun se compose dans le meilleur du vivre ensemble.» S. A.