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Aux origines du 1er Novembre 1954, pas de zaïm, seulement la foi et l'esprit de sacrifice collectifs
Publié dans Le Temps d'Algérie le 19 - 06 - 2011

Suite à une polémique ayant vu le jour récemment à propos des conditions de déclenchement de la révolution du 1er Novembre 1954, ainsi que du rôle joué par les dirigeants historiques du FLN, j'apporte le témoignage suivant, élaboré sur la base de ma propre connaissance des faits ainsi que des différentes narrations recueillies tout le long de mon parcours militant.
A l'origine, personne ne peut nier que ce sont les dirigeants rescapés de l'Organisation Spéciale (0.5) du PPA/MTLD qui ont été les responsables du processus qui a conduit au déclenchement de la révolution.
Pour mémoire,
le congrès du PPA/MTLD qui s'était tenu à Alger en avril 1947, faisant écho à la forte pression des militants de base du parti, qui avait retenu le principe du recours à la lutte armée pour arracher l'indépendance nationale, avait décidé de la création d'une structure paramilitaire, l'Organisation Spéciale (0.5) pour préparer les conditions optimales indispensables au déclenchement de la guerre de libération nationale.
Cette organisation spéciale qui avait été dirigée, successivement, par Mohamed Belouizdad, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella regroupait les militants les plus endurcis du PPA/MTLD, les plus aptes psychologiquement et physiquement pour prendre les armes.
Elle a connu un développement prodigieux en un laps de temps assez court. C'est un incident malheureux, intervenu à la suite de mesures de rétorsion prises par la direction du parti contre un membre de l'O.S originaire de Tébessa, qui a permis aux autorités coloniales de découvrir l'existence de cette organisation puis de la décapiter ,
purement et simplement, par l'arrestation de l'essentiel de son encadrement. C'est dans ces circonstances, précisément, que la direction du PPA/MTLD avait décidé de geler le fonctionnement de l'O.S. Mostefa Ben Boulaïd, membre du comité central du PPA/MTLD et responsable de 1'0.5 pour la région des Aurès, avait refusé de voter en faveur de cette décision et d'obtempérer, par conséquent, aux injonctions de la direction du parti.
Pour la vérité historique, il faut ajouter que la Basse Kabylie et la Grande Kabylie, dirigées, respectivement, par Amar Ouamrane, par Krim Belkacem, avaient également décidé de maintenir en vie les structures de l'O.S. La plupart des membres de 110.5 recherchés par les autorités coloniales avaient trouvé, ainsi, refuge dans les Aurès.
C'est le cas, notamment, de Rabah Bitat, Abdallah Bentobal et Zighoud Youcef reçus, hébergés et protégés par Mostefa Ben Boulaïd. Amar Benaouda, lui aussi, avait trouvé refuge dans les Aurès avant de rejoindre la Kabylie. Tous rescapés de l'O.S avaient été intégrés dans des structures clandestines et ce, bien avant la création de l'0.5, qui, déjà, évoluaient dans les maquis des Aurès et de la Kabylie.
Durant cette même période, Mostefa Ben Boulaïd a permis à ces dirigeants de 1'0.5 recherchés d'échapper aux autorités coloniales en les dotant de documents d'identité leur ayant permis de quitter l'Algérie. C'est ainsi que Hocine Aït Ahmed, dirigeant national de l'OS qui, rendant visite à la stèle érigée à la mémoire de Mostefa Ben Boulaïd à Batna, a exprimé,
lors d'un meeting qu'il tenait dans le cadre de la campagne présidentielle de 1999, toute sa reconnaissance à Mostefa Ben Boulaïd lequel, à l'époque, lui fit délivrer par les services de l'état civil de la commune mixte d'Arris où exerçait un militant du PPA-MTLD Mahmoud ben Akcha, enterré aux côtés de Ben Boulaïd, des documents d'identité du nom d'un Aurésien décédé qui lui permirent de se rendre à l'étranger. Ce jour-là, Hocine Aït Ahmed est devenu chaoui, originaire des Aurès !
Lorsque la crise, apparue entre Messali Hadj et le Comité Central du PPA/MTLD, avait pris des proportions qui devaient conduire à la scission du PPA/K4TLD, les militants «de bonne volonté» comme ils se proclamaient, avaient créé le CRUA (Comité Révolutionnaire d'Unité et d'Action). Ce comité s'était fixé pour objectif de concilier les positions des parties opposées en vue de ressouder l'unité du parti, mais la tentative avait tourné court.
Face au climat d'incertitude et de doute qui régnait alors au niveau des organes officiels du parti, l'initiative avait été prise de convoquer une réunion des principaux dirigeants de VOS, à El Madania à Alger, pour le 26 avril 1954. C'était la réunion connue depuis sous le libellé de «réunion des 22» qui visait, pour l'essentiel, de dresser un état des lieux et de prospecter les voies et moyens indispensables au déclenchement de la révolution.
Les participants avaient, par bulletin secret, donné mandat à Mostefa Ben Boulaïd à l'effet d'assurer la coordination des activités liées à la préparation du cadre nécessaire au déclenchement de la révolution. Cependant, en dépouillant les bulletins, Mostefa Ben Boulaïd, par humilité, avait tu son nom pour proclamer à sa place celui de Mohamed Boudiaf.
L'une des principales missions confiées à Mostefa Ben Boulaïd à prendre contact avec des personnalités du parti pour diriger la révolution au plan politique, prospection qui n'avait pas donné de résultats. Mostefa Ben Boulaïd avait également noué contact avec les responsables du PPA/MTLD en Basse et Grande Kabylie à l'effet de les convaincre de rejoindre le processus qui venait d'être entamé, ces régions n'ayant pas été représentées à la fameuse réunion des 22.
Il convient de préciser que les dirigeants de ces deux régions, Amar Ouamrane et Krim Belkacem, qui étaient plutôt alignés sur Messali Hadj, n'ont été convaincus de rejoindre les 22 qu'après le retour de Mostefa Ben Boulaïd de Belgique, où il s'était rendu en juillet 1954, après le congrès de Hernu, pour s'enquérir de la position de Messali Hadj vis-à-vis du principe du déclenchement de la révolution. La tentative de le convaincre échoua car le zaïm rejetait à la base l'initiative en question.
Mostefa Ben Boulaïd avait également entrepris un voyage harassant – la plupart du temps à pied – pour se rendre à Tripoli où il rencontra Ahmed Ben Bella alors membre de la délégation extérieure du PPA/MTLD. A ce propos, le moudjahed novembriste Mestiri (âgé aujourd'hui de 94 ans, qui, Dieu lui prête longue vie) qui avait accompagné Mostefa Ben Boulaïd lors de ce voyage, a déclaré que Mostefa Ben Boulaïd et Ahmed Ben Bella se seraient rendus ensemble au Caire.
A la suite de toutes ces consultations, Mostefa Ben Boulaïd et ses compagnons, considérant que les conditions du déclenchement de la révolution étaient réunies, avaient organisé à Alger une réunion à six, du 23 au 26 octobre 1954. Cette réunion regroupait Mostefa Ben Boulaïd, Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M'hidi, Mourad Didouche, Rabah Bitat et Krim Belkacem.
Cette réunion, au cours de laquelle la proclamation du 1er Novembre 1954 avait été rédigée, avait adopté le principe de la collégialité dans la conduite de la révolution. Au cours de cette même réunion, la répartition des tâches avait été fixée entre les six participants. Mostefa Ben Boulaïd avait été désigné responsable de la région des
Aurès, Mourad Didouche de la région du Nord constantinois, Krim Belkacem de la Kabylie, Rabah Bitat de l'Algérois et Larbi Ben M'hidi de l'Oranie. Mohamed Boudiaf avait été chargé de la coordination entre la délégation extérieure et l'intérieur et devait se rendre au Caire pour remettre la proclamation du 1er Novembre à ladite délégation extérieure, composée de Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Khider.
Il convient, dans ce contexte, de signaler le caractère collégial qui a présidé au déclenchement de la révolution et la prééminence accordée au caractère national de la guerre de libération nationale.
C'est pourquoi la révolution algérienne a été toujours forte quand elle s'attachait à rejeter le «zaïmisme» autant que les pratiques régionalistes et affaiblie, chaque fois qu'elle s'est laissée tenter par ces démons préjudiciables à l'unité et à la souveraineté du peuple.


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