La Banque d'Espagne redoute le pire pour le pays qui se débat depuis 2008 dans des difficultés financières insurmontables. Pour l'institution monétaire un nouveau dérapage budgétaire en 2012 n'est pas écarté en Espagne. La Banque d'Espagne incrimine le contexte «très défavorable» auquel fait face le pays. «La réduction du déficit public, cette année, se produit dans des circonstances économiques et financières très défavorables», a souligné le gouverneur de la banque centrale, Luis Maria Linde, lors d'un discours prononcé sur le projet de budget 2013. Engagé dans une course à la réduction du déficit, le gouvernement conservateur, espagnol a adopté un vaste plan de rigueur incluant 150 milliards d'euros d'économies et de hausse d'impôts entre 2012 et 2014. Mais «malgré cela, l'information disponible, actuellement ne permet toujours pas d'écarter la possibilité d'un dérapage» budgétaire, a estimé M. Linde, qui avait déjà fait une mise en garde similaire le mois dernier. «Le pays, quatrième économie de la zone euro, avait enregistré un déficit de 9,4% du PIB en 2011, bien supérieur aux 6% promis, et s'est engagé à le réduire à 6,3% cette année. L'objectif tracé dépendra des nombreuses mesures fiscales ayant leur effet au dernier trimestre de l'année, si elles donnent les résultats attendus et si cela permet de compenser la hausse des dépenses en intérêts de la dette publique, en prestations chômage et en pensions de retraite», a expliqué le gouverneur de la Banque d'Espagne. L'Espagne, qui peine à se relever depuis l'éclatement de sa bulle immobilière en 2008, a renoué avec la récession fin 2011 et devrait y rester jusqu'en 2013, de l'aveu même du gouvernement, sous pression des marchés, ces derniers mois, pour demander une aide financière à l'Europe. Le gouvernement espagnole de droite n'a pas digéré sa victoire éclatante aux législatives de 2011. Il a vite été rattrapé par la crise financière et ses conséquences sociales puisqu'il n'a pas d'autres choix que de faire le sale boulot qui le rendra plus impopulaire. Le gouvernement de Rajoy fait face à un désastre économique, annoncé, une protestation sociale grandissante et à l'éveil du nationalisme catalan. «Nous savions que 2012 serait une mauvaise année». «2013 sera meilleure et en 2014, la croissance économique sera de retour», a-t-il promis, lundi dernier, à la veille de l'anniversaire de son élection, le 20 novembre 2011. Sous l'œil de Bruxelles, le gouvernement a adopté cet été un plan sur trois ans prévoyant 150 milliards d'euros d'économies, parvenant à repousser l'épée de Damoclès d'un sauvetage global de son économie, quitte à prêter le flanc aux critiques le décrivant comme pieds et poings liés face à la crise. «Dit de manière directe, Mariano Rajoy manque de leadership. Il agit comme un homme de parti et non comme un homme d'Etat. Or l'Espagne a besoin d'un homme d'Etat», tranche Fernando Vallespin, professeur de sciences politiques à l'université autonome de Madrid. Depuis sa prise de fonction en décembre 2011, Mariano Rajoy cumule les mauvaises nouvelles : le chômage grimpe, touchant un quart des actifs, le pays est en récession, dette et déficit publics s'envolent. Ce juriste de formation qui s'est engagé à la transparence s'est lancé avec son équipe dans une valse de chiffres qui a largement entamé sa crédibilité sur les marchés et auprès des électeurs. Un exemple : le 27 septembre, le gouvernement annonce que le déficit public restera à 6,3% du PIB comme promis. Deux jours plus tard, il reconnait que le dérapage atteindra, au moins temporairement, 7,4% en raison de l'aide publique apportée aux banques. Même si officiellement l'Union européenne salue les efforts de l'Espagne, «son gouvernement est vu comme opportuniste et pas fiable», assène l'analyste politique, Anton Losada. «Il dit une chose à Bruxelles et une autre à Madrid. Comment peut-il, par exemple, assurer qu'il va tenir le déficit prévu et promettre en même temps une revalorisation des retraites», questionne-t-il. «Mariano Rajoy est-il à la hauteur», s'interrogeait l'hebdomadaire économique, français Challenge, évoquant des doutes européens, tandis que The Economist le qualifiait «d'insondable» et «d'énigmatique». Et s'il a annoncé lui-même les plus importantes coupes budgétaires, Mariano Rajoy a largement entamé l'image du dirigeant «bon père de famille», rassurant et courageux, qu'il entendait donner, s'illustrant dans l'art de l'esquive. Il déroute aussi lorsqu'il est pris en photo fumant le cigare, en septembre à New York, pendant que son gouvernement annonce plus de rigueur, fait sourire avec la publication d'une photo de lui, posant timidement, aux côtés du couple Obama. Mais là où il a le plus impatienté, c'est sur la demande de sauvetage de l'économie espagnole, après l'enveloppe européenne de 100 milliards d'euros promise en juin aux banques. Même s'il a obtenu, pour l'heure, gain de cause, profitant depuis septembre d'une accalmie sur les marchés. Pour Fernando Vallespin, Mariano Rajoy est «peut-être trop dépendant de la politique intérieure : d'abord ce furent les élections en Andalousie (au printemps, où la gauche s'est maintenue au pouvoir) puis les élections basques et en Galice» le 21 octobre. La droite s'est maintenue au pouvoir dans son fief de Galice, mais n'a pu empêcher la percée de la gauche indépendantiste au pays basque. «Son autre grand défi, c'est la Catalogne», dit Anton Losada. Cette région du nord-est de l'Espagne élit à son tour, dimanche, son Parlement et pourrait organiser un référendum d'autodétermination. Si le projet des nationalistes reste ambigu, il en va bel et bien pour Mariano Rajoy de la souveraineté de l'Espagne : une menace prise suffisamment au sérieux pour que le chef du gouvernement, attendu à Barcelone mardi puis vendredi, en clôture de la campagne, se lance en personne dans la bataille.