Photo : Sahel De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad
La question de la gestion des déchets ménagers demeure un sujet d'actualité récurrent en Kabylie et son évocation est toujours suivie de tension entre la population et les pouvoirs publics. Ces derniers sont accusés d'absence de prévisions des besoins en la matière après «l'explosion» démographique à partir des années 1990, de mauvaise prise en charge des doléances des habitants en rapport avec les problèmes d'environnement, de manque de soutien aux associations activant dans le domaine au niveau de la région, de faible budgétisation des actions publiques liées à la protection et à la défense de l'environnement…etc. avec environ 2 000 décharges sauvages sur un territoire à forte concentration en habitations et population (1,4 million d'habitants pour une superficie de 2958 km2), il y a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête. Et, en définitive, le schéma directeur de l'environnement de la wilaya n'a plus de raison d'être devant l'ampleur de la catastrophe naturelle en cours, même dans les villages les plus reculés de Kabylie (plus de 300 000 tonnes de déchets divers par an pour la seule wilaya de Tizi Ouzou), en raison de la lenteur et des retards énormes dans la réalisation des centres d'enfouissement techniques (CET) prévus dans la wilaya depuis 2005. Le dernier épisode en date est l'affaire du projet d'installation d'un centre d'enfouissement technique (CET) au niveau du village agricole de Boubhir, à mi-chemin des communes d'Azazga et d'Illoulen Oumalou, à une quarantaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou. Des affrontements entre forces anti-émeutes de la police et des dizaines d'habitants de la localité se sont déclenchés à la fin du mois de novembre dernier suite au rejet par les riverains et des membres d'associations locales de la réalisation du projet à l'endroit choisi par les responsables de tutelle. Quatre jeunes manifestants ont été arrêtés puis libérés le lendemain suite aux actions de protestation menées par les concernés auprès des instances locales. Quelques semaines auparavant, ce sont des centaines d'habitants de Taddart et de Tazaghart, sortie est d'Azazga, qui sont sortis dans la rue pour s'opposer à la réouverture d'une décharge implantée en plein cœur de la forêt de Yakourène après sa fermeture par des membres de comités de villages. Quatre opposants à ladite décharge ont été arrêtés puis relâchés sous la pression de la rue. La décharge en question avait déjà fait l'objet d'opposition l'été 2009. «La solution est loin d'être trouvée pendant que les ordures ne cessent de s'entasser dans différents sites anarchiques, où les seules victimes restent l'environnement et les citoyens. Nous voyons cette décharge provisoire se rapprocher de nos maisons [...] Quels sont les critères scientifiques ou techniques qui vous ont permis de choisir ce site sachant qu'il est situé dans une forêt [Yakourène Ndlr] et à moins de 200 mètres à vol d'oiseau de l'hôpital d'Azazga, à côté d'une forêt et à proximité d'un cours d'eau ? Avez-vous une idée précise sur l'impact des fumées qui seront dégagées sur l'état de santé des malades hospitalisés ?», écrivait à l'époque le comité de village de Taddart. Et l'attitude de l'APC d'Azazga ? le maire accuse des «personnes qui ont fermé ladite décharge pour la énième fois sans préavis ni avertissement préalable, compromettant le ramassage des déchets ménagers à travers la ville et les villages d'Azazga, chef-lieu de daïra de plus de 35 000 habitants», et déclare que le choix du site de la décharge a été fait en coordination avec les comités de villages et que «la viabilisation du site a coûté 18 000 000 de dinars aux contribuables, auxquels viennent s'ajouter les autres frais de fonctionnement et de gestion, conformément aux critères requis pour ce genre d'emplacement (enfouissement, remblais, mise à niveau, etc.)». Les élus sont-ils trop occupés pour se préoccuper de l'environnement ? Suite à la contestation, il a été décidé de prolonger de huit mois la décharge indésirable avec promesse à la population de mettre en place une décharge réglementaire avant la fin de l'échéance «inextensible» de huit mois. La même situation pourrait occuper l'actualité à tout moment de l'année dans la wilaya de Tizi Ouzou en raison des préoccupations que suscite le rythme de mise en œuvre des centres d'enfouissement technique (CET). En effet, dans le cadre du quinquennat 2005-2009 et sur un total de 18 centres d'enfouissement techniques et autres décharges contrôlées projetés dans la wilaya de Tizi Ouzou, trois seulement (Oued Falli, au chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou, Draâ El Mizan et Ait Ouacifs) ont été réceptionnés. Qui se soucie encore de l'environnement dans les sphères de la politique ?