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Les ouvrages historiques inondent les quelques librairies
Même s'ils sont différemment appréciés par les lecteurs
Publié dans La Tribune le 05 - 12 - 2012


Photo : M. Hacène
De notre correspondant à Constantine
Nasser Hannachi

Le Cinquantenaire de l'indépendance a rouvert des débats sur l'histoire de la Guerre d'Algérie. Depuis la tenue du 17e Salon international du livre d'Alger (Sila, 2012) qui, comme toutes les manifestations culturelles organisées au cours de l'année, s'est dédié la célébration du 50e Anniversaire de l'indépendance, les maisons d'édition nationales continuent de produire et de mettre sur le marché des ouvrages historiques. Les publications s'enchainent, avec toutes les lectures et analyses de faits historiques qui en découlent.
En fait, quand on se limite à rapporter strictement et fidèlement les évènements, les citoyens sont conquis et s'intéressent au sujet, confirmant ainsi leur exigence de la vérité. Ils veulent qu'on leur livre d'abord les faits tels qu'ils se sont déroulés, avec tous les acteurs qui y ont participé, et qu'on les laisse juger par eux-mêmes de la valeur de l'écrit. Il appartient au lecteur de décider s'il a besoin de toutes ces réflexions, analyses et lectures habillant la moindre histoire qu'on leur sert. Les personnes qu'on a abordées dans ou aux abords des librairies s'accordent à dire que le lecteur est suffisamment perspicace pour déterminer l'important et l'accessoire.
Il faut savoir filtrer pour ne pas tomber sur des livres qui donnent autre chose que ce qu'ils prétendent donner. Il faut choisir l'auteur, autrement dit le parcours de l'écrivain, est-ce un historien, un chercheur ou un acteur, afin de savoir comment appréhender le récit et quelle crédit lui accorder, se sont accordés à dire les lecteurs interrogés. Certains étudiants et personnes, âgées notamment, estiment qu'«une histoire constructive, avérée et bien traitée par des spécialistes attire toujours. D'autant plus si le thème s'illustre pour la première fois». Une appréciation qui a trouvé écho chez nombre de lecteurs et citoyens que nous avons interrogés. Un ouvrage qui se contente d'apporter un témoignage sans fioritures ne peut qu'intéresser à l'exemple du livre Ni valise ni cercueil, un ouvrage sur les pieds-noirs restés après l'indépendance en Algérie, du journaliste et écrivain français, Pierre Daum, qui a été récemment publié par les éditons Média Plus de Constantine. Et ce n'est qu'un ouvrage parmi tant d'autres qui ont été édités durant 2012.A vrai dire, la floraison livresque qui se consacre au parcours de la Révolution d'Algérie est en pleine expansion. La plupart des maisons d'édition algériennes réservent une bonne place à ce genre de livre, d'autant plus que le ministère de la Culture soutient financièrement la publication de certains ouvrages. Une commission a été installée au ministère, avec des historiens parmi ses membres, pour examiner les listes d'ouvrages que les éditeurs, sur demande des services ministériels, ont envoyés. Le ministère choisira ainsi les livres dont il financera la publication et acquerra un quota.Dans un autre chapitre, un gisement inépuisable est toujours en attente d'être sciemment exploité et de manière optimale : les témoignages, qui n'ont pas tous été recueillis, rassemblés et recoupés pour livrer tous leurs secrets. D'ailleurs, des lecteurs diront qu'ils demeurent sceptiques devant la persistance de polémiques sur la qualité et la véracité de certains faits, malgré les centaines de titres proposés. Un ancien moudjahid tentera une explication en mettant ça sur la malhonnêteté de certains auteurs. «Il existe, à mon sens, des auteurs qui s'autoproclament historiens ou chercheurs et qui usent d'artifices pour s'illustrer. Au lieu de prendre attache avec les personnes qui ont marqué l'évènement, participé à l'action ou connaissant ses détails, ils retracent certains évènements à partir de documents dont l'objectivité, voire l'authenticité, n'est pas avérée. Ce qui est inadmissible quand on est historien devant rapporter fidèlement et intégralement ce qui s'est réellement passé», dira-t-il.Cet avis est partagé par de nombreux acteurs et témoins de la Guerre d'indépendance. Loin de prétendre écrire l'histoire, ce qui est du ressort des historiens, aussi bien à l'échelle locale, nationale ou internationale, ces «sources» s'accordent à dire que la réalité historique constitue une étape délicate à reconstituer. Et c'est à ce titre que le ministère des Moudjahidine sollicite les témoignages vivants. Le ministre des Moudjahidine, Mohamed-Cherif Abbas a, d'ailleurs, donné, lundi dernier à Khenchela, le coup d'envoi de l'opération de recueil de témoignages sur la Révolution. Evidemment, pour le ministre, cette opération est de première importance pour la «préservation de ce pan de la mémoire nationale». L'écriture de l'histoire de la Guerre de libération nationale, à un moment où l'Algérie célèbre le Cinquantenaire de son indépendance, doit se fonder sur «les témoignages vivants de tous ceux qui, dans toute l'Algérie, ont vécu la Révolution, qu'ils soient moudjahidine ou simples citoyens», a-t-il affirmé. Le ministre ajoutera, à ce propos, que ce qui a été écrit dans les livres ou dans des magazines sur la Guerre de libération nationale, ainsi que tous les documentaires ou films réalisés sur le sujet restent en deçà de tout ce qu'a connu l'Algérie avant et durant la Guerre de libération. «Tous ces écrits, documentaires, films ou autres ne reflètent, en fait,
que certaines parties de la glorieuse Révolution», a-t-il indiqué, ce qui veut dire que la tâche «est loin d'avoir été accomplie», ajoutera-t-il, invitant «tous ceux qui détiennent des témoignages vivants sur la Révolution libératrice, particulièrement sur la période 1954-1956, à se présenter au Centre d'études et de recherches sur le mouvement national et la révolution du 1er Novembre 1954 où le ministère des Moudjahidine assurera leur prise en charge». Soutenant que l'écriture de l'histoire de la Révolution «n'est en aucune manière l'apanage du seul ministère des Moudjahidine», M. Abbas a invité historiens, journalistes, enseignants et institutions à contribuer à cet effort.
Cette démarche devrait permettre d'établir une banque de données fiable en vue d'une écriture de l'Histoire «dépourvue» d'anomalies. Pour l'heure, le livre d'Histoire a bonne place dans les étalages des librairies et chez les citoyens. Mais lecteurs et chercheurs restent en quête de tous ces faits qu'on a, jusque-là, maintenus à l'ombre ou qu'on a en partie falsifiés pour ne pas ternir le passé ou le nom de certains «héros» morts ou encore vivants. Retracer l'Histoire avec le concours des historiens serait la prochaine phase à amorcer pour donner à tous les témoignages recueillis leur place et importance dans le déroulement des événements.


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