Les familles des disparus ont manifesté, hier, devant le portail d'entrée de la Commission nationale de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh). «On demande une commission d'enquête internationale», scandaient des dizaines de mères, entourées par les forces de l'ordre. A bout de bras, elles portent inlassablement, depuis des années, les portraits plastifiés de leurs enfants enlevés durant les années 1990 par les forces de sécurité. Leurs voix portent haut des slogans rodés, invectivant le service d'ordre et l'Etat. «Aujourd'hui, à l'occasion de la célébration du 64e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, nous avons réussi à manifester pacifiquement devant la commission» se félicitait Hacen Ferhati, responsable des relations nationales et internationales et porte-parole de SOS disparus. Plus tôt dans la matinée, alors que le rendez-vous de la manifestation était fixé à 10h, les membres de l'association, épaulés par de jeunes militants des droits de l'homme, issus des collectifs de défense des droits des chômeurs, du Mjic, des membres de la Laddh et autres, se sont réunis à quelques centaines de mètres du siège de la Cncppdh. Les agents de police, deux fois plus nombreux, ont empêché l'avancée de la manifestation. «La police nous a malmenés et empêchés de manifester pacifiquement devant la commission. Mais cela était sans compter sur notre expérience de plus de quinze ans de rassemblement, car cela fait quinze ans qu'on manifeste. On a fini par atteindre notre objectif d'aujourd'hui. Et on ne s'arrêtera qu'une fois morts ou que la vérité soit étalée au grand jour» tranche Hacen. Selon ce dernier, un groupe de manifestants de SOS disparus a réussi hier à marcher à Oran. «Ils ont réussi à marcher sur le boulevard Ben M'hidi» atteste-t-il. «Ces femmes nous ont appris à manifester. C'est grâce à elles qu'on a brisé le mur de la peur. Elles sont dignes et respectables. Et on les soutient dans chacune de leurs manifestations», explique Noureddine, membre du Comité national de défense des droits des chômeurs, sa présence exprime l'étendue de l'admiration qu'il porte à ces mères de disparus qui n'ont jamais cédé à la fatalité. Les disparus des années 1990, ou «les enlevés par les services de sécurité» comme disent ces femmes, reste un dossier sensible que la charte pour la paix et la réconciliation nationale n'a pu clore définitivement, malgré les assurances du président de la Cncppdh, Farouk Ksentini. Lors d'une intervention radiophonique, le 19 septembre dernier, ce responsable affirmait encore, que le dossier était définitivement clos puisque «95% des familles de disparus avaient accepté l'indemnisation». Mais SOS disparus et ses membres refusent de s'y plier. Par-dessus tout, leur combat est celui de la vérité et de la lutte contre l'impunité. «Les disparitions n'étaient pas voulues ni organisées par l'Etat. Elles sont l'œuvre d'agents de l'Etat qui ont eu un comportement illicite», expliquait Ksentini lors de son intervention, où il déclarait que le nombre de dossiers recensés au niveau de la Cncppdh était de 6 146 alors que les chiffres de la Gendarmerie nationale faisaient état de 7 200 disparus. En visite de travail en Algérie le 18 septembre 2012, Mme Navanethem Pillay, haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, avait préconisé la mise en place d'un groupe de travail onusien sur la question des disparus. «L'Algérie n'a strictement rien à cacher» rétorque Ksentini quelques jours plus tard. «On veut la vérité», scandaient les mères devant la commission. Aucun responsable de la Cncppdh n'a daigné prendre langue avec les manifestants. S. A.