L'Egypte est toujours sous tension, les partisans du président Mohamed Morsi et la coalition de l'opposition «dialoguent» désormais par manifestations interposées. L'armée chargée de préserver la sécurité jusqu'aux résultats du référendum controversé de samedi, observe de près le face-à-face. Cette crise, la plus grave en Egypte depuis l'élection du président, issu des Frères musulmans en juin dernier, risque de déraper. Le pays est profondément divisé près de deux ans après la révolte populaire qui avait fait chuter Hosni Moubarak. Ces manifestations concurrentes font craindre de nouveaux affrontements avec leurs lots de victimes. Une coalition de partis et mouvements islamistes, qui soutiennent le président, devrait manifester pour prouver sa détermination. Grand absent, le parti Al-Nour, principale force salafiste du pays, a appelé à s'abstenir de manifester, pour ne pas aviver les tensions. L'opposition, emmenée par le Front du salut national dirigé par Mohamed El Baradeï, compte défiler, également sur la Place Tahrir. L'opposition rassemblant des partis et groupes en majorité de tendance libérale et de gauche, rejette toujours le référendum de samedi et le projet de constitution soumis au vote. Pour l'opposition le texte manque de garanties pour un exercice démocratique du pouvoir. Le président Morsi décide un décret par lequel l'armée retrouve le pouvoir d'arrêter des civils jusqu'aux résultats du vote. Cette décision rappelle la période où les militaires ont dirigé le pays, de la chute de Hosni Moubarak en février 2011 à l'élection de Morsi en juin 2012. Cela remet surtout au premier plan l'influente armée égyptienne, qui se faisait discrète depuis la mise en retraite de son chef, le maréchal Hussein Tantaoui, en août dernier par Morsi, dans l'euphorie de la révolte démocratique. Samedi dernier l'armée est réapparue dans le jeu politique en exigeant le «dialogue» pour sortir de la crise actuelle. L'institution militaire s'est posée en garante de la stabilité du pays, en mettant en garde contre un «désastre». L'armée a averti les deux protagonistes d'intervenir en cas de dérapage de la situation sécuritaire. Des organisations de défense des droits de l'Homme, comme Amnesty International, ont dénoncé la possibilité de voir revenir les «procès de civils devant des tribunaux militaires», qui avaient marqué la période où l'armée assurait le pouvoir de transition. L'organisation Human Rights Watch souligne que cette transition militaire avait été marquée par «de graves abus, comprenant un usage excessif de la force, des tortures et des agressions sexuelles» de la part des forces armées. En fait l'institution militaire reste le cœur du pouvoir en Egypte. Depuis la chute de la monarchie en juillet 52 et la prise du pouvoir par les «officiers libres», l'Egypte a toujours été dirigée par les militaires. Le référendum de Morsi est toujours maintenu malgré la défiance de l'opposition. La journée du samedi s'annonce explosive. M. B. /Agences