Les habitants de Tizi Ouzou parlent peu, sinon jamais, des villes nouvelles de Sidi Abdellah, Bouinan, Boughzoul ou même de Hassi Messaoud qui font l'objet ces dernières années de déclarations faisant envier plus d'un, notamment en matière d'urbanisme et de modernité. Elles leur rappellent un très mauvais souvenir ; celui de la réalisation de leur nouvelle ville. Un ensemble hideux de bâtiments carrés sans style, dans lesquels les autorités ont casé des milliers de familles de tous horizons. Une cité-dortoir créée pour «parquer» notamment les fonctionnaires, qui faisaient la navette quotidiennement de leurs villages vers leurs lieux de travail au chef-lieu de wilaya. Mais depuis que le ministre de l'Aménagement du territoire et de la Ville, M. Amara Benyounès, a évoqué un programme de mise à niveau de la nouvelle ville Ali-Mendjeli à Constantine, certains ont commencé à se demander si les autorités ne penseraient pas à «mettre à niveau» la nouvelle ville de Tizi Ouzou. Cela même si l'état actuel de la nouvelle ville de Tizi Ouzou semble irrécupérable du point de vue urbanistique et architectural. «Il faut dépasser le constat d'une ville-catastrophe pour œuvrer à faire de la ville de Ali-Mendjeli une cité du 3e millénaire, répondant aux besoins de la vie moderne dans une ville fonctionnelle, intégrée et à l'aspect attrayant», avait déclaré le 26 décembre dernier M. Benyounès, provoquant une certaine excitation chez certains habitants de la ville des genêts, tentés qu'ils sont par un brin d'espoir quant à une décision en faveur de leur nouvelle ville. Mais une mise à niveau est-elle possible à la nouvelle ville de Tizi Ouzou ? Selon Zeydoun El Diab, du cabinet d'architecture et d'urbanisme (CAU) Kecili-El Diab, la nouvelle ville de Tizi Ouzou est un ensemble immobilier qui n'a pas un point de repère qui fait d'elle une ville. Un grand boulevard, une bâtisse particulière ou une autre infrastructure autour de laquelle la ville devait être créée. Au départ, le boulevard, rue des frères Belhadj, qui longe l'université de Tizi Ouzou, devait être cet axe manquant, alors que l'université devait être un point de jonction, un lien direct entre la nouvelle ville et l'ancienne ville, mais la réalisation de coopératives immobilières de façon anarchique a remis en cause le premier plan d'occupation du sol (POS) de ce côté de Tizi Ouzou. Le premier POS prévoyait en effet la réalisation de nouvelles bâtisses tout au long du boulevard, côté université, le but étant d'en faire l'axe principal de la nouvelle ville, avec une animation commerçante notamment des deux côtés. Il fallait, selon l'esprit du premier POS, corriger les lacunes de la réalisation initiale, mais ce plan coïncidait avec les multiples agressions urbanistiques dont ont fait l'objet tous les quartiers de la nouvelle ville, à travers notamment l'occupation d'un grand nombre de poches foncières destinées à accueillir des espaces verts par des bâtiments, en violation de toutes les règles urbanistiques. Cela avait créé une grande tension parmi les riverains, qui ont fini par s'interposer et empêcher le lancement de nouveaux projets, dénonçant «la mafia du foncier agissant avec la complicité des autorités locales à différents niveaux», selon des associations de quartiers. C'est cette tension qui a fini par remettre en cause la réalisation, dans le cadre du 1er POS, de bâtiments du côté de l'université et pousser cette même université à récupérer ces poches foncières pour y faire des travaux d'extension, estime notre interlocuteur qui regrette la disparition du point de jonction entre la nouvelle ville et l'ancienne ville. L'université de Tizi Ouzou y a implanté l'auditorium et le siège de la faculté des lettres et des sciences humaines, et barricadé l'ensemble de l'institution avec des barrières, faisant de l'université un lieu clos détaché de la ville et de la société. Il est clair que cela était inévitable et justifié pour des raisons, notamment, de sécurité, mais cela reste laid et refoulant du point de vue esthétique et urbanistique. Pour ce qui est d'un plan de mise à niveau que pourrait éventuellement décider le gouvernement et M. Amara Benyounès, Zeydoun El Diab est catégorique : une amélioration est possible mais elle ne sera pas de grande envergure. En d'autres termes, la nouvelle ville de Tizi Ouzou gardera son visage hideux.