Quand on évoque les projets urbains dans la wilaya de Tizi Ouzou, notamment au chef-lieu, il n'y a qu'une seule idée qui émerge : les pouvoirs publics sont de mauvais élèves dans la politique urbanistique. Comme si toutes les dénonciations qui ont été martelées par la société et ses divers représentants mais, aussi, par les responsables de l'Etat eux-mêmes, n'ont servi qu'à meubler un emploi du temps qui risquait de tourner vers la monotonie. Le petit village colonial qu'était Tizi Ouzou jusqu'aux années soixante-dix, n'est plus qu'un vague souvenir, effacé par la laideur de la politique de «bétonisation» en vigueur depuis la création de l'Office de promotion et gestion de l'immobilier (Opgi). L'exode rural, massif est encouragé et la multiplication de bâtiments sans âme entamée dès le début des années quatre-vingts ont fini par achever l'harmonie des petites ruelles parallèles et perpendiculaires qui constituaient la ville d'antan. Dans les actions visant l'extension de la ville de Tizi Ouzou, la quantité a d'abord prévalu sur la qualité, dans l'urgence, pour faire face à l'exode rural qui s'est intensifié durant les dernières années de l'Etat-FLN. Mais la période la plus «assassine» est, bien entendu, celle des années quatre-vingt-dix où la violence et l'anarchie ont fait alliance contre le bon sens urbanistique et architectural, quand les fameuses coopératives ont complètement défiguré Tizi Ouzou, les autorités étant appelées à chaque fois à «adapter» les fameux Plans d'occupation des sols (POS) et le Plan directeur de l'aménagement urbain (Pdau) au fur et à mesure que les agressions contre la ville se succédaient. Au début des années 2000, de nombreux responsables de l'Etat ont dénoncé cette situation et ont promis d'y remédier, notamment en corrigeant certains aspects de quartiers clochardisés et en respectant les règles urbanistiques dans les projets d'extension de la ville. Malheureusement, ces déclarations sont restées des mots creux. Les bâtiments continuent de surgir, y compris au milieu des villas, comme au quartier El Bordj où les habitants résistent difficilement contre un projet de construction qui ne devait même pas recevoir un permis de construire. D'un autre côté, l'esthétique est loin d'être une préoccupation pour les maîtres des ouvrages. Les bâtisses érigées ou à ériger continuent d'avoir la même forme carrée et hideuse parce que les responsables se plaisent dans la politique des moins-disant imposée dans les avis d'appels d'offres, notamment pour les études. Pour certains architectes interrogés par La Tribune, c'est le système du moins-disant qui les empêche de montrer tout leur art dans les plans qu'ils soumettent à l'appréciation des commissions des marchés. Cela est le plus basique des reproches que l'on pourrait faire aux décideurs, quant à la politique urbanistique de la ville. Une politique qui a réussi au fil des années à clochardiser et à dépersonnaliser la ville. Que dire alors de la vision culturelle de l'architecture et de la politique urbanistique ? Y a-t-il des références historiques et patrimoniales dans la politique d'extension de la ville menée frénétiquement de tous côtés ? Y a-t-il une politique d'extension réfléchie qui prenne en compte la question du cachet architectural, identitaire ou l'harmonisation urbaine ? Y a-t-il une place pour l'art et l'esthétique dans les projets urbains ? Les paysagistes, les sculpteurs et autres graphistes sont-ils associés à l'élaboration des grands projets ? Aujourd'hui, il est clair que l'aspect culturel reste encore et toujours inexistant dans l'urbanisme et l'architecture, à l'exception de quelques petits projets qui n'ont pas eu besoin de beaucoup d'imagination pour leur accorder un peu d'esthétique, à l'instar du théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou qui donne l'impression d'être un martien parmi les êtres humains. Mais le projet de transformation en musée du siège de l'ancienne mairie bâti à la fin du XIXe siècle donne une idée sur ce manque de vision culturelle, ses promoteurs ayant décidé de consacrer son rez-de-chaussée au service des mariages de la commune, en gardant le premier étage comme un musée. Quelle culture !