Le nouveau projet de loi sur les hydrocarbures a suscité un large débat à l'APN. Et il n'a pas fait l'unanimité. Des députés du FLN et de l'Alliance de l'Algérie verte ont exprimé leur rejet de ce texte de loi. L'ont-ils fait pour des considérations politiques ? A priori, oui. Dans le carré du vieux parti, il y avait incohérence autour de la ligne de conduite à tenir, à propos de ce texte de loi. Certains députés FLN, le vice-président du groupe parlementaire en tête, ont rejeté, et de manière catégorique, le projet de loi en question, d'autres ont émis des réserves discutables. La plupart des parlementaires hostiles à ce projet de loi ont mis en avant un argumentaire en rapport avec les effets des gaz de schiste sur l'environnement. Ils ont, également, souligné le manque de clarté concernant certaines dispositions liées au transport par canalisation et au rôle qu'aura à jouer Sonatrach dans le développement et la promotion du marché national des hydrocarbures. Le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, a, lui aussi, avancé ses arguments pour convaincre de la nécessité d'un tel projet de loi dans le contexte d'aujourd'hui, mettant en relief les objectifs assignés à cette loi qui cadre, selon lui, avec l'évolution des besoins du pays en énergie. Yousfi a affirmé que le nouveau projet de loi sur les hydrocarbures permettrait de couvrir les besoins énergétiques de l'Algérie à long terme, à travers l'intensification des activités d'exploration et de forage des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Yousfi estime que «la réflexion sur l'avenir des générations et la mise en place des moyens nécessaires pour garantir leur bien-être et prospérité, relèvent, désormais, de la responsabilité de tous». Le ministre a livré un ensemble de données pour illustrer l'ampleur de la consommation en énergie, dans les années à venir, une consommation corrélée avec la croissance démographique que connaît le pays (60 millions d'habitants à l'horizon 2040). En 2030, la consommation en produits énergétiques va atteindre 85 milliards de dollars par an. «Si nos ressources conventionnelles venaient à se tarir et si nous décidions de ne pas exploiter les hydrocarbures non conventionnels, comment pourrions-nous régler cette facture», demande-t-il. Yousfi a rappelé «les difficultés qu'avait connues l'Algérie au milieu des années 90, en raison de la baisse des cours du pétrole mais également en raison du manque de moyens de production d'hydrocarbures durant cette période. Le ministre a relevé dans ce chapitre que les importations de l'Algérie au cours de l'année précédente ont été estimées à près de 60 milliards de dollars, s'interrogeant sur la valeur de nos importations à l'avenir, avec la croissance démographique projetée. En réponse aux interrogations de députés, relatives à l'exploitation du gaz de schiste, Youcef Yousfi a affirmé que l'exploitation d'un seul puits pour son extraction nécessitait l'utilisation de 10 à 15 000 m3 d'eau, en application de la technique de l'hydrofracturation alors que le volume global des besoins de l'Algérie en cette source énergétique est estimé à environ 600 millions de mètres cubes sur les 40 prochaines années. L'Algérie exploite annuellement 70 millions de mètres cubes dans l'extraction du pétrole, a-t-il précisé. Le ministre a rappelé, aussi, que «la technique de l'hydrofracturation ne datait pas d'aujourd'hui et qu'elle avait, déjà, été expérimentée durant les années 70 où pas moins de 1 000 opérations avaient été effectuées aux Etats-Unis et avaient toutes été couronnées de succès. Par ailleurs, près de 25% des réserves du champ de Hassi Messaoud - le plus grand gisement d'hydrocarbures en Algérie - peuvent être extraits par des techniques conventionnelles», a-t-il dit, ajoutant que «jusqu'à aujourd'hui, nous avons exploité 13% de ces réserves alors que nous ne pouvons exploiter le reste que par des techniques non conventionnelles». Il a, également, souligné que «le gaz de schiste était, en vérité, une source énergétique, conventionnelle mais les techniques de son extraction sont non conventionnelles et, par conséquent, il s'agit, lorsqu'on parle de conventionnel et de non conventionnel, non pas des hydrocarbures mais de techniques d'extraction». Yousfi a, par ailleurs, rappelé que «plusieurs pays européens affichent des craintes pour ce qui se rapporte à l'utilisation des énergies non conventionnelles aux deux plans, régional et international, pour leur impact sur l'environnement et l'émergence de nouvelles sources alternatives». «Je ne dis pas que nous allons renoncer aux énergies renouvelables ou nucléaires, mais celles-ci ne couvriront pas les besoins énergétique de l'Algérie», a indiqué le ministre. Il estime, toutefois, que «le développement des hydrocarbures non conventionnels était un choix incontournable pour répondre aux besoins en matière d'énergie et au financement des projets d'investissement. Les hydrocarbures représentent jusqu'à 90% de nos besoins et nous n'avons pas d'alternative jusqu'à 2030», a-t-il encore indiqué. Concernant le rendement de ces hydrocarbures, Yousfi a rassuré que «les réserves de l'Algérie en gaz de schiste sont inépuisables et s'étalent de Timimoun (Adrar) à In Salah (Sud-Est), outre des poches à Tindouf et à Illizi, avec une rentabilité d'environ 1,5 milliard de mètres cubes de gaz par kilomètre». «C'est», a-t-il dit, «un taux important». Pour ce qui est de l'emploi, le ministre prévoit que «l'exploitation du gaz de schiste avec les activités énergétiques et industrielles y afférentes devra créer quelque 100 000 nouveaux emplois auxquels s'ajoutent les emplois actuels dans le secteur des hydrocarbures, estimés à près de 100 000 travailleurs». Yousfi a rappelé que «le secteur des hydrocarbure employait actuellement 15 000 ingénieurs et techniciens supérieurs qui maîtrisent bien leur tâche». Et le renouvelable dans tout cela ? Le ministre a rappelé, dans son intervention devant les parlementaires, le programme adopté par le gouvernement, il y a deux ans, et qui porte sur le développement des énergies renouvelables. C'est un investissement public estimé à plus de 100 milliards de dollars d'ici 2030. Mais, selon Youcef Yousfi, la production issue du renouvelable ne couvrira, alors, que le tiers de la consommation de l'Algérie en électricité. Sur la possibilité d'utiliser le charbon, Yousfi a indiqué que «la région de Béchar recèle d'importants gisements de quelque 300 millions de tonnes de cette source d'énergie, relevant, toutefois, que les faibles moyens d'exploitation disponibles, actuellement, ne permettaient pas une bonne utilisation de ces réserves». «Cela demande», également, a-t-il soutenu, «des techniques non conventionnelles en matière d'extraction». Il a, en outre, rappelé «la possibilité d'installer une station électrique qui fonctionne au charbon ou au gaz de charbon mais cela ne couvrira», a-t-il déploré, que «10% des besoins» du pays à l'horizon 2020. Concernant l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, le ministre a estimé que «cela ne pourra se faire qu'à long terme car la réalisation d'une centrale nucléaire se fait en 15 à 17 ans, ajoutant que l'Algérie ne pourra pas réaliser plus de deux centrales dont le fonctionnement nécessite de grandes quantités d'eau. La France utilise, annuellement, quelque 40 milliards de mètres cubes d'eau pour fournir son parc de centrales nucléaires», a-t-il rappelé.