La transition en Egypte semble entrer dans une phase interminable de blocages politiques avec le risque de payer un lourd tribut avant d'arriver à bon port pour un pays qui s'est débarrassé d'une autocratie qui dure depuis des décennies. Après la chute de Hosni Moubarak suite au soulèvement populaire, la vie politique égyptienne a pris un virage prometteur. Mais la période de transition s'est avérée plus compliquée que prévu. Les nouveaux acteurs politiques en place se livrent un face-à-face périlleux pour l'avenir du pays. La tension monte de plus en plus et les tendances sont alarmantes. A l'occasion du deuxième anniversaire de la chute de Moubarak des heurts entre les partisans du président Mohamed Morsi et la coalition de l'opposition a fait des morts et des blessés. L'état d'urgence a été décrété et un couvre-feu nocturne pour 30 jours dans trois provinces d'Egypte secouées par des violences meurtrières, les pires depuis l'accession à la présidence de Mohamed Morsi. Ce dernier a appelé à un dialogue avec l'opposition pour tenter de désamorcer une crise qui semble ne plus trouver de répit. L'opposition avait déjà menacé d'appeler à de nouvelles manifestations et à une présidentielle anticipée si certaines conditions énoncées n'étaient pas remplies. Cependant ce retour à l'état d'urgence rappelle bien de mauvais souvenirs tant l'Egypte y a été maintenue depuis l'assassinat d'Anwar al Sadate en 1981 jusqu'à la chute de Hosni Moubarak. Cette mesure d'exception reste pour l'opposition un signe tangible que l'actuel président est bel et bien tenté par l'option autoritaire. De leurs côtés le Président et les Frères musulmans se défendent de toute volonté de mettre au pas les libertés et lient les mesures à la nécessité de protéger les personnes et les biens. L'Egypte est de nouveau plongée dans la crise après la mort de 46 personnes en trois jours dans des violences dans les provinces de Port-Saïd, Suez et Ismaïliya, qui longent le canal de Suez. Ces affrontements reflètent la profonde division du pays mais aussi la persistance de l'hostilité d'une grande partie de la population envers les services de sécurité, accusés de violations systématiques des droits de l'Homme. Les heurts les plus meurtriers ont eu lieu à Port-Saïd, où 37 personnes ont péri après la condamnation à mort de 21 supporteurs du club de football local Al-Masry pour leur implication dans des violences ayant fait 74 morts en 2012 après un match contre le club cairote d'Al-Ahly. La tragédie avait traumatisé l'Egypte en son temps. Mais il reste étrange que l'annonce d'un verdict aussi sévère intervienne dans une conjoncture aussi difficile que celle vécue actuellement par l'Egypte. De son côté l'opposition menace d'appeler à de nouvelles manifestations et à une présidentielle anticipée si certaines conditions n'étaient pas remplies. Le président égyptien Mohamed Morsi a été élu légalement. Mais il semble succomber à un autoritarisme cher au régime déchu. Morsi a du mal à gérer une transition qui s'est avérée plus problématique que prévu. En face l'opposition n'en démord pas. Le Front du salut national qui rassemble les forces d'opposition envisage désormais la possibilité de boycotter les prochaines législatives. Il a appelé à une grande manifestation dans le cas où le président Mohamed Morsi refuse ses principales revendications : révision de la Constitution, mise en place d'un gouvernement de salut national, limogeage du procureur général et engagement franc des Frères musulmans à se conformer à la loi. Au fil des jours et malgré plusieurs rendez-vous électoraux la situation est de plus en plus complexe. La crise en Egypte risque de s'aggraver à moins que Mohamed Morsi n'arrive à transcender son statut d'islamiste pour celui de président de tous les Egyptiens. Morsi devrait travailler à rétablir un consensus minimal pour que la transition se déroule avec le moins de dégâts possibles, tant sur le plan humain que sur un plan institutionnel. L'idée d'un partenariat politique entre les protagonistes semble être la seule issue possible pour dépasser la zone dangereuse. En attendant c'est la logique autoritaire qui impose son tempo suscitant des rejets violents. Le président Morsi a appelé dans un discours à la nation les représentants des forces politiques, de l'opposition comme de partis islamistes le soutenant, à un dialogue au palais présidentiel au Caire. Mais la principale coalition de l'opposition égyptienne a rejeté cet appel du président le qualifiant de «vide de sens» et «de façade». Le Front réclame notamment que le président Morsi assume la responsabilité des violences de ces derniers jours, qui ont fait 47 morts en tout, et la formation d'un gouvernement d'union nationale. Après des jours de violentes émeutes, point de signes d'apaisement. L'Egypte n'arrive pas à sortir de la tourmente d'une transition politique périlleuse. M. B.