L'armée égyptienne est de nouveau entrée en scène pour tenter de calmer une situation qui risque de déraper. Elle a mis en garde contre un «effondrement de l'Etat» en cas de poursuite de la grave crise que traverse l'Egypte. Plus de 50 personnes ont trouvé la mort en cinq jours de violences, dont l'escalade ne semble pas trouver de répit. Les émeutes se poursuivent dans la région du canal de Suez malgré le couvre-feu. Les manifestants ont crié des slogans hostiles au président Morsi et aux Frères musulmans. «La poursuite du conflit entre les forces politiques et leurs divergences sur la gestion du pays pourraient conduire à un effondrement de l'Etat», a averti le ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi. Le ministre a appelé les forces politiques à trouver une issue aux «problèmes politiques, économiques, sociaux et de sécurité du pays». Il a également insisté sur la protection des «infrastructures vitales et stratégiques», au premier rang desquelles le canal de Suez. Ce canal demeure un axe majeur du commerce international et un point stratégique pour l'économie de l'Egypte. Il s'agit de la première prise de position publique d'un haut officier de l'Armée depuis le début de cette nouvelle vague de troubles dans le pays. L'institution militaire, véritable détentrice du pouvoir en Egypte, est en retrait depuis que le président Mohamed Morsi, élu en juin, a écarté l'ancien ministre de la Défense, le fameux maréchal Hussein Tantaoui. L'Armée s'était toutefois manifestée en décembre dernier lors de la crise liée à l'adoption du projet de constitution, pour appeler au dialogue et rappeler son rôle de garante de la stabilité du pays. Depuis quelques jours l'Armée s'est déployée à Port-Saïd et Suez. Le président Morsi a imposé l'état d'urgence dans les trois gouvernorats jouxtant cet axe stratégique de navigation (Port-Saïd, Ismaïliya, Suez). Le Sénat a ratifié un projet de loi autorisant le président à recourir à l'armée pour maintenir l'ordre. Mais apparemment sans résultat tangible. «Le peuple du canal défie l'état d'urgence du président», a titré hier le journal Al-Chorouk. Plus d'une cinquantaine de personnes sont mortes et des centaines ont été blessées dans les violences qui ont éclaté jeudi, alors que les Egyptiens commémoraient le deuxième anniversaire de la révolte contre l'ex-président Moubarak. Le pic de violences a eu lieu dans la ville de Port-Saïd, où 42 personnes ont péri dans des heurts notamment après la condamnation à mort de 21 supporteurs du club de football de la ville, impliqués dans la tragédie de l'an dernier. Ces affrontements, les plus meurtriers depuis l'élection de Morsi en juin 2012, se déroulent sur fond de forte contestation du président et de son parti par l'opposition. Sorti gagnant, en décembre, d'un bras-de-fer avec l'opposition autour de la Constitution, le président Morsi fait face à une nouvelle crise qu'il lui sera, cette fois-ci, difficile de désamorcer sans concessions. M. B./Agences