Concernant la violence dans les stades, l'espoir de renverser la vapeur selon les méthodes préconisées par les instances en charge du sport semble relever comme d'habitude de l'application d'un cautère sur une jambe de bois, tant il est clairement établi que la violence va crescendo. Paradoxalement, les acteurs ne s'accordent plus de répit, même à l'intersaison, dans la mesure où l'organisation des assemblées générales traîne en longueur, créant ou entretenant de fait une tension qui se déverse dans la rue et exploitée par «une opposition» que chaque club semble avoir, s'invente ou crée à dessein pour justifier une possible déconfiture. La nature ayant horreur du vide et les pouvoirs publics ayant, à leur décharge sans doute, la conjoncture difficile traversée par le pays, la réalité aujourd'hui est que trop d'espaces ont été investis par des personnes situées aux antipodes de l'activité sportive et qui, «intelligemment», ont mis à profit cette quasi-totale vacuité et à un moment où la réglementation s'établissait en fonction de ponctuelles nécessités. Les textes proposés en guise de réglementation étaient vite frappés de caducité parce que conçus selon l'humeur du groupe et/ou de la communauté d'intérêts qui, occasionnellement, détiendrait le meilleur rapport de force dans les institutions ou encore de personnes naguère proches des milieux sportifs mais dépourvues d'une stature à la hauteur de la mission. Les germes et le terreau de la violence Bien entendu, il a fallu du temps pour que la violence s'installe. N'a-t-elle pas comme par hasard accompagné parallèlement la période difficile vécue par le pays ? Elle semble par voie de conséquence procéder d'une crise sociétale dont les frustrations s'expriment pour certains dans les arènes des stades, faits d'une jeunesse désabusée, mais pas forcément manipulée comme aiment à le suggérer d'aucuns, et, plutôt, non encadrée. Nous en donnons pour preuve la propension de cette jeunesse à ne pas faire de distinction entre les personnes, voire les acteurs qui gravitent autour d'un club qui peuvent être à l'origine du climat délétère ambiant. Et parce qu'elle n'est pas encadrée, se pose cruellement la question de l'absence d'une organisation fondée sur des structures d'accompagnement au sein des associations sportives dont le comité des supporters devrait être la courroie de transmission entre la direction et les fans. Or, c'est tout le contraire qui prévaut dans la réalité, les comités de supporters à l'instar des entraîneurs sont interchangeables en fonction des résultats de l'équipe sinon du président du club dont ils sont les sujets si ce n'est les nervis pour devenir ensuite ses détracteurs. L'expérience a montré qu'ils ne servent à rien, excepté matériellement, à l'écoulement des billets de stade, à avoir leur entrée dans les quartiers de l'équipe et l'avantage personnel de côtoyer des joueurs dont ils s'assurent d'autorité l'amitié, porter des dossards singularisés le jour du match et supporter, de bout en bout, l'équipe au lieu de faire l'appoint des éléments de police chargés de l'ordre en gérant et en canalisant l'énergie des supporters, anticiper sur tout évènement de nature à perturber le spectacle et ainsi éviter d'éventuels dérapages. Ils sont malheureusement parfois les premiers vecteurs de bavures parce que plus supporteurs que modérateurs. C'est dire que l'éradication ou l'atténuation de la violence dans les stades n'a aucune chance de venir des comités de supporters et du rôle que semblent vouloir leur prêter naïvement les instances sportives nationales. L'exemple illustratif en est la somme de propositions formulées au cours de la dernière réunion du comité pour la prévention de la violence dans les stades. Des expériences et une hybridation d'un sport noble Pour autant la pierre est-elle à jeter aux supporters ? Forcément non. L'introduction de réformes précipitées autour du professionnalisme, d'un retour à l'amateurisme sur les résultats mitigées de cette option pour une tentative vers un ersatz, le semi-professionnalisme, parce que ni l'Etat et encore moins les associations n'avaient les capacités de se lancer dans le professionnalisme, le vrai, ont conduit à une hybridation du sport le plus populaire du pays. Un formidable fonds de commerce dans tous les sens du terme. D'abord générateurs de fortune rapide pour de véritables boucaniers antithèses même du football, caisse de résonance d'intérêts individuels, ensuite politiques et dans certains cas l'amalgame des deux. Les hommes qui ont eu à gérer de grands clubs ont surtout forgé leur propre réputation à telle enseigne qu'ils en arrivent à ignorer les lois de la République et tutoyer tacitement ceux chargés de leur application. Certains n'en sont-ils pas arrivés à menacer de lâcher les supporteurs au cas où les responsables d'un stade ou au cours d'une rencontre refuseraient d'accéder à des demandes parfois impossibles à honorer, notamment quand elles peuvent mettre en cause la sécurité du public ? Ces responsables ne s'épanchaient-ils pas avec une facilité déconcertante dans les titres de presse au motif que les pouvoirs publics n'avaient pas libéré la subvention et allant jusqu'à affirmer qu'ils «ne répondaient plus de rien au cas où…» ? Mais le plus grand alibi pour justifier leurs échecs ou celui leur équipe a été l'arbitrage. Quoiqu'il soit naïf de dédouaner le corps arbitral quelles que soient les circonstances atténuantes qui pourraient lui être accordées non pas à la seule évocation des erreurs commises sur le terrain, ce qui au demeurant est humain, mais plutôt au train de vie dont certains ne s'en cachent pas comme de leur proximité de clubs ou de présidents de club. Comme l'enseignement, l'arbitrage devrait être perçu comme un sacerdoce pour ceux qui en choisissent la vocation d'autant plus qu'il se base sur un sens aigu de la morale, ce qui est peu probable compte tenu de la pratique sur le terrain et du respect des règles générales auxquelles devraient se plier les juges, voire ceux qui les forment et les désignent. Dans les rencontres opposant les petites catégories (minimes, cadets et à un degré moindre les juniors), les arbitres officient parfois en tenue de ville et sans assistants parce qu'il «s'agit de jeunes où l'enjeu n'est pas important, l'essentiel étant pour eux de s'amuser», répondent à chaque fois les délégués de ligue. Or, l'arbitre est un repère pour le joueur qui apprend à le respecter. L'arbitre est aujourd'hui bousculé pour n'importe quel jugement même s'il contribue d'une manière phénoménale à l'anarchie par des décisions à contresens et parfois sujettes à caution. Enfin, les conditions draconiennes d'accès au stade font des supporteurs, si paisibles seraient-ils, de potentiels allumés prêts à mettre le feu à la moindre escarmouche. Brimades policières, mauvais comportements des guichetiers, des agents chargés de l'entrée alimentent largement une grogne vite amplifiée par le moindre couac de l'équipe, les réactions ostentatoires du banc de touche local, l'attitude vicieuse des joueurs de l'équipe adverse etc. La fin de la violence sur les stades n'est donc vraiment pas pour demain. A. L.