4 500 femmes ont déposé plainte pour violence de janvier à juin 2008. Combien d'entre elles ont accepté de souffrir en silence ? Elles doivent être plus nombreuses, à ne pas en douter, ces femmes qui n'osent toujours pas dénoncer les violences, généralement des proches, qui les humilient quotidiennement. Dénoncer le père, le mari ou encore le frère ne fait pas partie de la culture algérienne. Il y a aussi la peur des victimes du divorce ou encore des représailles. C'est la raison pour laquelle Me Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), a plaidé hier -à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard de la femme, célébrée demain- pour une législation plus rigoureuse et plus sévère contre la violence à l'égard de la femme. Mais cela ne suffit pas puisque, rappelons-le, la justice a déjà renforcé son arsenal après l'amendement des textes de loi en considérant les coups et blessures comme un délit assorti d'une peine qui peut aller jusqu'à 10 années de prison quand il y a préméditation ou port d'armes. Il faut donc penser à faire de la dénonciation de ces actes de violence une obligation pour les médecins et même accepter le témoignage des voisins. Sur ce dernier point justement, Me Ksentini propose d'inclure une loi permettant d'enclencher une procédure judiciaire sur le simple témoignage du voisinage. «Chez nous, la violence contre les femmes existe d'une manière conséquente et substantielle, mais malheureusement les victimes ne se plaignent pas systématiquement pour de multiples raisons bien connues», a-t-il dit. Plusieurs femmes, victimes de violence de la part de leurs époux, leurs frères ou autres, se rapprochent de la CNCPPDH, selon son président qui a regretté de ne pas avoir de statistiques à avancer à ce sujet. Le président de la CNCPPDH a, par contre, déploré et regretté que cette violence prenne autant d'ampleur dans notre société, notamment lorsque l'agresseur est un ascendant de la victime, ce qui est «plus répandu qu'on ne pourrait le croire». Pour l'avocat, tout acte de violence contre les femmes est une violation de leurs droits fondamentaux à la vie, à la sécurité et à la dignité. «Cela constitue un délit intolérable et déshonorant.» «Il est impératif d'instaurer des dispositions légales, pénales strictes suivies d'une application rigoureuse», insiste Me Ksentini. «Porter la main sur une femme doit être assorti d'une circonstance aggravante», a-t-il estimé, considérant que la violation des droits des femmes ne peut être excusée par un quelconque motif. Me Ksentini propose également de combattre cette violence d'abord par l'éducation «qui commence au sein de la famille puis à l'école et dans les mosquées». Sans vouloir justifier ce genre de violence, l'avocat a tout de même expliqué que la promiscuité du logement, le chômage et les difficultés de la vie font augmenter les frictions et les tensions entre les couples et les membres de la famille. Il a aussi évoqué l'effet de la drogue, dont la consommation enregistre une nette hausse. «Le phénomène de la violence prend de l'ampleur au fur et à mesure que les tensions sociales augmentent, donc cette violence ne baissera pas tant que nous n'avons pas apporté les traitements adéquats», a soutenu Me Ksentini qui a reproché à certaines associations traitant de ces cas d'avoir «une coloration religieuse, et toutes les associations, comme la société et le code de la famille donnent un statut inférieur à la femme». H. Y.