La ville de Ouargla renoue avec les émeutes, quelques jours seulement après un semblant de répit qui n'a duré finalement que le temps de permettre aux jeunes de reprendre leur souffle et mieux s'armer, semble-t-il, face aux forces de l'ordre. Les émeutes précédentes étaient pour dire leur colère contre le recrutement dans les entreprises pétrolières (Sonatrach et étrangères) de personnes venant des wilayas du nord du pays au détriment des nombreux chômeurs de la région. Cette fois-ci, ils contestent une liste d'attribution de 676 logements sociaux. «Toute la ville est en effervescence. Je viens d'appeler un ami et il m'a confirmé que la situation est vraiment critique. Les affrontements avec les forces anti-émeute se poursuivent jusqu'à l'heure actuelle (vendredi aux environs de 14 heures)», rapporte un employé de l'entreprise Sonatrach à Hassi Messaoud. Et notre interlocuteur d'insister : «Il y a saccage de plusieurs édifices publics. Selon les dires de mon ami, les jeunes ont même tenté de séquestrer le chef de daïra. Ce dernier n'a dû son salut qu'à l'intervention de certaines personnes. Nous sommes vraiment inquiets. Ces émeutes ne s'arrêtent pas et il y a même risque que ça s'embrase davantage.» Evoquant les émeutes précédentes, son épouse raconte : «Je n'ai pas travaillé ce jour là. Quand je suis arrivée au siège, je les ai trouvés (les manifestants) déjà bien installés à l'intérieur. Ils nous ont interdit tout accès à l'intérieur de la base.» Et celle-ci de poursuivre, à la fois avec inquiétude et ironie, «ils se sont même introduits dans le réfectoire. Ils ont pris leur déjeuner et ils sont partis». Manière de dire que ces «émeutiers» font la loi dans la région. Action légitime ou non pour des revendications somme toutes légitimes (travail, logement, amélioration des conditions de vie…), c'est un large débat que toute la société civile et les pouvoirs publics doivent s'imposer, en toute urgence et en toute objectivité, afin de trouver une solution qui serait à même de satisfaire, un tant soit peu, toutes les parties. Un autre habitant de la ville de Hassi Messaoud se plaint du fait que la connexion Internet soit coupée depuis mercredi soir à 23 heures. C'est ce jour-là que les jeunes sont sortis dans la rue pour manifester leur colère contre la distribution «injuste» des logements sociaux. «La connexion Internet est coupée aussi bien à Hassi Messaoud qu'à Ouargla», dit-il. «C'est suite à des émeutes pour cause d'une liste de distribution de logements sociaux. Ils disent qu'il y a eu de nombreux indus bénéficiaires qui ne sont même pas de la région. Peut être qu'ils ont raison de s'y opposer, mais ce qui est inquiétant c'est qu'il y a eu saccage de plusieurs édifices publics. Ils n'ont rien épargné. La colère est à son comble.» Notre interlocuteur cite le siège de la Cnas, la Direction de l'éducation et Algérie Telecom. Une dépêche de l'APS appuie ces témoignages. «Plusieurs groupes de jeunes ont manifesté jeudi à Ouargla à la suite de la publication, mercredi, d'une liste d'attribution de 676 logements, saccageant plusieurs édifices publics. Deux véhicules de particuliers, une agence de téléphonie (Mobilis), le siège de la Cnep-banque, la fourrière communale, l'unité de la Snta et une aile de la daïra de Ouargla, ont été saccagés par les protestataires. Ce qui a contraint la police anti-émeute à intervenir pour rétablir l'ordre, en usant de gaz lacrymogènes.» Une autre dépêche de l'APS indique qu'une enquête sur cette liste de logements sociaux, à l'origine de la contestation, sera ouverte. Elle sera «supervisée par le wali en personne». Un autre citoyen de la région d'Ouargla exprime ses inquiétudes : «On va aller vers l'irréparable. Les émeutes se poursuivent encore. Ça risque de s'étendre à d'autres wilayas du pays. Déjà qu'un sit-in est prévu demain (aujourd'hui samedi) à la ville de Ghardaïa. Beaucoup craignent un éventuel dérapage.» Et l'homme de soutenir : «Moi, je pense qu'il y a préparation d'une marche vers Alger. Ce sera fait à partir de quel point, et par quels moyens ? Je l'ignore. La menace est toutefois à prendre très au sérieux.» K. M.