L'arrestation de l'un des auteurs présumés du double-attentat de Boston et la mort du second met fin à plusieurs jours de tension médiatique qui ont accaparé la planète entière. Et ouvre le chapitre des nombreuses questions qui se posent. Les enquêteurs américains se concentrent désormais sur la recherche du mobile des frères Tsarnaev qui les a poussés à commettre leur attaque et sur la présence d'éventuels complices. Comment les deux hommes, loin d'être des djihadistes affichés, ont pu basculer dans une dérive terroriste ? L'Amérique réalise que les auteurs présumés du double-attentat du marathon sont des jeunes gens presque ordinaires. Deux frères vivant depuis une dizaine d'années aux Etats-Unis, arrivés de Tchétchénie à 9 et 16 ans. L'aîné, Tamerlan, 26 ans, est décédé lors d'une course poursuite avec la police. Le plus jeune, Djokhar, est désormais aux mains du FBI, hospitalisé après avoir été arrêté à l'issue d'une chasse à l'homme dans la ville de Boston. Les interrogations sur les raisons d'un tel acte reviennent désormais comme un leitmotiv. «Pourquoi deux jeunes qui ont grandi et étudié ici parmi nous, dans notre pays, ont recours à une telle violence ? Comment ont-ils planifié et mené ces attentats ?» s'est interrogé le président américain Barack Obama. Le parcours des deux jeunes gens devrait être passé au peigne fin pour comprendre, ou en tous les cas, essayer de trouver des réponses que toute l'Amérique se pose. Alors que l'attentat n'a pas été revendiqué les supputations allaient bon train. La piste islamiste a été même privilégiée un peu trop rapidement, notamment par des télévisions connues pour leur islamophobie depuis notamment le 11 septembre. Avec le profil des frères Tsarnaev c'est finalement la fameuse «menace intérieure» qui revient dans les médias, suscitant de nouvelles questions. «Tamerlan a-t-il entraîné son jeune frère dans sa folie meurtrière, ou les deux hommes se sont-ils radicalisés religieusement pour sombrer dans l'islam fanatique ?». Selon les dernières révélations, les deux frères avaient prévu leur action depuis plusieurs mois et disposaient d'un arsenal de guerre composé d'explosifs, d'armes de poing et de fusils. Ils n'ont pas hésité à tuer un policier pour tenter d'échapper à leurs poursuivants, montrant une détermination. Une étude du Centre Rand, effectuée par le spécialiste des questions de terrorisme, Brian Jenkins sur le profil des djihadistes aux Etats-Unis conforte cette impression. «Sur les 104 attentats, projets ou tentatives d'attaques recensées dans le pays depuis le 11-Septembre, les trois-quarts ont été initiés par des citoyens américains. La moitié des personnes impliquées étaient même nées sur le territoire et 29% avaient été naturalisées.» Les frères Tsarnaev que découvre l'Amérique sous le choc en sont une illustration. Pour Brian Jenkins «le djihad est moins l'expression d'une croyance religieuse qu'un prétexte à l'expression d'un malaise personnel». Le traitement médiatique des attentats du marathon de Boston aura été également particulier. Une fièvre s'est emparée des médias occidentaux et à travers le monde où ressortait une situation de deux poids deux mesures. Le même jour il y a eu plusieurs attentats en Irak, dont un extrêmement sanglant à l'aéroport de Baghdad, qui a fait 37 morts et des dizaines de blessés, dont plusieurs enfants. L'attentat n'aura droit qu'à quelques secondes dans les JT. Le système médiatique américain est extrêmement habile à fabriquer de belles histoires avec des héros, des victimes toujours très touchantes, comme l'enfant de 8 ans qui meurt lorsqu'il vient embrasser son père à l'arrivée du marathon. L'image de l'enfant de Boston fait le tour du monde et son histoire est connue dans tous les détails, alors que les enfants qui meurent ailleurs dans des conditions tout aussi terribles resteront dans l'anonymat. Le système médiatique US est fait de telle manière qu'il polarise sur des figures de héros, de victimes, et de méchants que le monde entier consomme. La consternation passée, toute la sphère médiatique et les réseaux sociaux sont devenus enquêteurs avec les dérapages inévitables. La presse américaine sortira des Unes avec des photos de personnes qui n'avaient absolument rien à voir avec l'acte terroriste. Mettant carrément leurs vies en danger. Cette déferlante est probablement explicable par la suprématie culturelle américaine, où tout ce qui se passe dans ce pays subit toujours un effet de loupe. La présence en surnombre de correspondants et de journalistes étrangers aux Etats-Unis ajoutera aussi à cette propension à sur-médiatiser un événement. New-York et Washington sont probablement les villes les plus couvertes au monde. M. B.