La chute du moral des entrepreneurs allemands en avril est venue, hier, assombrir le tableau pour la première économie européenne, dont le rebond pourrait être hypothéqué par le marasme qui touche beaucoup de ses partenaires. «Risques en hausse pour la croissance», pour Commerzbank, «revers», pour Berenberg Bank, «déception», pour Natixis : les commentaires des économistes témoignaient, hier, d'un scepticisme grandissant sur la capacité du pays à se découpler d'une zone euro toujours embourbée dans la récession et d'une économie mondiale poussive. Les entreprises allemandes sont «nettement plus réservées» que le mois précédent, a commenté l'institut Ifo. Les attentes pour l'avenir «ont encore reculé», précise l'Ifo, selon lequel «la conjoncture allemande marque une pause». Signe de l'incertitude qui règne, il a suffi de quelques jours et deux indicateurs décevants pour qu'un «mauvais pressentiment» ne vienne s'installer, selon les mots de Heinrich Bayer, de Postbank. Or la santé de l'économie allemande est cruciale pour toute la zone euro, qu'elle tire depuis le début de la crise de la dette. Et enfin, notaient à l'unisson les commentateurs, hier, tout signe d'assombrissement en Allemagne est un argument supplémentaire en faveur d'une baisse des taux par la Banque centrale européenne (BCE), une éventualité qui semble inéluctablement se rapprocher. Mardi dernier, l'indice PMI de l'activité privée en avril avait envoyé de premiers signaux inquiétants, avec une contraction en Allemagne pour la première fois depuis l'automne. Hier, le baromètre Ifo est venu enfoncer le clou avec un recul conséquent (de 106,7 à 104,4 points) en deux mois, après quatre mois consécutifs de hausse. Dans l'enquête de l'Ifo les professionnels du commerce de gros, c'est-à-dire les exportateurs, se sont montrés «nettement plus pessimistes» que le mois dernier à la fois dans leur appréciation de la situation actuelle et celle de leurs perspectives, relève l'institut. La croissance allemande reste très tributaire de l'export, même si cette dépendance a diminué. Mais la zone euro est à la peine et «au deuxième trimestre, même les marchés en croissance n'ont pas généré de bonnes nouvelles», font remarquer les analystes de Dekabank. Pour nombre d'experts toutefois il n'y a pas de raison de désespérer. L'économie allemande s'est incontestablement reprise après le recul du PIB au quatrième trimestre 2012, assure Carsten Brzeski de la banque ING, même si le mois de mars très froid a tempéré le rebond. «L'économie allemande croît, peut-être plus lentement que tout le monde l'avait espéré, mais elle croît», a assuré, hier à Berlin, Andreas Dombret, membre du directoire de la Bundesbank. Andreas Rees d'Unicredit voit dans le recul de l'Ifo une correction après un optimisme peut-être exagéré des entrepreneurs à l'automne et pendant l'hiver, et mise sur une croissance «respectable» cette année. Mais reconnait que la pérennité du rebond allemand est «la question à un million d'euros».