Contaminée par les ennuis de ses voisins européens, l'Allemagne traverse actuellement un trou d'air économique qui ne devrait toutefois pas durer de l'avis des analystes. "L'Allemagne a une économie ouverte et intégrée. Nulle surprise donc que la faiblesse conjoncturelle ailleurs en zone euro se répercute ici", disait déjà en novembre le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi. Un constat encore confirmé par le ministère allemand de l'Economie: "le difficile environnement européen a affaibli la croissance de l'économie allemande". Pour la première économie du Vieux continent, la pente a été descendante tout au long de l'année 2012. Preuve en est sa croissance de plus en plus maigre: +0,5% au premier trimestre, +0,3% au deuxième et +0,2% au troisième. Le quatrième trimestre, dont les chiffres officiels seront connus mercredi en même temps que ceux de 2012, devrait même avoir vu une contraction "sensible" du Produit intérieur brut (PIB), a prévenu le ministère dans un communiqué. Le ministre de l'Economie, Philipp Rösler, a d'ailleurs essayé de préparer le terrain dès le début de semaine. Il a expliqué, à Berlin, que la fin d'année avait "été plus faible que prévu" et a évoqué une croissance annuelle de "0,75%". Ce chiffre, globalement dans les clous des prévisions (+0,8% attendu par le gouvernement), marque une sacrée glissade par rapport aux croissances de 3% et 4,2% enregistrées les années précédentes. Mais reste bien loin de l'année noire 2009, où l'économie allemande s'était contractée de 5%. Si le succès des produits allemands à l'étranger reste un pilier majeur du pays, c'est aussi la courroie de transmission des faiblesses conjoncturelles venues hors de ses frontières. Les récents indicateurs économiques le confirment, avec une chute en novembre des exportations à 94,1 milliards d'euros, contre 98,4 milliards en octobre. Sans surprise, c'est surtout dans le reste de la zone euro que l'Allemagne peine à vendre. Les commandes de machines-outils et les commandes industrielles dans leur ensemble en ont souffert. Même si ces données portent seulement sur novembre, "il faudrait un miracle économique absolument pas réaliste pour éviter une contraction" du PIB au 4e trimestre, a affirmé Carsten Brzeski, économiste à la banque ING. Il parie sur "le pire" résultat depuis le premier trimestre 2009. Les prévisions des économistes vont d'un très léger recul du PIB, de 0,2%, à un recul beaucoup plus marqué, frôlant les -1%. Mais "temporaire" est le mot rassurant qui revient dans la plupart des bouches pour désigner cet accès de faiblesse. Si "2013 restera une année difficile pour l'économie allemande", Christian Ott, de Natixis, voit l'Allemagne échapper à une récession technique (deux trimestres consécutifs de contraction du PIB). "Les perspectives vont vite s'éclaircir de nouveau", a assuré pour sa part l'institut de recherche économique allemand DIW. "Dans l'ensemble, l'économie allemande est encore très compétitive et en bon état", estime le ministère de l'Economie. Il compte notamment sur un marché du travail, qui reste "robuste" et "soutient le marché intérieur". Grâce à une demande hors Europe encore solide, l'export devrait aussi alimenter un cercle vertueux de reprise. "Avec de meilleures perspectives de ventes, les entreprises devraient de nouveau investir, d'autant plus que les conditions de financement sont pour l'heure particulièrement attractives", explique Simon Junker du DIW. Tablant sur un retour de la croissance au premier semestre, Carsten Brzeski ne voit donc pas l'Allemagne "rejoindre la course vers le bas dans laquelle beaucoup de pays de la zone euro sont lancés". Un point de vue partagé par Andreas Rees, d'UniCredit, qui souligne, que parallèlement aux mauvais chiffres de fin 2012, "les perspectives de 2013 se sont considérablement éclaircies". Pour l'heure, le gouvernement mise sur une croissance de 1% pour 2013. Production industrielle en hausse de 0,2% en novembre La production industrielle en Allemagne a légèrement rebondi en novembre, de 0,2% sur un mois, un résultat toutefois inférieur aux attentes des analystes, selon un chiffre provisoire publié mercredi par le ministère de l'Economie. "Après trois mois de baisse consécutive et un recul cumulé de plus de 4%, la production industrielle a enfin montré des signes de stabilisation", a commenté Carsten Brzeski, économiste pour la banque ING. Les analystes du consensus réuni par l'agence Dow Jones Newswires misaient toutefois sur une reprise plus vigoureuse, de 1%. Selon Annalisa Piazza, économiste chez Newedge Strategy, ce résultat "n'annonce rien de bon pour la croissance du PIB en Allemagne au quatrième trimestre, qui pourrait être négative pour la première fois depuis 2011". Le chiffre du mois d'octobre a lui été révisé en hausse: le repli de la production industrielle y a atteint -2% contre -2,6% annoncé précédemment, selon le ministère. Le rebond de novembre reflète en grande partie une reprise modérée de l'activité dans le secteur des biens durables et non durables (+0,4%, contre -2% en octobre), ainsi que dans le bâtiment (+1%, contre -1,6% en octobre), a-t-il précisé dans son communiqué. Selon les experts, ces secteurs ont notamment tiré parti de la forte hausse des commandes industrielles en octobre, qui avaient bondi de 3,8%. A l'inverse, le secteur de l'énergie a continué de peser sur cet indicateur. Sa production a reculé de 3,3% en novembre, après une baisse de 1,7% en octobre. De même, la production de biens de consommation a elle aussi reculé en novembre, à -2,2%, après avoir déjà baissé de 1,1% le mois précédent. Sur la période octobre-novembre, la production industrielle a cédé 2,5% par rapport aux deux mois précédents. Depuis le début d'année 2012, elle a perdu 2,9%. "Après un départ au ralenti au dernier trimestre 2012, la production industrielle s'est ensuite stabilisée. Au quatrième trimestre, elle sera toutefois vraisemblablement moins élevée que son niveau du troisième trimestre", a ajouté le ministère. Ce dernier s'est toutefois voulu rassurant : "l'évolution des entrées de commandes ainsi que les performances des indicateurs de confiance plaident pour une évolution plus favorable pour cette nouvelle année". L'indice de confiance des entrepreneurs allemands, mesuré par l'indice Ifo, a de nouveau progressé en décembre, après avoir déjà rebondi en novembre où il avait mis fin à six mois de recul ininterrompu. Toutefois, plusieurs indicateurs publiés mardi ont assombri l'horizon de l'économie allemande, qui fait toujours figure d'îlot de stabilité en Europe. Les commandes industrielles en Allemagne sont reparties à la baisse en novembre après leur rebond d'octobre, même si ce recul est jugé passager par les analystes. D'autre part, les exportations allemandes ont enregistré une nette baisse en novembre, source d'inquiétude pour la première économie européenne. Les chiffres de la production industrielle publiés mercredi "donnent de nouvelles preuves qu'on est en pleine phase de faiblesse de l'économie de la zone euro", a estimé Jonathan Loynes, chef économiste chez Capital Economics.