Le 14 juin prochain les Iraniens vont se rendre aux urnes pour choisir un nouveau président, après huit années de présidence de Mahmoud Ahmadinejad. Le bilan du président sortant, personnalité iconoclaste, est au centre des débats, et son départ est, à quelques jours du scrutin, la seule certitude de ces élections iraniennes. Le système politique iranien étant particulier, la prééminence institutionnelle du Guide suprême de la révolution ne sera pas au centre du débat. Cependant, la fin du second mandat du président Ahmadinejad est bien un événement pour ceux qui conjecturent sur un «changement» de la République islamique. Huit candidats ont été approuvés par le Conseil des gardiens de la Constitution, en charge de superviser les élections. Parmi eux, cinq conservateurs, deux modérés et un réformateur, selon une classification approximative. Ils seront finalement sept à s'affronter lors des présidentielles du 14 juin. L'un des cinq candidats conservateurs, Gholam-Ali Hadad-Adel, a annoncé son retrait de la course. Un retrait intervenant alors que des tractations sont en cours entre Hassan Rohanin et Mohammad Reza Aref, pour une candidature unique au premier tour. Il faut dire que la phase des candidatures n'a pas manqué de suspense et de surprises. Le Conseil des gardiens de la Constitution, chargé de valider les candidatures à l'élection présidentielle, a ainsi éliminé deux candidats jugés controversés. Akbar Hachemi Rafsandjani, l'ancien président du pays (1989-1997), et aussi une des figures historiques de la révolution islamique de 1979, a été recalé. L'autre célèbre exclu est Esfandiar Rahim Mashaïe, candidat proche d'Ahmadinejad. Après avoir vivement critiqué son exclusion, Rafsandjani a finalement appelé à l'union des forces réformatrices. Par cette mise à l'écart Rafsandjani paierait sa position lors des dernières élections de 2009. De son côté Ahmadinejad a dénoncé l'exclusion de Mashaïe. La mise à l'écart de ces deux candidats serait selon les observateurs un moyen de délimiter le domaine réservé du Guide en matière de politique internationale, puisque ces deux candidats représentaient, pour des raisons différentes, des mouvances favorables à la réforme du système. Pour ce premier tour, qui s'annonce très disputé, les candidats qui semblent sortis du lot sont Saïd Jalili, le négociateur sur le nucléaire, et Ali Akbar Velayati, l'ancien ministre des Affaires étrangères et actuel conseiller du Guide suprême. Le camp réformateur, qui d'habitude a les faveurs des pays occidentaux, tente un retour timide sur la scène politique avec deux candidats. Après la disqualification de Rafsandjani, les yeux se tournent vers Hassan Rohani, un religieux modéré de 64 ans, et Mohammad Reza Aref, l'ancien vice-président de Mohammad Khatami. Face à cinq conservateurs, dont deux proches conseillers du Guide suprême Ali Khamenei, la tâche s'annonce ardue pour être présent à un éventuel second tour le 21 juin. La volonté de fermer le jeu face aux réformateurs semble manifeste. De nombreux candidats réformateurs ont été disqualifiés pour les élections municipales qui auront lieu en même temps que la présidentielle. Cependant la présence de Rohani et Aref permet de mobiliser de nouveau une partie de l'électorat des réformateurs, qu'on retrouve dans les milieux de la classe moyenne. Ainsi, le premier enjeu de ce scrutin est la sortie de la période Ahmadinejad. Son bilan reste néanmoins discuté. En dépit de réformes économiques saluées par le Fonds monétaire international (FMI), comme le programme de suppression des subventions étatiques aux produits de première nécessité remplacées par une allocation mensuelle à partir de 2010. Pour la première fois de son histoire, l'Iran, pays fondateur de la Société des nations (SDN), se retrouve l'objet de sanctions initiées par les Occidentaux contre son programme nucléaire. Pour échapper à l'hostilité viscérale des Occidentaux, Ahmadinejad a renforcé les liens avec les pays non-alignés, des continents africain et sud-américain. La plupart des candidats sont des collaborateurs du Guide (Haddad-Adel, Velayati, Jalili) ou d'anciens responsables d'organes sécuritaires, comme Ghalibaf, le maire de Téhéran. Ces candidats bénéficient tous de l'approbation de la superstructure révolutionnaire de l'Etat issue de la révolution islamique. Cependant, il leur est impossible de transgresser les lignes rouges du ressort du Guide, comme la question palestinienne ou le programme nucléaire. Ce dernier bénéficie d'ailleurs d'un véritable consensus national qui dépasse les contingences partisanes. Tous les candidats sont unanimes sur la question, ils ont pour objectif affiché de permettre à l'Iran de réaliser ses projets nucléaires. Il s'agit d'une question de souveraineté. Pour les conservateurs comme pour les réformistes le nucléaire est une cause nationale. La priorité du prochain président doit aussi être la résolution des problèmes économiques et sociaux du pays. Les candidats auront à susciter, sinon l'adhésion, du moins l'intérêt d'une partie de l'opinion en présentant des programmes politiques crédibles. Sur le plan géopolitique, un domaine réservé au Guide, la crise syrienne devrait constituer une question importante de la politique iranienne. La Syrie demeure toujours un allié de l'Iran. Et la crise périlleuse pour toute la région aura consolidé les relations entre les deux pays. Pour certains spécialistes de l'Iran, l'arrivée d'un candidat modéré pourrait aboutir à un rééquilibrage de la stratégie régionale de l'Iran. Comme le renforcement du dialogue avec les Frères musulmans et une consolidation du statu quo avec l'Occident. Les Iraniens éliront un président qui agira en coordination avec le Guide, tout en présentant une image plus conciliante du régime sur la scène régionale (arabe) et internationale. Après l'élection présidentielle controversée de juin 2009, l'inconnue du scrutin de vendredi reste le taux de participation et la réaction des électeurs, notamment dans les grandes villes. M. B.