Insoutenable tension hier au Caire. Répondant à l'appel à manifester, lancé par la confrérie des Frères musulmans jeudi, des dizaines de milliers de personnes sont sorties dans la rue après la grande prière du vendredi. Le rassemblement au Caire devant les bâtiments de la Garde républicaine a fait au moins trois morts qui seraient des manifestants favorables au président déchu Mohamed Morsi. Des victimes qui seraient tombées lors d'échanges de tirs entre les militaires et les manifestants. Très tôt dans la journée, un soldat a été tué dans une attaque coordonnée de militants islamistes qui ont tiré à la roquette et à la mitrailleuse sur des postes de police et militaire au Sinaï. La chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya a fait état d'accrochages similaires un peu partout en Egypte sans être toutefois, relayée par d'autres médias. Au moment où l'Occident semblait approuver «le coup d'état démocratique», le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) a suspendu la participation de l'Egypte à l'organisation panafricaine, après le renversement par l'armée du président égyptien, Mohamed Morsi, selon un communiqué officiel. Une décision regrettée par le ministère des Affaires étrangères égyptien. Sur un plan politique interne, le président par intérim égyptien, Adly Mansour, installé jeudi, a décidé hier, de dissoudre la chambre haute du Parlement (Choura), dominée par les islamistes, et de nommer un nouveau chef des services de renseignement. La chambre haute, qui assumait la totalité du pouvoir législatif après la dissolution l'an dernier de la chambre des députés, était acquise au président Morsi renversé mercredi par l'armée. M. Mansour a aussi nommé un nouveau chef du renseignement, Mohammed Ahmed Farid, a indiqué l'agence officielle Mena. Le procureur général égyptien qui a réintégré son poste mercredi, a surpris tout le monde en annonçant son intention de démissionner. Une démission qui se justifie selon lui par les possibles conflits d'intérêt dans de futures instructions d'affaires judiciaires. Abdel Méguid Mahmoud, qui fut nommé à ce poste sous Hosni Moubarak, avait été démis en novembre 2012 par le président Mohamed Morsi, aujourd'hui déchu. Il a été réintégré dans ses fonctions cette semaine sur décision de justice. Dans le communiqué publié par l'agence officielle Mena, M. Mahmoud précise qu'il va demander à la Cour suprême d'approuver son «retour dans les rangs des juges» car, dit-il, «je me sens mal à l'aise face aux mesures qu'il me sera demandé de prendre à l'avenir impliquant ceux qui m'ont limogé de mon poste». De leur côté les Frères musulmans, ont surpris les Egyptiens en démentant que leur guide suprême, Mohammed Badie, ait été arrêté comme l'avaient annoncé la veille certaines sources proches des services de sécurité égyptiens. Le numéro un de la confrérie a prononcé un discours en fin d'après-midi devant les partisans de M. Morsi réunis près d'une mosquée de Nasr City, une banlieue du Caire. Dans son allocution, le Guide a appelé les partisans à protéger la révolution qui a porté Mosri au pouvoir et d'organiser des sit-in jusqu'à la restitution du pouvoir au Président déchu. «Nous resterons dans les rues par millions jusqu'à ce que nous portions en triomphe notre président élu», a-t-il lancé devant un rassemblement d'islamistes. Le vice-président de la vitrine politique des Frères musulmans, le parti de la justice et de la liberté, a, quand à lui, joué la carte de la légitimité. Dans une déclaration à la chaîne libanaise Al Maydine, Issam al Iryane, a rejeté toute négociation avec un pouvoir illégitime et a promis aux militants de son parti une victoire prochaine. Ahmed Fahmi, autre responsable des Frères musulmans a appelé à ne pas s'en prendre à l'armée. En fin de journée personne n'était en mesure de dire exactement quelle est la part de vérité dans le déluge d'informations que se relayaient les médias. La confusion était totale. Une chose était cependant claire. Les appels à la violence de part et d'autre de la ligne de front, qui divise, depuis quelques semaines l'Egypte, étaient les plus audibles. Les rafles qui ont touché les milieux des islamistes n'augurent rien de bon. La répression tout azimut ne peut que nourrir la haine et les sentiments de vengeance. Les djihadistes ne sont jamais trop loin. G. H.