Ce que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a prudemment qualifié de «dysfonctionnements dans la lutte anticancer» (selon ce que la presse nationale a publié en se basant sur une dépêche de l'agence Algérie presse service) est, en réalité, l'expression d'un véritable échec des pouvoirs publics dans la concrétisation du programme de lutte contre le cancer lancé voilà sept longues années. Lorsque -après avoir, en conseil interministériel, entendu l'exposé du Pr Messaoud Zitouni, chargé en 2012 de l'évaluation du plan de lutte anticancer- M. Sellal parle de «l'inadéquation entre les moyens de la santé et la réalité du terrain […] qui est caractérisée par une mauvaise exploitation des ressources, malgré la volonté politique affichée, la couverture sanitaire nationale complète et le budget de la santé qui a connu un doublement ces dernières années», d'autres préfèrent évoquer la mauvaise gestion du secteur de la santé, les sérieux problèmes de radiothérapie et de chimiothérapie, les diagnostics tardifs quasiment impossibles à rattraper, les lourdeurs bureaucratiques, les lenteurs dans la réalisation des infrastructures hospitalières, l'absence de dépistage de la maladie, et, parfois même, l'impossibilité d'accéder aux soins pour un certain nombre de malades. Au cours d'une manifestation scientifique qui a récemment regroupé, à Oran, des spécialistes en oncologie, il a été rappelé que seulement un centre anti-cancer a été réalisé sur les 20 qui sont prévus par le programme depuis 2007, que, pour des raisons bureaucratiques, ceux de Tlemcen et de Sidi Bel Abbès n'ont pas encore ouverts tandis que la réalisation des centres de Tiaret, Béchar, Adrar et Chlef n'a même pas été encore lancée: «La santé n'attend pas, c'est stratégique, c'est vitale, on ne doit pas se permettre de faire de la bureaucratie dans la santé!», s'est indigné l'un des participants, en l'occurrence le Pr Djillali Louafi, chef de service d'oncologie du CHU d'Oran. Pour le professeur, la responsabilité première incombe aux différents ministres qui se sont succédé à la tête de la Santé, en raison de leur incapacité à appliquer le plan national de lutte contre le cancer malgré la disponibilité des ressources humaines et des moyens financiers. L'échec dans la mise en place de ce plan anti-cancer se manifeste tous les jours dans les hôpitaux algériens où les malades -dont on ignore encore le nombre exact sur le territoire national, bien que les uns parlent de 45 000 pendant que d'autres avancent 150 000 nouveaux cas annuels- sont confrontés à une pénurie de soins alors que les personnels médical et paramédical ne savent plus où donner de la tête. Autre indicateur à charge : il semblerait que l'Algérie propose un centre de radiothérapie pour deux millions d'habitants alors que les normes de l'OMS prévoient un service pour 50 000 habitants. Il est des dysfonctionnements dont les répercussions sont si désastreuses qu'elles appellent des mesures urgentes qui ne s'accommodent d'aucune prudence de langage. S. O. A.