Deux démissions au gouvernement portugais et les marchés s'emballent de nouveau. La tension est rapidement retombée, mais le feu couve toujours sous la cendre. Le ministre des Finances portugais, qui n'arrive plus à faire passer ses mesures de rigueur, démissionne. Le ministre des Affaires étrangères, en désaccord avec le choix de son successeur, démissionne à son tour, mais le Premier ministre le retient. Apparemment, de sérieux efforts sont faits pour sauver la coalition au pouvoir. Mais le doute s'est installé : les Portugais qui voient le chômage se maintenir à 17,6 % de la population active (42,1 % pour les jeunes de moins de 25 ans) et leur pays bien parti pour une troisième année de récession vont-ils encore continuer à accepter de faire des sacrifices dont ils sont peu récompensés ? Sur les marchés, des investisseurs ont été tentés de jouer la carte d'un retour de la crise de la dette. Le taux des emprunts à dix ans du Trésor portugais est remonté passagèrement à plus de 8%, (alors qu'il était revenu à 5,46% en moyenne en mai) et la Bourse de Lisbonne a chuté de 5,3% le 3 juillet. Ces événements surviennent alors que la situation économique semble arrêter de se détériorer en zone euro et que même la Grèce semble être en mesure de renouer avec la croissance en fin d'année ou au début de l'année prochaine. Mais tous les indicateurs le montrent : l'Europe reste fragile. L'Irlande, par exemple, que l'on citait en exemple pour la façon dont elle avait réussi à sortir de sa cure d'austérité, est retombée en récession. Avec des déficits publics encore élevés et des dettes publiques très lourdes, la plupart des pays restent vulnérables et les populations selassent de la rigueur. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les marchés surréagissent à des informations économiques ou politiques laissant entrevoir le risque d'une défaillance, même si beaucoup de financiers restent très mesurés dans leurs jugements. Ainsi Frédéric Rollin, à la banque Pictet, nous dit préférer rester en retrait du marché des obligations gouvernementales en Europe du sud, mais estime que «la Banque centrale européenne a la situation bien en main». De fait, l'effet Draghi a encore joué le 4 juillet sur un marché qui ne demandait qu'à être rassuré; le taux à dix ans portugais est revenu autour de 7,45% et tous les marchés boursiers européens étaient dans le vert. Faut-il croire pour autant que le danger est passé ? Malheureusement non. A court terme, avant les élections allemandes, on ne peut exclure la volonté de certains spéculateurs de tester la détermination de la BCE à agir pour soutenir des Etats défaillants par l'achat de leurs titres de dette dans le cadre de la procédure des OMT (opérations monétaires sur titres). Jusqu'à maintenant, la Banque centrale a réussi à maintenir le calme sans avoir besoin de passer à l'acte, mais comme on sait que cette procédure déplait à l'Allemagne et que le tribunal de Karlsruhe doit se prononcer sur sa constitutionnalité après les élections, il pourrait être tentant de profiter de cette période d‘incertitude pour provoquer un incendie. Enfin et surtout, alors que le problème de la dette va plomber la croissance européenne pendant de longues années, il paraît difficilement envisageable que ce long trajet sur la voie de l'assainissement des finances publiques s'effectue sans anicroche. On peut craindre que le mot CRISE ne disparaisse pas très vite de notre vocabulaire usuel. D'ailleurs l'AMF (autorité des marchés financiers), dans sa liste des risques identifiés pour les marchés financiers et l'épargne publiée le 4 juillet, met au premier rang les tensions «par manque de crédibilité des stratégies de consolidation des finances publiques des Etats européens les plus vulnérables». G. H. in slate.fr