La situation politique en Egypte, depuis la destitution du président Morsi par l'armée, demeure inextricable et ouverte sur tous les scénarios. C'est une véritable guerre d'usure que se livrent désormais les protagonistes de la crise politique égyptienne. A savoir l'armée, les Frères musulmans et les différents mouvements hétéroclites qui ont poussé le Président vers la sortie. Le bras de fer est engagé et ne semble pas trouver de solution. Les efforts pour une sortie de crise se font plus prononcés. Les «nouvelles» autorités s'efforcent de mettre en œuvre une «feuille de route» de transition. Le gouvernement provisoire dirigé par Hazem Beblawi concentre désormais son discours essentiellement sur la sécurité et l'économie. Le pays coupé en deux est en effet entré dans une logique dangereuse de confrontation. La commission de révision de la Constitution nommée par le président par intérim, Adly Mansour, devrait étudier les amendements au texte introduit par le chef de l'Etat destitué. Le gouvernement de transition a appelé «tous les partis politiques à exprimer leurs opinions de manière pacifique» et à travailler pour le retour à la stabilité. Cependant aujourd'hui la politique s'est déplacée dans la rue en Egypte. Les manifestations massives (marquées parfois par des heurts sanglants) se succèdent et se diversifient. Les partisans des Frères musulmans et ceux qui n'ont pas accepté le coup de force des militaires, appellent toujours au retour de la légitimité et le rétablissement du Président dans sa fonction comme préalable au retour à une situation normale. Des accès de violence sont notables notamment dans le Sinaï, mais sans dépasser un seuil au delà duquel la situation deviendrait incontrôlable. Les arrestations de nombreux dirigeants des Frères musulmans, la mise au secret par l'armée du président Morsi, la mort de plus de 100 manifestants depuis sa destitution et les incertitudes du calendrier politique provoquent de nombreuses inquiétudes. La situation politique inextricable dans un pays comme l'Egypte suscite l'appréhension à travers le monde. L'Union africaine a suspendu l'Egypte alors que le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, préconise «la nécessité de la reprise du processus démocratique en Egypte». Mais d'autres pays de la région ont clairement exprimé leur soutien aux nouvelles autorités dès la destitution de Morsi, à l'image des trois monarchies du Golfe, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït. Ces derniers ont ainsi annoncé des aides au Caire s'élevant à 12 milliards de dollars. Et le roi Abdallah II de Jordanie a été le premier chef d'Etat étranger à se rendre en Egypte depuis l'éviction de Morsi. Les autorités intérimaires avancent dans leur calendrier de transition en réunissant pour la première fois la commission de révision de la Constitution et le nouveau gouvernement. Composée de quatre professeurs d'université et six magistrats, la commission d'experts devrait fixer le cadre de la transition politique et des échéances électorales. La Constitution avait été adoptée par référendum en décembre, par 64% des voix, mais avec seulement 33% de participation, après une phase préparatoire houleuse et un bras de fer aigu entre les partisans et les opposants du texte. L'opposition et les représentants de l'Eglise s'étaient retirés de la commission constituante, invoquant la volonté d'hégémonie des islamistes sur un texte censé régir la vie de tous les Egyptiens. La commission d'experts aura trente jours pour élaborer des amendements, qui seront présentés à une commission de 50 personnalités représentants les diverses composantes de la société. Cette dernière disposera de deux mois pour remettre la version finale de la Constitution. Mansour devrait annoncer dans un mois la date d'un référendum constitutionnel. En face les Frères musulmans n'en démordent pas. Ils demandent à l'armée «de respecter la volonté du peuple» en revenant à une «légitimité constitutionnelle, avec la Constitution, le président et le Parlement». Les Frères assurent qu'une fois rétabli dans son pouvoir Morsi mènerait «l'initiative de réformes qu'il s'est engagé à mener selon la Constitution décidée par le peuple». Une fois ces conditions réunies «toutes les forces politiques et nationales se rencontreront pour un dialogue sans limites» sur l'avenir du pays. Un dialogue de sourds qui ne fera que prolonger la guerre d'usure en Egypte. M. B.