Inédite était la protestation contre une décision royale. Inédite aussi est l'annulation de cette grâce royale controversée. Le roi du Maroc Mohammed VI a décidé de retirer la grâce accordée à Daniel Galvan, un pédophile espagnol multirécidiviste dont la récente libération a entraîné d'importantes protestations dans le royaume. Le texte publié par l'agence officielle MAP évoque une décision «à caractère exceptionnel». Confronté à l'indignation persistante d'une large frange de la population, Le roi du Maroc Mohammed VI, a décidé dimanche soir d'annuler la grâce accordée au pédophile espagnol multirécidiviste. Une marche arrière dans l'espoir d'apaiser la colère populaire grandissante. Alors que selon plusieurs médias l'ancien détenu a déjà quitté le Maroc, il est précisé que le ministère de la justice devra étudier avec Madrid «les suites à donner au retrait de cette grâce». Daniel Galvan Viña, 63 ans, condamné en 2011 à trente ans de prison pour des viols de onze mineurs, serait depuis samedi dernier en Espagne. De nombreux Marocains avaient protesté vigoureusement depuis l'annonce de cette grâce dans diverses villes du royaume. L'affaire a carrément viré au scandale. Sa libération est intervenue dans le cadre d'une grâce royale accordée à 48 prisonniers espagnols au nom, selon les médias officiels, de l'excellence des relations bilatérales, quelques jours après une visite du roi Juan Carlos. Mais, moins de 24 heures après avoir annoncé l'ouverture d'une enquête sur cette «regrettable libération», le souverain marocain a finalement décidé d'annuler la grâce. Cette décision, «à caractère exceptionnel», est motivée par «la gravité des crimes commis et le respect du droit des victimes», a indiqué le Palais royal dans un communiqué publié par l'agence de presse officielle MAP. Le texte du Palais royal note que le ministre marocain de la Justice, Mustapha Ramid, devra «examiner avec son homologue espagnol les suites à donner à l'annulation de cette grâce». En outre, le communiqué prend soin de rappeler que Mohammed VI a ordonné, samedi soir, l'ouverture d'une «enquête approfondie (...) visant à déterminer les responsabilités et les défaillances» et «à identifier le ou les responsables». Dans cette première prise de position, le Palais royal avait également assuré que Mohammed VI n'avait «jamais été informé, de quelque manière que ce soit et à aucun moment, de la gravité des crimes abjects pour lesquels l'intéressé a été condamné». «Il est évident que jamais le souverain n'aurait consenti» à sa libération, était-il avancé. Malgré cette annonce initiale, le mécontentement ne semblait pas retomber: de nouvelles manifestations de protestation étaient prévues dimanche soir à Meknès ainsi qu'à Kenitra, où le ressortissant espagnol purgeait sa peine. Quant aux sit-in programmés aujourd'hui à Casablanca et demain à Rabat, ils ont été maintenus, selon leurs organisateurs. Des versions contradictoires circulaient sur la raison de la présence du nom de ce pédophile sur la liste royale. A Madrid, l'opposition socialiste a dénoncé un fait d'une «extrême gravité» et exigé des comptes du gouvernement. Au Maroc, si la classe politique est restée particulièrement discrète, au même titre que les médias officiels, l'annonce de cette libération s'était rapidement propagée par les réseaux sociaux. Vendredi soir, plusieurs milliers de personnes s'étaient ainsi rassemblées devant le Parlement de Rabat, bravant la répression policière. Le gouvernement dominé par les islamistes du Parti justice et développement (PJD) était, lui, resté très discret. En se refusant de commenter la décision royale, le Garde des sceaux marocain a, toutefois, affirmé que le pédophile gracié serait désormais interdit d'entrée au Maroc. M. N.