Avec les incertitudes et l'insécurité qu'il a charriées, le printemps arabe a vidé la Tunisie et l'Egypte des touristes qui alimentaient en grande partie leurs réserves de changes. Si nous avons pris en exemple ces deux pays c'est parce que les sites et les vestiges patrimoniaux qu'ils comptent constituent des arguments de vente majeurs de leurs produits touristiques et contribuent à leurs PIB. En Egypte, le tourisme, qui fait vivre directement pas moins de 3 millions de personnes, est même la première ressource en devises, représentant 11,3% du PIB, avec des recettes de l'ordre de 7 milliards de dollars par an, et les pyramides de Gizeh et Louxor sont la principale destination touristique. Même tableau en Tunisie où l'activité touristique est devenue la principale source de devises du pays. Le secteur touristique représente aujourd'hui 6,5% du PIB et fournit 340 000 emplois dont 85 000 emplois directs, soit 11,5% de la population active occupée avec une forte part d'emploi saisonnier. La Tunisie, qui est une des principales destinations des touristes européens en Afrique et dans le monde arabe (quatrième pays le plus visité après l'Egypte, l'Afrique du Sud et le Maroc), a huit sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. En Algérie, on n'a, certes, pas les pyramides égyptiennes, mais nous avons des vestiges de villes romaines que l'Italie elle-même nous envie, de nombreux sites datant de différentes époques de l'histoire de l'humanité, depuis l'ère des hommes de cavernes jusqu'au XIXe siècle, des musées et des richesses patrimoniales immatérielles. Pourtant, la part du tourisme dans le PIB de l'Algérie n'est que de 2% pour 2013, alors que dans les années 1970, elle avait atteint le taux de 7%. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'Algérie a le produit culturel de base mais n'a jamais su le transformer en produit touristique fini. Avec 7 sites classés «Biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial culturel» (Casbah d'Alger, Djémila, La qalâa des Béni Hammad, Timgad, Tipasa, la Vallée du M'Zab et le Tassili n'Ajjer) et 6 sites répertoriés «Biens soumis à la Liste indicative» (les oasis à foggaras et les ksour du Grand Erg Occidental, Sites, lieux et itinéraires augustiniens du Maghreb central, Nedroma et les Trara, Oued Souf, les Mausolées Royaux de Numidie, de la Maurétanie et les monuments funéraires pré-islamiques ainsi que le Parc des Aurès avec les établissements oasiens des gorges du Rhoufi et d'El Kantara), notre pays devrait figurer dans les dépliants des plus importants voyagistes. Or, il n'est même pas inscrit dans les propositions de circuits des agences de voyages algériennes. Et pour cause ! On ne peut pas proposer à des touristes d'aller découvrir des vestiges romains et des monuments historiques dans des endroits inhospitaliers où ils ne trouveront ni guide ni infrastructures d'accueil et d'accompagnement dignes de ce noms. Quant aux musées, ils ont tout simplement été placés sous l'éteignoir par une politique inconséquente. Désertés par le public, pauvres en moyens, dépourvus de guides et de stratégie de déploiement, les musées algériens attendaient désespérément la décision qui leur permettra de revenir sur la scène culturelle. En lieu et place, ils verront les prix de leurs billets d'entrée multipliés par 10. Les quelques visiteurs qu'ils recevaient de temps en temps vont se raréfier encore. Et pour ce qui est des touristes étrangers qui ne regarderaient pas à la dépense, on les attend toujours. Les portes et le sort des musées ont ainsi été scellés. Si on les a fait sortir pour exposer quelques spécimens de leurs richesses sous des tentes dressés sur la place de la Grande-poste, c'est bien pour essayer de convaincre les gens d'y aller ? Pourquoi chasser les hypothétiques visiteurs en appliquant des prix-repoussoirs pour aller ensuite chercher à les reconquérir dans la rue ? Pourquoi consentir des budgets pour la restauration de sites et monuments si au final on ne les exploite pas ? H. G.