Par Wafia Sifouane Mouffok Privée de l'achat du droit de retransmission du match barrage Burkina Faso-Algérie, l'Entreprise nationale de télévision (Eptv), pour contrer le diktat de la chaîne Al Djazeera Sport (détentrice exclusive des droits de retransmission des matchs barrages) a fait le choix de diffuser le match de manière illégale. Une action assumée pleinement par le directeur général de l'Eptv, Tewfik Khelladi, qui veut contrecarrer le chantage des transactions commerciales. Voulant s'exprimer à ce sujet qui a fait couler beaucoup d'encre, le responsable est revenu sur cette saga. «La télévision nationale algérienne a traditionnellement affaire à l'agence sportive pour l'achat des droits de retransmission des matchs importants. Cette fois, l'agence Sport-five a vendu l'intégralité des matchs qualificatifs de la Coupe du Monde à la chaîne El Djazeera Sport», a déclaré M. Khelladi, rencontré dans son bureau. Le premier responsable nous a, par la suite, affirmé avoir contacté Al Djazeera Sport pour l'achat des droits de retransmission terrestre du match, requête vite rejetée par la chaîne qatarie. «La chaîne a tardé à nous répondre et la réponse a été un refus catégorique», affirme M. Khelladi. «Nous avons tenté de leur expliquer qu'il s'agissait d'un événement majeur, mais cela nous a conduit à un deuxième refus. Ce n'est que plus tard que la chaîne nous a contacté pour nous faire une proposition honteuse», ajoutera le DG de l'Eptv. En effet, Al Djazeera Sport a proposé un prix exorbitant à l'Eptv en conditionnant la rétrocession du droit de retransmission par l'ouverture d'un bureau d'Al Djazeera à Alger. «Le prix proposé est supérieur au prix qui se trouve sur le marché et l'ouverture d'un bureau de la chaîne en Algérie n'est pas du ressort de l'Eptv, c'est du chantage !», s'est indigné M. Khelladi. Ayant compris que la transaction n'avait plus rien de commercial et glissait carrément vers le terrain du politique, le directeur de l'Eptv, et pour «assurer le droit à l'information du citoyen algérien», a décidé de prendre ses responsabilité en diffusant le match de façon illégale. «En mon âme et conscience, et en tant que responsable, j'ai pris la décision de diffuser ce match en sachant qu'il y aurait des répercussions, des répercussions que nous sommes prêts à payer au juste prix du marché à savoir une amende», affirmera-t-il. M. Khelladi, qui n'est pas prêt à se laisser faire, a aussi posé le problème de la nécessité de mettre en place des lois qui protègent le droit à l'information du citoyen comme cela se fait en Europe. Le responsable nous a cité l'exemple de la Belgique, qui a décidé de protéger ses matchs malgré le refus de la Fifa. «Tous les matchs sont passé en clair, la Fifa qui voit en la vente des droits une aubaine pour remplir ses caisses, a refusé cela. L'affaire a été portée devant la cour européenne de justice qui a tranché en faveur de la Belgique. La cour européenne de justice a donné tort a la Fifa et à l'UFA, confirmant que les Etats de l'Union européenne avaient le droit d'interdire la diffusion de la Coupe du Monde et de l'Euro de football sur des chaînes payantes et d'exiger leurs retransmissions sur des canaux de télévision en accès libre», nous a expliqué M. Khelladi en précisant qu'il s'agit d'événement d'importance majeure. «Plus largement, à l'échelle européenne, ils ont décidé de définir ce qui est un événement d'importance majeure. Il doit répondre à quatre critères et lorsque deux de ces quatre sont réunis, il s'agit d'un événement d'importance majeure qui doit passer en clair», déclare le responsable. Ces quatre critères sont : - L'événement doit fédérer un public plus large que celui traditionnellement concerné. - Il participe de l'identité culturelle nationale. - Lorsqu'un événement implique la participation d'une équipe nationale dans une manifestation d'envergure. - L'événement fait l'objet d'une large audience. «Pour le cas du match Burkina Faso-Algérie les quatre critères sont réunis, donc moralement, sportivement et éthiquement nous étions dans notre droit de le faire sachant qu'il y aurait des répercussions que nous assumons», a appuyé le DG de l'Eptv en ajoutant : «Nous l'avons fait pour deux raisons : protéger le droit à l'information de l'Algérien et poser le problème définitivement. Cela vise à protéger le droit à l'information et assurer un large accès au public aux retransmissions télévisées de ces événements.» Par ailleurs, M. Khelladi a souligné que ces éléments ne signifient pas que ces événements ne peuvent pas être achetés par d'autres, mais ces derniers sont tenus de proposer l'achat des droits de retransmission aux pays concernés. Révolté par l'attitude d'Al Djazeera Sport, M Khelladi dira : «Nous allons aller à la bagarre jusqu'au retour d'un équilibre juste des choses.» Le responsable clôt la rencontre en émettant le souhait du retour à un échange sain entre les différents partenaires. «Notre souhait est simple, l'Eptv souhaite revenir avec l'ensemble de ses partenaires à des relations commerciales saines, morales et éthiques qui tiennent compte des droits des peuples à regarder les images qui concernent un événement d'intérêt national», dira-t-il, avant de conclure : «Ceci dit, l'Eptv ne se laissera pas faire et ira là où il faudra aller.» W. S. M.