Le rapport de World Economic Forum précise que l'Algérie se classe respectivement à la 100e place sur la base du critère de l'usage individuel des TIC, à la 144e place dans leur usage dans le domaine des affaires, et à la 139e place dans leur utilisation dans la sphère institutionnelle et gouvernementale. En outre, il considère que «les graves déficiences dans le cadre réglementaire (141e) et les insuffisances dans l'environnement des affaires et de l'innovation (143e) entravent les capacités positives qui découlent des TIC». Par ailleurs, il est constaté qu'à l'échelle arabe, l'Algérie se classe à l'avant-dernière place suivie de la Libye. Les pays arabes les mieux classés et qui se trouvent au Top 30 à l'échelle mondiale sont le Qatar (23e), les Emirats arabes unis (25e) et le Bahreïn (29e). Mondialement, les 10 premiers pays sont la Finlande, Singapour, Suède, Pays-Bas, Norvège, Suisse, Royaume-Uni, Danemark, Etats-Unis et Taiwan. A l'échelle africaine et sur les 38 pays qui en sont évalués, l'Ile Maurice, l'Afrique du Sud et les Seychelles sont les trois meilleurs classés, l'Algérie occupe le 27e rang en se trouvant parmi les 11 derniers pays au niveau africain, et les 14 derniers pays au plan mondial aux côtés notamment de la Mauritanie, du Tchad et du Lesotho Il n'y a manifestement pas plus éloquent que ce rapport de World Economic Forum sur l'utilisation des TIC dans tous les pays, qui bat en brèche tous les discours officiels triomphalistes et le bricolage d'un secteur à la traîne au niveau mondial. Le projet Ousratic lancé en grande pompe par Ould Abbas est un échec lamentable en raison de son populisme, et de l'absence d'une vision globale et d'une stratégie viable devant doter tous les foyers de moyens technologiques pour les intégrer au village planétaire. Ce classement honteux semble avoir déranger les autorités du pays qui n'ont pas avalé cette réalité. Les critiques formulées par certains responsables contre l'appréciation de ce rapport sans appel, visent en fait à camoufler leurs échecs chroniques et leur incompétence notoire à maintenir le cap que l'Algérie a pourtant pris au lendemain de l'indépendance. Ali Kahlane, expert en TIC et président de la société de services et solutions Internet Satlinker, cité par Maghreb émergent, regrette cette époque où l'Algérie était pionnière en Afrique et dans la région Mena en matière de technologies de l'information. Selon l'expert, «l'histoire des TIC a commencé en Algérie au lendemain de l'indépendance, avec la création du Commissariat national à l'informatique (CNI), un des premiers organismes dédié aux technologies dans le continent et la région Mena et qui s'est lancé dans un audacieux projet pour la fabrication de 1 000 ordinateurs». La restructuration des entreprises publiques pendant les années quatre-vingt, n'a pas épargné les fleurons technologiques de l'Algérie. La restructuration de l'Ensi en société autonome de prestations de services et d'ingénierie en informatique, avec comme objectif l'informatisation des institutions publiques. Cette période toutefois, n'a manifestement pas abouti d'autant plus que cette ambition a coïncidé avec l'exode massif des cadres algériens en informatique à l'étranger, pour fuir la violence des années quatre-vingt-dix. Pour l'expert, les années deux mille ont suscité l'espoir avec la socialisation de la téléphonie mobile, dont le taux de pénétration est aujourd'hui de 98% mais sans dépasser la technologie de la deuxième génération. Cependant, l'avènement de l'Arpt, de centaines de fournisseurs d'accès Internet et de 8 000 cybercafés, n'a rien modifié à la situation des TIC en Algérie. Pour M. Kahlane, «l'absence de volonté politique en Algérie a freiné cette dynamique de développement des TIC».
La e-Algérie, mythe ou réalité Lancé en grande pompe en 2008, le projet de e-Algérie, devant mettre le pays à l'ère numérique et au diapason des évolutions des TIC, semble piétiner. Ce projet ambitieux mais néanmoins vital et impératif, avait pour objectif de transformer l'Algérie en société de l'information et l'économie numérique en améliorant l'accès aux services de communication dans le pays, l'augmentation des TIC de l'ordre de 8% du PIB de l'Algérie, créer 100 000 emplois directs et indirects. Avec un plan d'actions articulé autour de treize axes majeurs (e-banking, e-investment, e-registre du commerce, e-commerce, etc. voir document en pp 14-15) permettant le développement des services en ligne, e-Algérie devait au final renforcer les performances de l'économie nationale par l'intégration des TIC. Cinq ans après son lancement, il patauge et n'arrive pas à avancer comme l'a constaté la Tribune. De l'aveu même de Chérif Ben Benmahrez, responsable du programme e-Algérie 2013 au ministère de la Poste et des TIC, le projet «évolue dans un environnement mal adapté pour les TIC». «Les TIC sont toujours sous les contraintes liées à l'importation des équipements et le financement bancaire dans ce domaine reste frileux», ajoute Jamel Eldine Zerouk, le directeur général de HB technologies. «En plus, l'Algérie n'a plus de ressources humaines spécialisées en TIC», précise Lies Kerrar, président de Humilis Corporate Finance. À la fin des années 1990, le pays a connu une véritable fuite des compétences spécialisées notamment dans le domaine de l'informatique. Celles-ci sont allées travailler aux Etats-Unis, au Canada, etc, où les conditions socioprofessionnelles sont des plus favorables. Avec tous ces problèmes, la mise sur pied d'une véritable société de l'information en Algérie se présente comme un pari difficile. Le projet e-Algérie devait prendre forme en cinq années. En 2013 l'Algérie devait être projetée à l'ère numérique. Pourtant, et de l'avis de spécialistes, c'est l'un des rares projets qui a été bien ficelé, bien pensé et multisectoriel. Le programme e-Algérie approche de son échéance sans avoir été réalisé. En décembre prochain, quel bilan fera l'Algérie de ce projet mort né ? A l'ère de la société de l'information, toutes les activités sont liées aux TIC. La vie économique dans sa complexité, la vie sociale, les administrations publiques, les institutions dépendent de la performance des technologies de l'information qui réduisent les espaces, le temps et font économiser de l'argent. Le haut débit et l'interconnexion de tous les secteurs sont la clé de ce développement fulgurant qui fait défaut en Algérie. Les forces d'inertie anticommunicationnelles et rentières sont derrière ce recul de l'Algérie, qui a cumulé un retard pénalisant l'économie et le développement social. L'opacité qui caractérise la gestion globale semble être maintenue à dessein afin d'empêcher l'accès aux informations nécessaires aussi bien pour les besoins des entreprises tous secteurs confondus que pour les administrations, les citoyens et notamment l'enseignement général et universitaire. Le déficit en matière d'informations fiables à la portée de tous est dû à l'absence de banques de données nationales qui couvriraient tous les domaines d'activité. Mais pour y parvenir, les domaines Algérie sont appelés à développer un contenu qui réponde aux besoins des Algériens, ce qui est loin d'être le cas. Pour l'heure, seuls les organismes publics peuvent objectivement s'y atteler pour peu qu'une volonté politique soit disponible. Les Archives nationales sont mieux placées pour piloter ce projet encyclopédique, non sans le concours de tous les secteurs notamment universitaires. Mais cette perspective ne semble pas être à l'ordre du jour d'autant plus qu'il s'agit d'une priorité majeure. Si l'économie dominée par l'informel, un commerce déstructuré et un trabendisme notoire qui fait tout pour empêcher l'ordre et la transparence dans ce secteur, on ne comprend pas pourquoi l'administration publique et l'enseignement ne sont pas passés au numérique et à l'informatisation. Les réformes engagées dans les deux secteurs n'aboutiront à aucun résultat probant si elles ne sont pas accompagnées d'un projet d'informatisation pour mettre un terme aussi bien à la rétention de l'information qu'au gaspillage inutile de papier dont le coût est plus élevé que les équipements que nécessite la numérisation. Pour les spécialistes, le web, et les TIC de manière générale, n'interviennent presque pas encore dans les activités pédagogiques, qui apparaissent comme le parent pauvre en matière d'équipements. Il n'existe pas encore de sites ou de pages web explicitement dédiés aux cours, comme on peut le constater un peu partout dans le monde. Ceci se comprend dans la mesure où les universités n'offrent toujours pas à leurs étudiants un accès libre, gratuit et en temps suffisant de connexion pour leur permettre d'en bénéficier. De même, qu'on constate peu d'échanges d'informations pédagogiques par courrier électronique entre les étudiants et les professeurs. Des amphis accueillant entre 500 et 1 000 étudiants ne disposent même pas d'un rétroprojecteur de transparents. Ces équipements, limités aux rétroprojecteurs de transparents et d'acétates powerpoint, sont réservés aux séminaires et colloques organisés dans le cadre des activités de recherche. Si la primauté des activités de recherche sur ceux d'enseignement peut s'expliquer, en ce qui concerne le contenu des sites web, par la difficulté de connecter l'ensemble des étudiants à Internet, elle ne l'est pas en ce qui concerne les équipements qui ne nécessitent pas l'accès à ce réseau. Ce manque est généralement justifié par la lourdeur des investissements liés à l'équipement des salles en ordinateurs et en rétroprojecteurs, aux conditions de sécurité dans les locaux...Les domaines de la connaissance que sont l'école et l'université sont les moins dotés en équipements des TIC. Pour un chercheur dans le domaine : «La construction du savoir scientifique a de tout temps reposé sur la communication, et on peut supposer qu'il n'y a guère de savoir, là où il n'y a pas communication. Aussi, on ne peut séparer la massification de l'information, de l'intensification des activités de recherche scientifique et de l'émergence de la société des réseaux et des savoirs, trois phénomènes concomitants et liés les uns aux autres. L'intensification des activités de recherche et l'émergence de la société des réseaux et des savoirs dépendent cependant, comme l'ont montré de nombreux auteurs (de Rougemont, 1989, Castells, 2001, Ansart, 2002), de la capacité de transformer les données en informations et celles-ci en savoirs. Ajoutons que cette transformation de l'information en savoir dépend principalement de la communication que l'on peut ici définir comme le résultat d'un échange d'informations, intelligibles pour chacun des échangistes, négociées ou consensuelles.» S'agit-il alors d'une inertie politique, culturelle ou de décalage générationnel ? Lorsqu'on sait que les TIC ne représentent que 4% du PIB, il est vain de croire que l'Algérie évoluera vers la société de l'information dans les prochaines années. A. G.