Photo : S. Zoheir Par Billal Larbi C'est désormais une tradition (qui semble malheureusement s'être érigée en règle) bien ancrée depuis belle lurette : à chaque Aïd, les commerçants baissent leur rideau, empêchant ainsi la population de s'approvisionner pendant une période où, pourtant, la consommation en produits alimentaires, en fruits et en légumes atteint des pics. En dépit des appels maintes fois lancés à la tutelle (ministère du Commerce) et à l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) pour que le strict minimum en matière de prestations de services soit assuré les jours de fête, force est de constater que la situation n'a pas évolué d'un iota. Beaucoup de citoyens n'ayant, pour une raison ou une autre, pas fait leurs provisions en temps opportun, se voient ainsi pénalisés à cause du comportement irresponsable de certains pseudo commerçants pour lesquels le client constitue assurément le dernier de leurs soucis. En déambulant les jours de l'Aïd dans les artères de nos villes, on a toute la latitude de constater que la notion de service public est reportée aux calendes grecques. N'étaient les cris de joie des bambins (portant des habits flambant neuf) fusant çà et là, on se serait cru dans une ville fantôme. Rares étaient les commerçants qui osaient lever les rideaux de leur commerce, même en fin d'après-midi, c'est-à-dire à une heure où les formalités liées à l'égorgement du mouton sont censées être complètement achevées. S'agissant des boulangers, ces derniers restent généralement fermés les deux jours que dure l'Aïd. Pour cette année, et compte tenu du fait que la fête est intervenue en milieu de semaine, il est fort à parier que beaucoup de boulangers ne reprendront du service qu'à la veille de la prochaine semaine. «J'ai eu le réflexe d'acheter 10 baguettes de pain de plus que d'habitude, sachant pertinemment que vouloir trouver du pain le jour de l'Aïd équivaudrait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Il serait vraiment dommage que, le jour de l'Aïd, des invités viennent vous rendre visite et, qu'à l'heure du déjeuner, vous leur offrez de la viande sans pain car avouez que nous autres Algériens ne pouvons nous passer de ce produit», nous dira un père de famille, visiblement bien «aguerri» par les expériences des années précédentes. En guise de justification à cet état de fait, certains boulangers mettront en exergue le fait que leurs auxiliaires, pour la plupart habitant très loin d'Alger, attendent impatiemment l'Aïd pour pouvoir se rendre près des leurs. «Nous ne pouvons les retenir contre leur gré. Pour tout l'or du monde, certains n'accepteront pas de passer l'Aïd loin de leur famille», nous diront en chœur certains propriétaires de boulangerie. Certes, tout un chacun a le droit de passer l'Aïd auprès des siens. Mais lorsqu'on est censé assurer un service public, on se doit de mettre l'égoïsme de côté. Pour d'aucuns, le dénouement à cette inextricable situation vécue par le citoyen les jours de l'Aïd peut être trouvé si, à l'image des pharmacies qui restent de garde, des mesures similaires étaient appliquées aux boulangers et épiciers lors des jours fériés. De la sorte, ces derniers assureront une sorte de «permanence» le jour de l'Aïd, évitant ainsi au citoyen d'être pénalisé. S'agissant du secteur des transports, le même constat peut être fait : nombreux étaient les pères de famille, accompagnés de leurs progénitures, attendant en vain qu'un hypothétique bus pointe. Et, contrairement au secteur public qui a su se montrer à la hauteur (transport aérien, ferroviaire…) en cette fête de l'Aïd, les opérateurs privés ont brillé par leur absence, exception faite pour les chauffeurs de taxi, lesquels, ravis de cette aubaine, ne se sont bien évidemment pas fait prier pour augmenter les prix des courses, délestant presque de manière légale le pauvre citoyen de son argent. Dans cette «grisaille», le seul point positif au niveau de la capitale semble être à l'actif de l'entreprise de collecte des ordures ménagères de la wilaya d'Alger, Netcom, laquelle a arrêté un programme spécial Aïd El Adha afin de préserver la propreté de l'environnement. Avant de terminer, il y a lieu de signaler que, pour cette année, une aire conçue pour la vente des moutons a été délimitée aux maquignons. Sous l'œil vigilant des policiers, ces derniers pouvaient, à leur grande joie, vendre leur bétail en toute quiétude. Cette mesure contraste terriblement avec ce à quoi nous avions été conviés les années précédentes, dans la mesure où les maquignons étaient eux-mêmes obligés de surveiller leurs bêtes des assauts des potentiels voleurs.