De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi L'inventaire des joyaux culturels que recèle chaque région du pays n'est pas une affaire de pointage. Loin s'en faut. Il est question d'effectuer une opération «chirurgicale» pour ne pas bousculer les ethnies dans leurs tombes, encore moins renverser le sablier des temps, ce qui risquerait de provoquer la colère des muses. Ainsi, la nature de la collecte prônée est celle du professionnalisme dans un souci à ne pas enchevêtrer les phases distinctes de chaque événement historique et/ou culturel. Cependant, la question qui se pose est la suivante : quel organisme culturel à l'échelle locale est en mesure de rassembler les pièces du puzzle pour le préserver comme témoin des civilisations ayant visité l'Algérie ? La pérennité du patrimoine culturel interpelle non seulement les commis de l'Etat. C'est une culture à laquelle le citoyen soucieux de son «identité» devrait s'inscrire pour ne pas brouiller les pistes aux chercheurs spécialistes. Il s'agit d'épargner d'éventuelles «bavures» aux archives et autres objets de valeur qui pourraient faciliter la nomenclature et maintenir les temples expressifs, qu'ils soient matériels ou immatériels. Ce sera un travail de longue haleine pour les différents directeurs de wilaya de la culture qui, jusque-là, se chargent uniquement du volet organisationnel des manifestations dictées par la tutelle. Avec cette nouvelle volonté qui n'aurait que trop duré pour naître, il va falloir changer de politique au niveau des directions. Elles sont appelées à élargir leur champ d'action en multipliant des concertations pluridisciplinaires pour entamer des «fouilles». Constantine serait dans l'attente de recommandations du ministère de tutelle pour dégager une équipe susceptible de s'attaquer à cette œuvre. Dissociée du monde universitaire, la direction de la culture, qui renferme une poignée de personnel, plus orientée vers le travail administratif et la préparation des rendez-vous occasionnels que vers l'action sur le terrain, devra songer à l'intégration, voire à la sollicitation de l'université. La spécialité est requise par-dessus tout pour sérier le patrimoine selon ses différents types. On s'étonne, lorsque l'on évoque le sujet, de l'inventaire «conceptuel» du patrimoine. La stupéfaction est encore plus grande lorsqu'elle émane du directeur de la culture de la wilaya. «Les directions de la culture, à ma connaissance, ne sont pas dotées de spécialistes chargés de cette mission. C'est l'office de préservation, dépendant du ministère de la Culture, qui s'attelle à cette tâche et désigne des spécialistes es qualité pour inventorier les richesses culturelles.» Et d'ajouter : «Il n'existe pas vraiment de spécialistes formés à cet effet. En revanche, ce ne sont pas les postes budgétaires qui font défaut.» Il va sans dire que les répertoires effectués par la direction se limitent au volet administratif. Le chapitre scientifique, bien que partie intégrée dans les prérogatives de celle-ci, renvoie à des travaux visibles à l'œil nu, un point c'est tout ! Comment ne pas percevoir un monument, un site archéologique ? Cela n'interpelle pas pour autant des spécialistes, tant mieux. Toutefois, ces spécialistes sont nécessaires pour établir la valeur du patrimoine. Autrement, on aurait échoué dans l'élaboration du puzzle. Par conséquent, le film patrimonial serait amputé de séquences importantes. Concernant les autres ressources culturelles de la ville millénaire, il est à mettre en premier plan son malouf. Sa préservation bat son plein à travers les associations locales notamment. L'encyclopédie relative à cette musique ancestrale venue d'Andalousie est souhaitable pour les adeptes de ce genre. Lesquels appréhendent l'altération de leur musique par de nouveaux genres «infiltrés» et qui la rendraient atypique. Le conservatoire communal veille de son côté au grain en formant des élèves porteurs du flambeau andalou. C'est dire que Cirta œuvre sans cesse, notamment dans l'optique de la préservation de son identité musicale. Mais vu le manque flagrant de musicologues à l'échelle locale, encore plus d'ethnologues, socio-ethnologues et anthropologues, il est difficile d'inventorier le patrimoine culturel immatériel. On attend donc que la tutelle songe à décentraliser son action en dotant ses représentations locales de ressources humaines aux aptitudes certaines, à commencer par la fragmentation de l'unique office, sentinelle des biens.