Photo : Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Des bassins ? Il en existe à Constantine. Ils sont en général en format de poche parce que réalisés dans deux buts précis. L'un vénal, qui permet d'exploiter la raréfaction, voire l'absence de piscines dans une ville réputée pour avoir produit de grands nageurs. L'autre répond à la volonté politique d'un ministre des Sports qui a engagé, dans le cadre d'une mesure populiste, d'où le petit format précédemment évoqué, la réalisation d'un grand nombre de petits bassins restés remplis une seule fois pour quelques-uns et restés dramatiquement vides pour le reste jusqu'à servir de réceptacle de déchets ménagers du voisinage. Un trou…un grand trou comme dirait l'autre qu'il n'est pas aisé de combler rapidement. En fait, une providence pour les enfants qui ne font plusun long chemin pour se rendre à la niche la plus proche consacrée pour ce faire. En l'absence de bassin accessible, les enfants se rattrapent en barbotant dans l'eau de certains ouvrages urbains à l'image des jets d'eau situés à hauteur de ronds-points du centre-ville, d'une ou deux cités «huppées» sinon d'une cuvette d'eau improvisée, vestige de pluies diluviennes passées, dont ils partagent l'onde avec les têtards et autres bestioles. Même le temps béni des oueds n'est plus, ces derniers étant devenus aussi sales qu'un réseau d'eau d'évacuation d'eaux usées. Forcément, ceux qui ont les moyens peuvent toujours se rendre aux seuls deux bassins dignes de ce nom. Celui d'un complexe situé à une quinzaine de kilomètres de la ville (Aïn Smara) et un autre à environ une douzaine (Oued Hamimime). L'accès y est pour 200 DA, ce qui est bien, voire coûteux pour des enfants auxquels il semblerait inconcevable de dépenser une telle somme, non pas pour se baigner mais pour rester debout dans un espace géométrique qui ne permet pas de faire une seule brasse, compte tenu du grouillement de personnes qui s'y trouvent. S'ils ne dédaignent pas l'argent de cette engeance, certains gérants ne voient pas non plus d'un bon œil la présence de gosses qui ne répondent pas aux canons d'une clientèle dont ils s'étaient déjà fait l'image. Que reste-t-il finalement ? Les trois bassins traditionnels de la ville. Ceux-là même qui ont permis à l'Algérie d'obtenir l'une des premières médailles de son histoire sportive grâce à la troisième place acquise et donc une médaille de bronze par Oumamar à Izmir (1973) ou encore du titre d'Alfred Nakache formé à la JN Constantine et recordman du monde (2 fois), d'Europe (1 fois) et de France (2 fois) dont les exploits ne sont pas évoqués en raison de son origine juive. Il s'agit évidemment de la piscine de Sidi Mcid et de ses trois mythiques bassins dont l'un fait corps avec un rocher et est directement alimenté par une source naturelle, laquelle se répercute d'ailleurs sur un bassin mitoyen selon le principe des vases communicants. Le troisième de dimension olympique, et appelé à juste titre «l'Olympique» avait permis en son temps à Constantine de disposer de nombreuses équipes de water-polo d'envergure internationale et a eu l'opportunité d'accueillir dans le cadre d'exhibitions des équipes étrangères dans cette discipline. La rupture soudaine de la source naturelle d'alimentation a tari avec la même rapidité les trois bassins qui sont restés secs plus d'une dizaine d'années, une vacuité encore amplifiée par le phénomène terroriste, compte tenu de l'isolement des lieux mais également de leur dangerosité…du fait de l'implantation de la nature du terrain et de l'appartenance de certains terroristes aux lieux mêmes. Le 5 juillet 2000, en présence de Azziz Derouaz, alors ministre de la Jeunesse et des Sports, les bassins sont officiellement rouverts. L'Olympique est inauguré à nouveau par quelques brasses d'un enfant de la ville, un champion surfait et en carton-pâte, plus connu par ses frasques et leur actualité dans les journaux que par ses exploits dans l'eau, en l'occurrence Raouf Benabid. Une fois le ministre parti, les bassins retomberont dans leur travers, ne fonctionnant qu'à peine une partie de l'été. Plus vides que remplis, ils réjouiront inégalement les enfants de la ville. Au cours de l'année 2008, tout le complexe a été donné «en concession pour une dizaine d'années à un investisseur privé», nous a déclaré récemment le vice-président d'APC chargé de ce volet. Cet investisseur aurait «juré de remettre en l'état les lieux». C'est-à-dire tout le complexe. Parce qu'il se trouve que les bassins sont accompagnés d'un fabuleux restaurant avec terrasse, d'une deuxième terrasse, d'un parking. Le tout implanté dans une végétation luxuriante et un calme olympien qui baigne de sérénité l'endroit. Tout cela évidemment ne risquera de rester que fable…Comme d'habitude.