L'évasion fiscale demeure un problème complexe et épineux pour les pouvoirs publics. Ce phénomène, qui s'est enraciné au fil des ans dans les arcanes de l'économie algérienne, prive le Trésor public de milliards de dinars. Mais les montants qui échappent au contrôle ne sont pas connus, pour des raisons évidentes La partie immergée de l'iceberg Même si les responsables s'efforcent de donner une vraie image de la réalité, il n'en demeure pas moins que la partie invisible de l'iceberg est plus importante. Le ministre du Commerce a parlé, récemment, de pas moins de 60% des entreprises qui ne déclarent pas leur bilan de comptes sociaux au Centre national du registre du commerce (CNRC). Le directeur général des Impôts, lui, avoue ne disposer d'aucune donnée précise et chiffrée sur ce fléau. Où se situent les dysfonctionnements ? Quelles sont les raisons qui poussent les opérateurs économiques à fuir le fisc ? Combien de milliards échappent au contrôle de l'administration fiscale ? Il semblerait que le travail des contrôleurs du fisc soit ardu, sachant que la loi de finances 2009 contient un chapelet de mesures et dispositions destinées à remettre de l'ordre dans ce créneau, qui n'est pas moins important que la fiscalité pétrolière. Mais avant d'aborder le traitement réservé par la loi de finances 2009 à ce fléau, il est utile de brosser un tableau du contribuable dans notre pays. Selon les chiffres de l'administration fiscale, il existe en Algérie 10 millions de contribuables, dont la majorité (7,5 millions) sont des salariés, alors que 2,5 millions sont des contribuables actifs (professions libérales...). Les impôts sur les salaires représentent 45,5%, alors que ceux sur les revenus et bénéfices des commerçants, entrepreneurs individuels et sociétés représentent 54,5%. En d'autres termes, les impôts sur les salaires ont été évalués à fin octobre à 117,7 milliards de dinars, tandis que les impôts sur les revenus et bénéfices ont été de 137,5 milliards de dinars. En tout, l'administration fiscale a pu collecter 609 milliards de dinars à fin octobre 2008. Les responsables des impôts s'attendent à une augmentation de 20% de la fiscalité ordinaire. Elle pourrait atteindre 750 milliards de dinars à la fin de l'année 2008. Malgré cette évolution, on reconnaît tout de même que l'Etat perd des sommes considérables à cause de l'évasion et de la fraude fiscales. Il y a un important manque à gagner, selon certains, vu la multiplication des commerçants opérant dans l'informel. Le gouvernement, semble-t-il, a déclaré la guerre à ce phénomène. Ce qui est visible dans la loi de finances 2009, même si le traitement qui lui est réservé est partiel à cause de la complexité de la tâche mais aussi de l'évolution des techniques de fraude. Certains parlent même de système de prête-noms, facturation fictive, défaut de facturation etc., des techniques qui pullulent. Un service des investigations fiscales en 2009 Et les pouvoirs publics devraient non seulement inciter les opérateurs économiques à tous les niveaux à déclarer leurs revenus mais aussi associer les efforts, notamment avec les services des Douanes. En ce qui concerne la loi de finances 2009, ce texte prévoit des mesures d'élargissement du champ d'imposition et le renforcement de la lutte contre cette fraude. Cette lutte se traduira, selon la loi, par la création au sein de la direction générale des Impôts, d'un service des investigations fiscales, chargé, au niveau national, de mener des enquêtes en vue d'identifier les sources d'évasion et de fraude fiscales. Ce service devra disposer d'antennes régionales qui lui seront rattachées. Le texte a cité également des mesures visant la simplification du système fiscal, notamment l'institution du mode de paiement trimestriel en matière d'IRG, de TAP et de TVA, pour les contribuables suivis au régime simplifié. Ce mode de paiement, explique-t-on, permettra de déclarer et de s'acquitter trimestriellement et non plus mensuellement des différents droits au comptant dont ils sont redevables. Le mode de paiement de l'IBS sera également simplifié (suppression des rôles), ce qui facilitera la gestion des dossiers fiscaux par l'administration fiscale eu égard au gain de temps induit par la suppression de l'enrôlement, qui permettra à cette dernière d'axer son activité autour de l'assiette et du contrôle fiscal, ajoute le document. Citons, entre autres, la limitation des opération de vérification de comptabilité aux agents ayant au moins le grade d'inspecteur des Impôts et la prorogation de 2 à 4 mois du délai de saisine des commissions de recours. Le gouvernement explique globalement ces mesures par «la mondialisation [qui] a favorisé le transfert de capitaux, notamment de l'Algérie vers l'étranger. Ce mouvement s'est réalisé d'une manière générale au détriment du Trésor public algérien, en raison de l'insuffisance des moyens juridiques et organisations à même d'appréhender ces flux et mouvements sur le plan économique.» En outre, toujours selon ce document, au plan national, «des signes évidents de richesse de la part de personnes, parfois méconnues des services fiscaux, sont étalés. Les services locaux sont dans l'impossibilité matérielle d'appréhender correctement les flux financiers et l'ampleur de la fraude fiscale au titre de ces opérations informelles.» Pour cela, «il est proposé de créer un service opérationnel qui aura pour mission de présenter une méthodologie dans la lutte contre la fraude fiscale, d'agir efficacement et d'apporter un soutien technique à l'ensemble des services de la DGI». Il convient de rappeler dans ce cadre qu'une «passerelle d'informations et de données fiables» a été mise en place, il y a quelques années, entre les Douanes et l'administration des Impôts, dans le but de mieux connaître leurs clients pour les premiers et d'asseoir son assiette fiscale pour la deuxième. Le ministre du Commerce a également fait savoir dernièrement que son département compte recruter 3 000 inspecteurs et améliorer les techniques de vérification en matière de contrôle fiscal. Le représentant du gouvernement a reconnu que le système fiscal était lourd et les agents de contrôle, au nombre de 4 500 au niveau national, sont tenus de contrôler uniquement les produits subventionnés par l'Etat. S. B.