«On m'a dit qu'en cas d'intervention chirurgicale, la convalescence prendrait entre deux et trois mois» L'incertitude qui entoure le cas de Mourad Meghni est pesante et pour l'intéressé et pour les supporters algériens. Voilà un joueur clef de la sélection qui est à l'arrêt depuis près de six mois et qu'on n'arrive pas à guérir après tout ce temps-là. Pourtant, nous sommes en 2010, à l'ère des avancées technologiques en matière de médecine en général et de médecine sportive en particulier. Il est impensable donc que le mal dont souffre le milieu de terrain de la Lazio prenne tout ce temps pour être endigué et soigné. Il n'y a donc que deux explications possibles et plausibles au temps mis dans le traitement de la blessure : ou bien il y a eu un mauvais diagnostic, ou bien il y a eu erreur dans le traitement. Dès le départ, il y avait rupture partielle du tendon L'hypothèse du mauvais diagnostic est à écarter. Dès le départ, la blessure avait été identifiée comme étant une tendinite, c'est-à-dire une inflammation du tendon rotulien, mais elle a par la suite évolué en une rupture partielle du tendon rotulien. C'est dans son club, la Lazio de Rome, que le diagnostic a été établi. Les médecins de la sélection nationale qui l'ont examiné lors du stage du Castellet, avant le déplacement en Angola pour la Coupe d'Afrique des nations, ont confirmé le diagnostic. Au mois de février, lorsqu'il était allé se soigner au centre médical orthopédique de Saint-Raphaël, les examens ont révélé la même chose. Donc, le diagnostic était plus ou moins exact dès le départ, avec néanmoins des divergences, dans les versions officielles rendues publiques, sur la gravité de la blessure. Il fallait une intervention chirurgicale dès le départ Reste l'hypothèse de l'erreur dans le traitement. C'est la plus plausible. Non pas que les médecins qui se sont occupés du joueur soient incompétents, mais il est fort possible que l'empressement de le voir revenir sur les terrains et rejouer durant la Coupe d'Afrique des nations a poussé à l'imprudence, surtout que la double confrontation contre l'Egypte au Caire et à Khartoum a montré à quel point le joueur peut être précieux pour les Verts. Dans le souci de pouvoir compter sur lui lors de la Coupe d'Afrique des nations, on lui a prodigué des soins accélérés alors que, dès le départ, le traitement approprié était clair : une intervention chirurgicale. Injection sur injection, pourvu qu'il joue la CAN ! Tous les orthopédistes et ostéopathes vous le diront : une rupture partielle du tendon ne se soigne pas par des injections ou des soins kinésithérapeutes. Ces soins sont bons pour gagner un peu de temps ou pour calmer les douleurs, mais pas pour un traitement complet. Pour une guérison définitive, il faut une intervention chirurgicale. Les médecins de la Lazio l'avaient compris et avaient préconisé cette solution au mois de décembre dernier. Cependant, on a préféré recourir aux injections et aux soins intensifs afin de le faire participer à la CAN, car une intervention chirurgicale aurait nécessité une immobilisation s'étalant de deux à trois mois. «On», comme le dit très bien sa définition syntaxique, est un pronom impersonnel. Il peut rapporter à une ou plusieurs personnes inconnue(s). «On» lui a fait perdre un mois et demi pour la CAN C'est que, véritablement, on ne sait pas qui a pris cette décision de le faire jouer, en dépit de sa blessure. «On» n'a pas vu loin, car désireux de voir Meghni à la CAN. Le raisonnement tenu alors était peut-être que la Coupe d'Afrique était un objectif plus réaliste et plus accessible que la Coupe du monde et qu'il fallait, pour la remporter, disposer de tous nos atouts. «On» a donc menti au joueur en le convainquant qu'il pouvait jouer la CAN, puis se soigner. Le joueur a pris part à la CAN, jouant le plus souvent sous anesthésie locale, notamment contre la Côte d'Ivoire, mais c'était un mois et demi de perdu entre la préparation et le tournoi en lui-même. «On m'a dit qu'en cas d'intervention chirurgicale, la convalescence prendrait entre deux et trois mois» Il est aussi à se demander si ce n'est pas Meghni lui-même qui aurait refusé une intervention chirurgicale. La thèse paraît peu probable car, si les médecins lui avaient expliqué qu'il fallait qu'il passe par là, il l'aurait sans doute fait, étant connu pour sa sagesse et pour sa pondération. A-t-il donc été berné ? Probablement. On se souvient que dans l'interview qu'il avait accordée au Buteur dont il avait reçu l'envoyé spécial chez lui, il avait été clair concernant l'intervention chirurgicale : «Ce serait une mauvaise option, car on m'a dit qu'en cas d'intervention chirurgicale, la convalescence prendrait entre deux mois et demi et trois mois. Donc, ce serait risqué et il est préférable de soigner la blessure par un traitement plutôt que par une intervention chirurgicale.» «On» l'a donc mené en bateau sans qu'il le sache. S'il avait été opéré en janvier, il serait déjà guéri Plus même : plutôt que de lui faire subir la nécessaire intervention chirurgicale juste après la CAN, histoire d'essayer de le récupérer pour le mois de mai, «on» a persisté dans la politique de l'autruche en l'envoyant se faire soigner dans différents centres médicaux (Saint-Raphaël, Aspetar…) qui, pour relevés et modernes qu'ils sont, n'en sont pas à faire des miracles. Une déchirure partielle du tendon ne se soigne pas avec une baguette magique. L'erreur est là : reporter indéfiniment une intervention chirurgicale devenue indispensable. De report en report, on se retrouve au seuil du Mondial, alors que Meghni n'a plus rejoué depuis le match contre l'Egypte disputé à Benguela, soit depuis le 28 janvier dernier. Même la Lazio n'a pas été pressé de reprendre son joueur pour une raison bien simple : les médecins italiens ont préconisé dès le début une intervention chirurgicale. Tel qu'il est actuellement, le joueur n'intéresse pas son club. Beckham et Rooney avaient eu une convalescence accélérée, mais après avoir été opérés Par le passé, il y a eu des cas de joueurs qui, de crainte de les voir rater la Coupe du monde, s'étaient vu prescrire un traitement médical draconien avec des techniques révolutionnaires, avant d'être remis sur pied. Pour citer juste le cas de l'Angleterre, futur adversaire des Verts, on se rappelle du cas de David Beckham, victime d'une fracture au pied avant le Mondial-2002 au Japon et en Corée du Sud et dont la remise sur pied avait constitué une cause nationale, pour ne pas dire une cause royale. Il y a eu également le cas Wayne Rooney en 2006, victime d'une fracture du cinquième métatarse du pied lors d'un match de Premier League entre Chelsea et Manchester United, à quelques semaines du coup d'envoi de la Coupe du monde. Ces deux joueurs, grâce à des techniques révolutionnaires, ont été guéris à temps, mais ces techniques ont porté sur l'accélération de la convalescence post-opératoire et non pas sur un traitement miraculeux. En d'autres mots, Beckham et Rooney avaient d'abord été opérés, car c'était inévitable, et c'est la convalescence qui a été accélérée avec des techniques modernes. Or, on veut soigner Meghni alors que son mal n'est pas résorbé. S'il avait été opéré, sa convalescence aurait pu être accélérée, mais pas avant. S'il joue au Mondial, ce sera encore avec des injections C'est donc clair : la gestion du cas Meghni a été mauvaise dès le départ car, plutôt que de voir loin et de penser à la Coupe du monde, «on» n'a pas vu plus loin que le bout de son nez, à savoir la CAN. A présent, ce n'est plus seulement la participation du milieu de terrain au Mondial qui est compromise, mais même son début de la saison prochaine. S'il n'a pas été guéri avec les méthodes préconisées en six mois, ce n'est pas avec un mois de plus que cela se fera. Peut-être qu'il pourra jouer en Afrique du Sud sous injection, comme cela avait été le cas en Angola car, même diminué, il peut être très utile dans la conservation du ballon, mais la vérité est qu'«on» lui a menti en abusant de sa bonne foi. C'est cela le vrai drame.