«Lorsqu'on a joué un match comme celui du Caire, ceux de la Bundesliga ressemblent à des matchs amicaux » C'est toujours avec un immense plaisir que l'on interviewe Karim Matmour. Une fois de plus, la révélation algérienne de l'année 2009 nous a ouvert son cœur pour nous parler du moral de ses camarades et de ce qu'il ressent à l'approche de la CAN. Une compétition qu'il s'apprête à disputer pour la première fois de sa carrière. Dans cet entretien, le héros de Khartoum revient sur le choc qu'il a subi au Caire et sur les chances de son équipe en Angola. «Lorsqu'on a joué un match comme celui du Caire, ceux de la Bundesliga ressemblent à des matchs amicaux » nous a-t-il dit entre autres. Appréciez l'humour et le talent de cet artiste qui n'a pas fini de nous étonner. * Comment est l'ambiance au sein de l'équipe ? Très bonne Hamdoullah ! A part les trois blessés qui reviennent peu à peu, tout le monde se prépare dans de bonnes conditions. On travaille tous pour être prêts le jour J. L'ambiance est très saine comme elle l'a toujours été entre nous. Chacun se met à la disposition de l'autre et on rigole bien tous ensemble. Le groupe est soudé et c'est très important avant une grande compétition comme la CAN. * Est-ce que l'équipe n'a pas été perturbée par les soucis que vous avez vécus cette semaine ? Non, les joueurs sont professionnels dans leur comportement. Nous savons tout de même faire la part des choses entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui se passe en dehors. Nous n'avons aucun souci nous faire car il ne s'est rien de passé de grave qui puisse gêner l'évolution de l'équipe dans sa préparation. Vous l'avez sans doute vu sur le terrain. On s'est entraîné avec la même détermination et la même bonne humeur. Il y a eu juste une incompréhension, un problème de communication et lorsque le président est arrivé, tout est rentré dans l'ordre. Sans plus. Il faut continuer à rester concentrés sur notre objectif qui est la CAN. * Beaucoup de supporteurs s'inquiètent de vous voir vous entraîner dans ce climat froid, au Castellet, alors que dans peu de jours, vous allez passer à des températures dépassant les 30 degrés. Comment vivez-vous cela ? Il est vrai que nous n'allons pas retrouver cette température en Angola, ni les mêmes conditions climatiques, mais on ne perd rien au change, bien au contraire. Si on était partis s'entraîner là-bas, on n'aurait jamais pu aller au-delà de nos limites à cause de la chaleur. Actuellement, on fait nos deux heures d'entraînement intensif et c'est de la charge pure. Ce que nous n'aurions jamais pu faire dans un pays chaud. Ce sont des paramètres importants pour une bonne préparation. C'est pour cela qu'on est ici. On sait tous que ces longues séances d'entraînement seront très bénéfiques pour nous pendant la CAN. * Est-ce que c'est le coach qui vous a expliqué cet avantage ? Non, ce n'est pas lui qui me l'a dit, mais on en a parlé longuement avec son adjoint et puis, je le savais moi aussi, car j'ai quand même aujourd'hui un peu d'expérience dans le football. Je sais que si on évite de se préparer dans un pays chaud, c'est pour pouvoir s'entraîner un peu plus longtemps. On connaît nos limites et on sait comment faire pour nous préparer pour cette CAN. Une fois sur place, on aura quatre jours pour s'adapter et je crois que c'est largement suffisant. Si on y était allés plus tôt, on aurait certainement perdu du jus. C'est pour cela que je pense que, au final, ce ne sera peut-être pas plus mal. Franchement, on ne dramatise pas la situation ici au Castellet car je sais que ce stage ne fera que du bien au groupe. * On vous a vu justement allonger le temps de vos entraînements un peu plus que les autres. Est-ce une consigne de votre coach ou celle du médecin ? Ni l'un ni l'autre ne m'a demandé de le faire. C'est moi-même qui ai décidé de m'entraîner un peu plus. Je le fais aussi en club et beaucoup de joueurs le font également. C'est juste une question d'envie et de détermination. Je veux travailler toujours plus pour m'améliorer sur tous les plans. Celui qui veut être le meilleur doit travailler plus que les autres. C'est simple. On apprend cela dans les écoles de football et ça ne s'oublie pas lorsqu'on a envie de passer à un palier supérieur. * Bouazza, votre partenaire de chambre, semble en pleine forme, non ? Oui, il est bien physiquement. Il travaille très dur chaque jour et il a raison de le faire. Chaque jour ça travaille à fond chez chaque joueur. Comme ce matin, on a eu une grosse séance de travail. Vous avez vu comment on a sué après l'entraînement ! On était très fatigué vers la fin et c'est bien d'arriver à ça, à ce stade de la préparation. Il faut tout donner et puis ça finira par payer. Plus la préparation sera difficile pour les joueurs, plus la compétition sera facile. * La CAN va démarrer pour vous dans quatre jours. C'est votre première participation dans cette compétition. Avez-vous quelque appréhension ? Absolument pas ! Je crois qu'on est en train de se préparer comme toutes les autres équipes. On travaille très sérieusement et on connaît surtout notre valeur. On sait de quoi on est capables sur un terrain. Je ne vois pas de raison d'avoir des craintes. Non, ça va très bien pour moi, comme pour tous les autres joueurs. * Certains pourraient penser que vous allez montrer le même visage que lors du match du Caire, même si beaucoup ignorent que vous étiez blessé à la cheville avant ce match. Qu'avez-vous à répondre ? Il est vrai que les conditions du Caire étaient très particulières. On n'était pas encore habitués à voir toutes ces choses, le caillassage du bus, les agressions et tout ce qu'on a vécu. Mais là, c'est carrément un autre contexte. Au Caire, c'est vrai que j'ai été très choqué par ce que nous avions vécu la veille du match. Je ne pensais pas que de tels comportements pouvaient exister dans un match de football entre deux pays, arabes de surcroît. Quand ça se passe normalement, je n'ai jamais de pression. Bien au contraire, je suis très motivé. * Vous paraissiez très choqué par ce qui s'est passé au Caire… Comment ne pas être choqué lorsqu'on vit cela pour la première fois ? C'est sûr que je n'avais pas joué mon vrai football mais maintenant, après ce que j'ai vécu au Caire, je crois que rien ne pourra plus me choquer sur un terrain de foot. Quand on a vécu cela, on est blindé pour la vie. C'est pour cela que je peux jouer désormais même sur un champ de mines. * Est-ce que vous avez senti que cette aventure vous a servi dans votre manière de jouer à votre retour en Bundesliga ? C'est sûr que ça m'a servi ! Après le match du Caire et celui du Soudan, je me suis senti plus fort, plus coriace. Je me dis qu'après avoir pris part à cette bataille, je ne joue que des matches amicaux en Allemagne (il éclate de rire). Je n'ai plus aucune pression ou quoi que ce soit. Cela m'a blindé à vie. Ce sont des matches qui vous font grandir tout de suite. * Avez-vous déjà une idée précise sur votre premier adversaire ? Je m'apprêtais justement à aller visionner une vidéo des matches du Malawi. Mais j'ai déjà une petite idée là-dessus. Je crois que c'est une équipe assez compacte et agressive sur le porteur du ballon. C'est un peu le prototype de bon nombre d'équipes africaines qui ne lâchent rien jusqu'à la fin. C'est très athlétique et physique. J'aurai un peu plus de détails sur le Malawi une fois que j'aurai visionné les vidéos. * Un mot pour les supporteurs des Verts avant de partir à Luanda ? Oui, je voudrais d'abord les saluer vivement en leur disant : «Ne vous inquiétez pas pour l'EN. On est là, dans de très bonnes conditions. On est prêts pour mener notre combat jusqu'au bout. On sait ce qu'on fait, on sait ce qu'on vaut et on sait aussi ce que le peuple attend de nous. On ne peut pas promettre de résultat, mais on vous promet de jouer avec notre cœur, comme on l'a fait jusqu'à présent et on se battra jusqu'à la dernière seconde. Et après, ce sera le meilleur qui gagnera. Je sais que, si on joue à notre meilleur niveau, on n'aura pas à s'inquiéter. Entretien réalisé par Nacym Djender