«L'Algérie, les USA et la Slovénie partent à chances égales» C'est en marge d'une conférence sur la méthodologie de l'entraînement, qu'il a animée au Qatar, que Arrigo Sacchi a répondu, en exclusivité, aux questions du Buteur. Très instructif… «El Martello», comme on aimait l'appeler lorsqu'il portait encore les crampons, est l'un des entraîneurs les plus titrés d'Europe. En 1987, alors qu'il entraîne le club de Parme, l'actuel chef du gouvernement italien et le président du Milan AC, Silvio Berlusconi, le recrute comme entraîneur du club lombard, bien qu'il soit à l'époque quasiment inconnu. Sacchi impose aux Rossoneri un style offensif et spectaculaire basé sur la défense de zone et le pressing. Le Milan de Sacchi collectionne les trophées avec un titre de champion d'Italie, une Supercoupe d'Italie, mais surtout deux Coupes des clubs champions, deux Supercoupes d'Europe et deux Coupes intercontinentales, en 1989 et 1990. Fort de ces succès, il prend alors en main l'équipe nationale en 1991. Si l'Italie échoue dans la qualification pour l'Euro 1992, elle est présente à la Coupe du monde 1994 où elle atteint la finale, en dépit des problèmes relationnels entre Sacchi et la star italienne du moment, Roberto Baggio. * Tout d'abord, permettez-nous de vous remercier de nous accorder un peu de votre temps au Buteur… Bien au contraire, c'est à moi de vous remercier. Sincèrement, c'est pour moi un honneur que de m'adresser aux sportifs algériens par le biais de votre journal. Bien sûr, en évoquant le nom de l'Algérie, on ne peut s'empêcher de se remémorer, toute de suite, la merveilleuse équipe du Mondial 82. Je suis à votre entière disposition. * Justement, commençons notre entretien par parler de ce Mondial espagnol… Ce qui s'est passé dans le groupe de l'Algérie reste comme un fait à marquer d'une pierre noire dans l'histoire de la Coupe du monde. Tout le monde a en mémoire ce match de la honte entre les Allemands et les Autrichiens. C'est triste de voir de grandes nations du football comploter pour éliminer l'Algérie et priver toute une brillante génération d'une notoriété des plus méritée. Comme tous les Italiens, j'aurais voulu voir l'Algérie participer à la Coupe du monde qui s'est déroulée dans mon pays. Si ma mémoire est bonne, c'est l'Egypte qui vous a barré la route. * Exact. Vous semblez connaître assez bien le football algérien, c'est cela ? Absolument et c'est un football qui a ses particularités, et en tant que technicien, cela m'intéresse au plus haut point. * Quelles sont ses particularités ? Les qualités du footballeur algérien sont celles du joueur maghrébin. Fin technicien, il met de la folie dans son jeu. Ce qu'il y a en plus, chez vous, c'est cet esprit combatif qui fait que vous ne baissez pas les bras. C'est d'ailleurs ce qui a permis à l'Algérie de réaliser une belle CAN et surtout de gagner son ticket pour le Mondial sur terrain neutre face à l'Egypte. * Avez-vous vu ce match ? Et comment ! Je ne l'aurais raté pour rien au monde. Je n'ai pas perdu une miette de cette rencontre qui fut palpitante. Tous les ingrédients étaient réunis pour que ce soit un grand match de football et, sincèrement, je n'ai pas été déçu. * Quelle appréciation faites-vous du groupe dans lequel figurent l'Algérie en compagnie de la Slovénie, des USA et de l'Angleterre ? Je veux être honnête avec et vous dire que l'un des tickets pour le deuxième tour est pratiquement pris. Je rejoins ainsi l'avis de tous les spécialistes de par le monde qui donne l'Angleterre comme grand favori de votre groupe. Pour ce qui est de la seconde place qualificative, les trois autres équipes, dont celle de l'Algérie, partent à chances égales. * Au vu du football présenté par l'Algérie lors de la dernière CAN, pensez-vous qu'elle a les moyens de passer au second tour ? Techniquement, et cela ne fait aucun doute, le joueur algérien est doué. Il a aussi cette faculté de ne rien lâcher et cela jusqu'au coup de sifflet final et c'est ce qui a permis à l'Algérie de venir à bout de la Côte d'Ivoire en quarts de finale de la CAN. La grande question est de savoir si cela va suffire. Pour espérer bien figurer en Coupe du monde, il faut que les joueurs soient dans une forme physique irréprochable. J'ai bon espoir que les membres du staff algérien ont les compétences voulues pour que le groupe soit bien préparé au coup d'envoi de la Coupe du monde. La différence peut se faire à ce niveau. * Connaissez-vous des joueurs de la sélection algérienne ? Absolument. Je connais très bien Mourad Meghni, qui a fait ses preuves dans le Calcio qui, comme vous le savez, est l'un des championnats les plus relevés du monde. Meghni a largement les qualités pour jouer dans les plus grands clubs européens. * Justement, Meghni n'a pas été épargné par les blessures et cela fait plusieurs mois qu'il est sans compétition. Est-ce pour lui un handicap ? C'est certain et comme je vous l'ai dit, il faut arriver en Coupe du monde à cent pour cent de ses moyens et cela sur tous les plans. Je ne veux pas être pessimiste et je souhaite que Meghni, qui est peut-être un élément clé de votre sélection, puisse rattraper son retard dans les jours qui viennent. * Avant de vous remercier, par quoi voulez-vous conclure ? Tout d'abord, ce fut pour moi un réel plaisir de parler d'un football et d'un pays que j'apprécie tout particulièrement. Je souhaite vivement bonne chance à votre équipe nationale et je dirai à vos joueurs qu'ils doivent y croire. J'espère que votre équipe nous fera vibrer en Afrique du Sud comme a su le faire sa devancière des années 80. Entretien réalisé par Slimane M.