«Enzo Zidane joue comme son papa.» Toujours aussi disponible lorsqu'il n'a pas le casque de commentateur/consultant, Enzo Francescoli a encore accepté de parler au Buteur pour nous décrypter avec son œil d'expert les faits et méfaits de cette Coupe du monde. D'un côté, il évoque la bonne prestation de l'équipe d'Algérie et, de l'autre, il regrette la débâcle de l'équipe de France. On ne pouvait pas discuter avec Francescoli sans parler d'abord de ce match palpitant qui attend l'Uruguay et le Ghana, aussi et surtout de son ami Zinédine Zidane et de cet hommage éternel que Zizou lui a rendu en donnant le prénom Enzo à son fils aîné. Appréciez.
Quelle appréciation faites-vous de cette Coupe du monde ? Aujourd'hui, on se rend compte qu'il n'y a pas de grande différence entre les équipes participantes. Ce n'est pas tous les jours qu'on voit une équipe gagner 7-0 comme le Portugal. C'est normal, car ça me paraît très équilibré. Vous trouvez aussi que c'est plus défensif ? Non, je ne le pense pas, car si on regarde les équipes de l'Amérique du Sud, on remarque qu'elles jouent toutes pour gagner leurs matchs. Ça joue très offensif et elles visaient toutes les trois points de la victoire. C'est tout offensif devant et j'apprécie beaucoup ce football. A mon sens, c'est une nouveauté pour les équipes de l'Amérique latine. C'est bien que ça démarre comme ça. L'Uruguay va jouer contre la seule équipe africaine encore en lice. Pensez-vous parvenir en quarts de finale face au Ghana qui sera soutenu par une grande partie du public ? En football, on peut imaginer tous les scénarios possibles. Mais c'est vrai, on ne sait jamais ce qui arrivera en réalité. Cette Coupe du monde paraît incertaine pour toutes les équipes. Il n'y a plus de grands ni de petits. Que ce soit pour l'Uruguay ou le Ghana, ce match reste difficile. C'est un défi très important, parce que l'Uruguay ne dépasse pas les quarts de finale depuis 40 ans et cela n'a que trop duré. Je ne sais pas pourquoi, mais, cette fois, j'ai comme un pressentiment qui me pousse à y croire. Je vois bien l'Uruguay passer ce cap cette fois. On a une équipe qui a bien joué tous ses matchs et qui compte des attaquants très forts en son sein. En Coupe du monde, avec de tels atouts, ça peut faire la différence. L'Uruguay est passé par les barrages pour arracher son billet à ce Mondial. Et dès le début de la compétition, on voit l'équipe répondre présente dans tous les duels. Comment expliquez-vous cela ? Vous savez, beaucoup de gens pensent que le football dépend surtout de l'état de forme physique, de la technique des joueurs que vous avez et aussi de la tactique prônée par les entraîneurs. Mais, moi, je ne vois pas les choses seulement comme ça. Car, pour moi, un match de football se gagne à 70% grâce au mental. L'essentiel se passe dans la tête. C'est un peu comme dans toutes les professions, il y a des jours où on arrive au travail et on est comme ça, fatigué et sans envie de bouger et il y a d'autres jours où tout va bien dans la tête et le résultat accompagne et on donne alors un meilleur rendement dans son boulot. Dans le football, c'est exactement pareil. L'Uruguay ne donne pas l'impression d'être une mauvaise équipe pendant les éliminatoires, ce n'est pas une super équipe maintenant mais c'est une équipe très importante dans cette Coupe du monde. Il y a aussi le génie d'un entraîneur qui s'appelle Tabarez, non ? Oui, Tabarez y est sans doute pour quelque chose. C'était mon entraîneur en 1990, lors de la Coupe du monde qui s'est déroulée en Italie. Je peux témoigner que c'est un super grand entraîneur. 20 ans après, il a beaucoup plus d'expérience et de connaissances. Alors, il est encore plus fort, c'est tout. Il n'y a rien à redire. Pensez-vous que l'équipe actuelle d'Uruguay est meilleure que celle de votre génération ? A mon époque, on avait aussi de très bons joueurs. L'équipe était assez bonne, mais il faut reconnaître qu'on n'a jamais réussi à atteindre ce stade de la compétition. On n'est jamais passés en quarts de finale. Cette génération fait mieux que nous, il faut l'avouer. C'est une équipe qui fait de très belles choses. Pour quel joueur de cette équipe d'Uruguay va votre préférence ? C'est une question un peu gênante (il sourit). Vous savez, je suis ami avec presque tous les joueurs de cette équipe, je ne peux pas en préférer l'un par rapport aux autres. Je suis désolé. Quel est votre successeur dans cette équipe d'Uruguay, Suarez ou Forlan ? Suarez est bon, Forlan aussi, pareil pour Lugano et Cavani. Ils font tous leur chemin. Il y a pas mal de bons joueurs dans cette équipe d'Uruguay. On dit que le vrai successeur de Francescoli est en Argentine, il s'appelle Diego Milito, le joueur de l'Inter qui semble être votre sosie, non ? Oui, c'est vrai qu'il me ressemble un peu physiquement. C'est vrai aussi que Milito a réalisé de bonnes choses avec l'Inter cette saison. Il joue très bien depuis longtemps, c'est un super joueur que j'apprécie beaucoup. Mais celui qui risque de vous ressembler un peu plus, c'est Enzo Zidane que son papa a prénommé pour vous rendre hommage. Avez-vous rencontré le petit Enzo ? Oui, cela s'est fait en Espagne. Il est très bien, il est tranquille. Il joue et fait son chemin. Il a aussi un frère qui joue au foot, mais celui-là est gardien de but au Real Madrid. Enzo Zidane joue comme vous ou comme Zinédine ? Ah, il joue comme son papa ! Pas comme moi, non. Vous êtes fier que Zidane ait donné votre prénom à son fils ? Oui, bien sûr que j'en suis fier ! C'est quelque chose qui me touche vraiment. C'est un honneur pour moi, c'est sûr. Comment l'avez-vous appris par la presse ou il vous a appelé ? Non, non, je l'ai appris à travers la presse. C'était le jour où je jouais pour la Juventus. On jouait la Coupe du monde des clubs qui avait eu lieu au Japon. C'était contre River Plate. C'est là que j'ai appris dans un journal que Zinédine Zidane avait choisi de donner mon prénom à son fils. C'est sûr que ça fait très plaisir d'apprendre une telle nouvelle. Aujourd'hui, on est amis, quoi. Vous discutez souvent avec Zidane au téléphone ? Oui, je le vois souvent, notamment lors des stages organisés en faveur des jeunes footballeurs en Espagne. Oui, on s'appelle souvent, comme des amis. Pour vous, Zinédine Zidane, vous le voyez plutôt comme un Algérien ou comme un Français, lorsque vous l'avez en face de vous ? Moi, je le vois plutôt comme un Espagnol ! Parce que, lui et moi, nous parlons tout le temps en espagnol. (Il rigole.) Qu'est-ce que vous pensez de la débâcle de l'équipe de France dans ce Mondial ? C'est dommage pour la France et l'équipe de France. Mais je dois dire que l'affaire était mal engagée le jour où la Fédération française a fait signer un autre entraîneur (Laurent Blanc, ndlr) pour remplacer Domenech, alors que le Mondial venait à peine de démarrer. Il fallait peut-être le faire avant ou bien plus tard. Pour moi, ce n'est pas comme ça qu'ils devaient procéder. Pensez-vous que Raymond Domenech n'est pas un bon entraîneur ? Je ne sais pas, il faut d'abord connaître les gens pour pouvoir en parler d'eux. Je ne peux pas juger quelqu'un que je ne connais pas. Les Sud-Américains sont les meilleurs à vos yeux durant ce Mondial ? Pour le moment, oui. On attend tous une confrontation entre l'Uruguay et l'Argentine. Ça risque d'être chaud comme toujours, non ? Oui, comme d'habitude et cela est possible en finale. Mais avant cela, il nous faudra d'abord battre le Ghana et peut-être même le Brésil en demi-finales. Donc, ce n'est pas encore gagné. C'est trop tôt pour en parler en fait. L'Uruguay en finale de la Coupe du monde, vous y croyez vraiment ? Oui, bien sûr, pourquoi pas ? On y croit toujours en Uruguay. A partir des huitièmes de finale, il y a moins de pression négative car tout devient possible sur un match. Contre l'Uruguay, toute l'Afrique sera derrière le Ghana… Et contre le Ghana, toute l'Uruguay sera avec l'Uruguay aussi ! (ll se marre.) Un mot sur l'Algérie ? Franchement, j'ai bien apprécié l'équipe d'Algérie. Elle a très bien joué même à mon sens. Je travaille pour le compte de la télévision d'Argentine et j'ai suivi tous les matchs de l'Algérie. Je n'ai raté aucune seconde et je peux vous assurer que j'en ai dit beaucoup de bien. L'Algérie s'est pas mal débrouillée dans cette Coupe du monde. Il lui a manqué juste des buts pour faire la différence. Un peu plus de percussion devant et ça pouvait passer.