«Chez les Zidane, on a toujours suivi les résultats de la sélection algérienne» En acceptant d'accorder cet entretien exclusif au Buteur, Zinédine Zidane vient de nous prouver qu'il n'est pas de ces poupées de stars qui disent non tout le temps aux journalistes. Il faut dire que c'est la 6e fois que la star mondiale ouvre son coeur au Buteur. La première fois remonte du temps où il portait le maillot de la Juventus de Turin. La deuxième fois, c'était lors du match gala organisé à Marseile à la mémoire de victimes du tremblement de terre de Boumerdès. A deux reprises, Zidane avait accepté gentiment de nous accueillir au centre d'entraînement du Real Madrid. L'avant-dernière rencontre avec le champion du monde 98 a eu lieu au Maroc. C'est ce qui explique que Zidane nous a vite reconnus lorsque nous lui avons annoncé le titre de notre journal. Inaccessible malgré lui, en raison du nombre phénoménal de personnes qui le sollicitent tous à la fois, qui pour un autographe, qui pour une photo souvenir, Zidane n'en finissait pas de s'excuser du regard auprès des journalistes qui le suivaient comme son ombre. Même ses partenaires du jour l'avaient «séquestré» dans les vestiaires à la fin du match et ce, afin d'immortaliser l'instant. A notre tour, nous avons fait le guet pendant longtemps dans le hall de l'hôtel Cristal de Montréal où il avait établi ses quartiers en compagnie de son frère Farid, leurs petites familles respectives afin de décrocher cet entretien. Ce n'est que très tard dans la nuit que nous avons réussi à l'avoir à nous seuls, au troisième étage de l'hôtel, après une séance de dédicaces strictement privée, réservée à des proches de l'organisateur algérien qui l'a fait venir au Canada. Avec son amabilité caractéristique, Zinédine Zidane nous a invités dans un coin sombre de l'étage pour nous accorder cette interview exclusive. N'éludant aucune question, même les plus intimes, Zizou nous a charmés par sa générosité et son amour pour les Algériens. Dégustez, c'est tout «frais», ça vient du Canada. * Vous venez de montrer une nouvelle fois votre amour pour l'Algérie et les Algériens en général, en acceptant de répondre à l'invitation de Ahcène Adlani au Canada. Vous avez accepté de faire cette tournée avec lui, alors que, paraît-il, vous aviez des offres financières nettement plus intéressantes ailleurs. Qu'est-ce qui vous a séduit dans le discours d'Adlani ? Non, mais il est venu avec un projet sincère et touchant. Si vous voulez, quelque part, son rêve c'était de me faire venir pour jouer au Canada et il a réussi à le réaliser. Dès notre première rencontre, il a parlé un peu de toutes les commodités et de tout ce qu'il fallait pour réaliser le projet et puis voilà, je suis venu et ça se passe très bien depuis mon arrivée ici. Je le lui ai déjà dit et je le lui répète ici encore une fois, je suis venu au Canada pour lui et chaque fois que je pourrais me rendre utile pour qu'il avance dans son entreprise lors de ce séjour, je le ferai avec un grand plaisir. Maintenant, ce qui est, bien sûr important, c'est qu'Ahcène est quelqu'un qui, certainement au départ, face à ces grosses entreprises dont vous avez fait allusion, toutes ces grandes personnes qui ont beaucoup d'argent, paraissait amoindri. Mais au final, c'est lui le plus convainquant. Et de le voir faire tout ce qu'il est en train de réaliser pour l'instant, parce qu'il reste encore un troisième match à Vancouver, je pense qu'il doit être assez fier de ce qu'il a fait. C'est bien cela le plus important. * C'est parce qu'il est Algérien que vous avez accepté son projet ? Non, je ne pense pas que ce soit uniquement parce qu'il est Algérien qu'on a accepté de le suivre dans son projet. C'est surtout parce que le courant est bien passé entre nous lorsqu'on en a discuté. Il a d'abord vu mes frangins à Marseille et il leur a tenu un discours rassurant. C'est après avoir discuté tous ensemble qu'on est arrivés à un accord pour que je puisse venir au Canada. Il y a aussi son parcours qui nous a séduits. Ça fait 15 ans qu'il est au Canada, il est parti d'Algérie, a laissé sa famille pour s'exiler et monté son école de football… Voilà, c'est tout à son honneur par rapport à tous ces gens ici qui ont peut-être beaucoup, beaucoup, beaucoup (sic) d'argent, mais qui en fin de compte n'ont pas réussi là où lui a réussi. * Avez-vous suivi le parcours de l'équipe d'Algérie dans ces éliminatoires combinées CAN/CM 2010 ? J'ai suivi depuis longtemps le parcours de l'équipe et même quelques séquences. J'ai suivi surtout les résultats et ce qu'ils ont fait… Je sais qu'ils sont en tête de leur groupe dans ces éliminatoires combinées de la CAN et de la Coupe du monde 2010. Franchement, les voir comme ça bien positionnés pour la qualification en Coupe du Monde, ça fait vraiment plaisir. * Connaissez-vous quelques joueurs personnellement ? Non, non, je connais l'équipe globalement, je sais qui joue dans cette équipe, mais je ne connais pas les joueurs personnellement. * Ziani, vous connaissez au moins, non ? Oui, bien sûr. Mais ce qui est appréciable, c'est de voir le groupe avancer comme un seul homme. Voir l'équipe faire des progrès en permanence et réaliser de bonnes choses. C'est cela le plus important dans une équipe, pas les individualités. Cela faisait longtemps qu'on ne voyait pas l'Algérie jouer bien au football et là, voir l'équipe jouer de cette manière séduisante, battre de cette manière des grosses cylindrées comme l'Egypte, c'est vrai que ça fait très plaisir, c'est sûr. * Dans la famille, vous en parlez avec votre père et tous vos frères ? Oui, oui, un peu, bien sûr. On est tous contents de voir le parcours qu'ils sont en train de faire en ce moment et on a toujours suivi l'équipe d'Algérie de toute façon, même si on ne les voyait pas souvent jouer. Mais dans la famille, on a toujours été au fait de ce que faisait l'équipe d'Algérie. On est toujours au courant des résultats qu'ils font. C'est normal. * Et les petits Zidane, ils suivent un peu l'équipe d'Algérie ? Mes enfants à moi, franchement non. Ils sont encore jeunes et branchés plutôt ailleurs. * Et si demain vos enfants Enzo et Luca décident de jouer pour l'équipe d'Algérie, il leur dirait quoi leur papa ? Non, il n'y aura pas de conseil à leur donner dans ce sens. Mais de toute façon, ils sont encore loin d'une telle situation. On verra lorsqu'ils auront atteint l'âge et le niveau pour cela. Mais franchement, c'est un peu compliqué de parler de l'avenir en sélection à leur âge. * On a parlé, il n'y a pas longtemps de cela, d'un probable penchant de votre fils Enzo pour la sélection d'Espagne. La France va également revendiquer le droit de l'avoir chez les Bleus. Mais où est la part de l'Algérie dans cette histoire ? L'Algérien n'a-t-il pas le droit de rêver du retour d'un des Zidane chez les Verts, surtout après vous avoir perdu vous il y a quelques années en arrière ? Non, non, ce n'est pas comme ça qu'il faut voir les choses. C'est un peu plus compliqué que ça. D'une part, il est né en France. D'autre part, il vit en Espagne et c'est là qu'il a ses repères actuellement. Je pense que s'il aura la possibilité de jouer dans une sélection nationale et donc confronté à prendre une décision pareille, ce sera en fonction du pays dans lequel il vit, ou alors dans celui où il est né. C'est tout simplement la logique des choses. * Et l'Algérie dans tout cela ? Maintenant, il sait que son papa a des origines de là-bas, comme ses grands parents et cela, je peux vous dire qu'il le sait très bien (il hoche la tête de haut en bas avec insistance en nous regardant bien dans les yeux) et cela est une très bonne chose. * Mourad Meghni, Hassan Yebda et d'autres joueurs qui ont joué en Espoirs avec les Bleus ont profité des changements des lois de la FIFA pour revenir jouer avec l'Algérie. Qu'en pensez-vous ? Je ne sais pas quoi penser au juste, car ce sont des décisions qui appartiennent à ces joueurs et à personne d'autres qu'eux. Chacun est libre de faire ses choix comme bon lui semble. Et si ces joueurs ont décidé de jouer pour l'Algérie, tant mieux pour eux et pour l'équipe d'Algérie. On n'a pas le droit de commenter leurs décisions. Il faut juste la respecter. * Irez-vous voir jouer l'équipe d'Algérie si elle se qualifie en Coupe du Monde de 2010 ? Oui, et de toute façon je serai certainement là-bas quoi qu'il arrive. Donc, oui, si l'Algérie se qualifie en Coupe du monde, bien sûr que j'irai les voir jouer et les soutenir avec plaisir. * Drapeau algérien dans les mains ? Oui, inch'Allah… Entretien réalisé à Montréal par Nacym Djender