Madjer : «Porto symbolise les plus beaux jours de ma vie» On entendait beaucoup dire sur Porto, ville de seigneurie féodale, mais aussi ville travailleuse et ancestrale dont la personnalité déteint sur le caractère des autochtones, fiers et conquérants. Pour les Portuenses ou Portuans comme on les appelle en français, il n'y a pas plus fort que le sentiment qui les lie au FC Porto, le club de football. Mais ils savent parfaitement s'en défaire le temps de s'occuper de leur quotidien. Car ce qui caractérise le plus les habitants de cette ville, c'est le travail. Porto, la ville travailleuse D'ailleurs, un adage populaire l'illustre de fort belle manière, pour railler les villes concurrentes. «Pendant que Lisbonne se fait belle, Coimbra étudie, Braga prie… Porto travaille !» Voilà qui donne le ton du caractère besogneux de cette ville qui, en la parcourant, vous en met plein les yeux, grâce à cette architecture harmonieusement étudiée, comme pour dire aux touristes qu'elle ne repose pas uniquement sur le savoir des aïeux. Moderne et ancienne à la fois, Porto est une pure merveille pour les visiteurs. Mais comment aurait-on pu apprécier cette beauté à sa juste valeur, si un certain Rabah Madjer ne nous avait pas liés à tout jamais à cette ville ? C'est un vrai monument pour les Portistas ! En effet, depuis 1987 et la talonnade légendaire de Madjer, tout Algérien déambulant dans les rues de cette ville ressent encore la fierté d'avoir un peu contribué à son histoire. Et comment ne pas le ressentir devant l'extase que provoque le nom de notre Madjer national chez les vieux Portistas ! Oui, comment nier cette euphorie qui se déclenche chez les supporters de Porto à l'évocation de leur ancienne star ? Madjer est gravé dans la mémoire collective de la ville. «C'est un vrai monument pour tous les Portistas ! Personne n'a oublié que c'est lui qui a fait grandir le club de Porto en 1987, grâce à son génie et son but de fou», nous dit Mario, cet inconditionnel des Bleu et Blanc. La fierté d'être le voisin de Rabah Madjer ! Mario en fait est l'un des privilégiés de cette ville. Et pour cause ! Il a été le voisin d'immeuble de Rabah Madjer. C'est son jeune frère qui nous l'a ramené dans le quartier où a vécu la star algérienne. «Pour moi, ma plus grande fierté a été d'être son voisin», répète-t-il inlassablement. «Lorsqu'il faisait les beaux jours du club, je disais à tout le monde qu'il habitait avec moi. Enfin, c'est moi qui habitais avec lui», rectifie-t-il dans un éclat de rire. «Je ne ratais aucun de ses matches et on faisait la fête à chaque grande victoire avec sa petite famille. Je n'ai qu'un seul regret, c'est de ne pas avoir été son voisin de palier. Il habitait au cinquième et moi au septième étage. Sinon, j'aurais discuté matin et soir avec lui du balcon ! Je l'aimais tellement fort !», ajoute-t-il, très sincère. Ils parlent de lui les larmes aux yeux Cette sincérité, on l'a aussi notée dans le regard nostalgique des anciens Portistas qui s'en rappellent avec beaucoup d'émotion. «C'est le meilleur joueur que Porto ait jamais eu à ce jour», nous dit un vieux monsieur qu'on a abordé dans une terrasse de café. Lui se rappelle de tous les matchs du FC Porto des années 80. «C'était un enchanteur, un magicien du ballon ! Il savait tout faire avec un ballon de football, surtout les beaux buts qui vous offrent les grands titres. Qui ne se souvient de sa talonnade ! Quelle merveille ce but, mon Dieu ! Et puis, juste après, il donne ce caviar à Juary. C'est lui qui nous a envoyés au paradis», assure-t-il les larmes aux yeux, pris par une émotion qu'il ne maîtrise plus à son âge. «Une chanson ancienne qui parle de Madjer» L'absence de restaurant halal nous pousse à nous rabattre sur les poissonneries qui pullulent dans cette ville donnant sur l'Atlantique. On parlait au téléphone en arabe quand le chef de l'établissement nous a interpellés pour nous demander notre origine. «Nous sommes algériens, comme Madjer», lui a-t-on répondu, sachant que la magie allait opérer pour nous rendre sympathiques aux yeux de tous les Portuans. A peine entendu le nom de Madjer que notre hôte nous tendit son téléphone pour nous faire écouter une vieille chanson qui louait la star algérienne. La fierté était commune entre lui et nous. Dans cet élan de sympathie qui s'est créé autour de Madjer, le restaurateur nous indiqua aussi plusieurs photos qui montraient l'étendue du talent de l'auteur de l'inoubliable talonnade. «Le dragon de Porto,c'est Madjer !» Grâce à son immense talent, Madjer est devenu un des symboles de la ville de Porto. C'est le sentiment de tous ceux qu'on a rencontrés, à l'instar de Antonio Lima Pereira, son ancien coéquipier qui ne tarit pas d'éloges sur lui. C'est aussi le cas de tous ceux qui l'ont vu jouer et qui ont vibré avec ses dribbles et ses passes millimétrées qui leur avaient donné ces moments de bonheur. Pour eux, comme pour tous ceux qui ont eu la chance de vivre cette belle épopée, c'est Madjer qui a incarné le mieux cet esprit conquérant que symbolise le dragon du FC Porto. «Le vrai dragon, c'est Madjer!», nous lancera Mario avant de nous laisser apprécier un peu plus cette ville que Madjer a parfumée d'encens ramené de son Algérie natale ! ---------------------------------------------------- Madjer : «Porto symbolise les plus beaux jours de ma vie» Que signifie Porto pour vous ? Beaucoup de choses. J'y ai vécu les plus beaux jours de ma vie. C'est une ville qui m'a inspiré et donné beaucoup. Je me suis affirmé au FC Porto, j'ai récolté un grand nombre de titres, j'ai joué au plus haut niveau… Je ne pourrais jamais oublier ce que j'ai vécu dans ce club qui m'a ouvert les portes de la renommée. J'y ai réalisé tout ce dont j'ai rêvé et même des choses dont je n'avais pas rêvé. En toute franchise, je ne peux rester longtemps sans faire un tour à Porto. Quelles sont donc ces choses dont vous ne rêviez même pas et que vous avez pu réaliser à Porto ? La Coupe d'Europe des clubs champions, je n'en rêvais pas. Je me contentais de regarder la compétition à la télévision et d'en lire l'actualité dans les journaux et voilà que je remporte ce prestigieux trophée tout en inscrivant, au passage, un but qui est resté dans l'Histoire ! Il y a eu également d'autres rêves que j'ai réalisés avec Porto. Certes, j'aurais aimé remporter un titre mondial avec la sélection d'Algérie dont je ne nierai jamais l'apport pour ma carrière, mais je me suis consolé avec la Coupe intercontinentale des clubs à Tokyo. On peut donc dire que ma vie est liée à Porto, une ville que je considère d'ailleurs comme étant l'une des plus belles au monde. Au cours de notre séjour à Porto, nous avons remarqué que tout le monde se souvient de vous et vous adore… C'est très flatteur d'apprendre que des gens gardent de bons souvenirs de moi. Je le constate à chacun de mes passages là-bas, où je jouis toujours d'un accueil royal. J'en suis très fier, surtout que je me considère comme un ambassadeur de l'Algérie. Ainsi, c'est mon pays qui est honoré à travers ma personne. Nous avons discuté avec Antonio Lima Pereira, ancien joueur du FC Porto, qui nous a dit de belles choses de vous, notamment que vous êtes l'un des meilleurs joueurs qui sont passés par le FC Porto… (Rire.) Lima Pereira m'adore et c'est réciproque. J'adore tous mes anciens coéquipiers avec qui j'ai passé des moments inoubliables. Je remercie Pereira pour ce qu'il a déclaré à mon sujet et qui me rend fier d'être algérien. Vous ne cessez de citer l'Algérie dans vos déclarations en soulignant qu'elle a eu un grand mérite dans votre réussite… Il faut être franc sur un point : la sélection nationale m'a donné beaucoup de choses. C'est elle qui m'a ouvert les portes du professionnalisme. Je serais ingrat si je ne reconnaissais pas son mérite. Je n'oublierai pas de citer également le Racing de Paris qui m'a permis de fourbir mes armes en Europe et également le FC Valence où j'ai fait un bon passage. On vous a vu récemment être ambassadeur de bonne volonté de la FIFA et ambassadeur de l'UNESCO et vous avez même participé récemment à une réunion à Addis Abeba en votre qualité d'ambassadeur de l'Union africaine pour la sécurité et la paix en Afrique. Est-ce à dire qu'on pourrait vous voir occuper un poste politique un jour en Algérie ? J'ai toujours été au service de mon pays et je le demeurerai toute ma vie.