«Je veux instaurer la même philosophie que les Brésiliens, celle d'avoir le monopole du ballon». Au mois de juin dernier, l'équipe de France avait quitté la Coupe du Monde de la FIFA, Afrique du Sud 2010 en laissant au monde du football une bien triste image. Depuis, l'ancien libero mythique de la génération 98, Laurent Blanc, tente de redorer le blason des Bleus désormais 19e au Classement mondial FIFA/Coca-Cola. Après un semestre dans le costume de patron tricolore, le Président est plus détendu qu'à ses débuts. Plus empli de certitudes aussi. Il n'utilise que rarement le «je», comme pour prouver qu'il a bien conscience que l'équipe de France n'appartient à personne. Quelques minutes après avoir livré sa sélection pour le match amical du mercredi 9 février face au Brésil au Stade de France, il s'est assis un bon moment à la table de FIFA.com. «Je veux instaurer la même philosophie que les Brésiliens, celle d'avoir le monopole du ballon» «Je fais ce métier pour transmettre, partager mon expérience, tout donner à mes joueurs» Commençons par l'étude de votre liste de 23 pour France-Brésil et notamment sur cette petite surprise : la convocation de Laurent Koscielny... C'est un élément que nous suivions depuis le début de la saison et sa signature à Arsenal. Au vu de ses dernières performances dans l'un des plus grands clubs d'Europe, nous avons estimé qu'il était temps pour lui de découvrir ce groupe, de lui faire un peu humer son atmosphère. Il est encore jeune. Il y a à peine trois saisons, il jouait encore à Tours, en National. Son ascension a été fulgurante. Pour en avoir discuté avec Arsène Wenger, il a encore une belle marge de progression. Son profil est intéressant pour l'avenir. Plus je le vois jouer, plus il me plaît par son intelligence, sa vision du jeu, ses qualités de relance. Pour le reste, vous avez plutôt fait dans le classique, sans écarter des joueurs en méforme… J'ai voulu envoyer un signe fort à certains. Le message est simple : «Nous avons conscience que vous n'êtes pas au mieux en ce moment. Mais nous sommes en pleine construction et nous avons besoin de vous. Si l'on peut vous aider à retrouver cette confiance qui vous permettra de jouer à votre meilleur niveau, vous pouvez compter sur nous». Et puis soyons honnêtes, depuis novembre et notre dernier match (victoire 2-1 en Angleterre), il n'y a pas beaucoup de joueurs sans sélection qui sont sortis du lot et ont montré un niveau exceptionnel. Cette continuité est assez logique. Depuis la Coupe du Monde 2010 et les évènements de Knysna, beaucoup de débats précèdent chacune de vos annonces. Comment vivez-vous cela ? C'est malheureusement mon quotidien depuis que je suis à la tête de cette équipe. Tout le monde se croit capable de donner son avis. Je n'ai pas la prétention de dire que je suis totalement imperméable à tout cela. Cela ne facilite pas les choses, c'est certain, mais cela ne change rien à mes critères de choix. Je me tiens à une certaine ligne de conduite et cette liste n'a donc pas été plus difficile à donner qu'une autre. Au final, c'est à nous de faire les choix et de prendre nos responsabilités. Nous sommes engagés dans une phase de construction et c'est encore dur de trouver une unanimité sur un groupe, ou du moins, un noyau de groupe. J'espère que ce sera vite le cas. A votre prise de fonction, vous disiez ne pas savoir combien de temps cette reconstruction allait prendre. Avez-vous une idée plus précise aujourd'hui ? Les joueurs ont la clé, les réponses aux questions que tout le monde se pose. J'espère qu'ils nous livreront bien vite leurs réponses. Ils nous en ont déjà donné quelques unes, c'est encourageant. Quelle est votre ambition première pour votre équipe : dégager une équipe-type ou restaurer un état d'esprit conquérant ? L'un ne va pas sans l'autre après ce que la France a vécu… L'idée est de trouver les bons hommes qui pourront faire preuve du bon état d'esprit. Pourquoi n'avoir toujours pas choisi votre capitaine et avoir instauré une rotation ? Si l'on fait la moyenne d'âge de mes listes, on tourne aux alentours de 24-25 ans, ce qui est très jeune au niveau international. Je ne veux pas me tromper sur ces rôles de capitaine et de vice-capitaine. Ce sont des fonctions qui peuvent être extrêmement importantes, notamment lorsque l'on traverse une période difficile. Je cherche donc encore celui qui sera capable de remplir au mieux ce rôle. Et surtout celui que la fonction rendra meilleur, et non le contraire. Affronter le Brésil, même en amical, constitue toujours un gros test. Pensez-vous vos Bleus prêts à relever le défi ? Il n'y a pas à se poser la question. Il faudra jouer ce match, point barre. Pour moi, le Brésil est la terre du football, un pays qui regorge de talents depuis des décennies. Les occasions de jouer contre cette équipe sont rares pour nous : c'est soit en amical, soit en Coupe du Monde. Les joueurs ont forcément conscience que c'est une chance unique. J'imagine qu'il y avait bien plus de footballeurs français en attente de cette liste que d'habitude. Se mesurer à l'une des deux meilleures équipes du monde, devant notre public, peut permettre à mon équipe de prendre confiance. Deux mois et demi après un test physique réussi face à l'Angleterre, cette fois c'est un test plus technique que la France se voit proposer… La philosophie des Brésiliens est d'avoir le monopole du ballon. Et c'est cette identité de jeu que nous voulons aussi mettre en place. Cela sera intéressant de voir si nous en sommes capables, et aussi de mettre en difficulté cette formation. Ce ne sera pas facile, mais ce qui est extraordinaire en football, c'est que tout est possible sur un match. Contrairement à beaucoup d'entraîneurs ayant été des défenseurs quand ils étaient joueurs, vous êtes un apôtre du jeu offensif. D'où vous vient cette philosophie ? Attention, je cherche avant tout l'équilibre, je ne suis pas fou ! Mais c'est vrai que j'aime que mon équipe ait le ballon, qu'elle produise du jeu, qu'elle marque des buts. J'aime sentir une envie collective de se projeter vers l'avant. C'est quand même plus plaisant de jouer de la sorte. Et aussi à regarder, non ? Cette ambition est élevée, mais nous devons avoir toujours cet objectif en tête. Je dispose de jeunes joueurs talentueux, je sais qu'ils sont capables de le faire. Mon seul regret, c'est que nous n'avons jamais vraiment le temps de travailler cela tous ensemble et donc de progresser. Quel match vous a le plus satisfait depuis votre prise de fonction ? Sans hésitation, celui en Bosnie (victoire 2-0). Il venait quelques jours après une énorme déception face au Belarus au Stade de France (défaite 0-1). Nous n'avions certes pas été très bons, mais notre adversaire non plus. Le stage avait pourtant été excellent et les joueurs voulaient prouver qu'ils étaient capables de faire beaucoup mieux. J'avais été ravi de constater que mon équipe avait du caractère. Nous avions bien rebondi en dominant assez largement le match. Nous avions su imposer notre jeu. La France est dans une position confortable sur la route de l'UEFA EURO 2012. Comment éviter la mauvaise surprise que constituerait une non-qualification ? Nous aurons encore des matchs difficiles. Nous connaîtrons aussi des périodes de vaches maigres. Quand vous êtes en construction, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Il faut donc profiter de ce match contre le Brésil pour progresser, essayer de prendre encore un peu plus de confiance pour bien préparer le match du 25 mars au Luxembourg. Car je n'oublie pas que le match aller reste le plus décevant de mon équipe depuis six mois. Nous avions vraiment été très moyens. Comment envisagez-vous la fonction d'entraîneur ? Je fais ce métier pour transmettre, partager mon expérience, tout donner à mes joueurs. J'ai bien conscience qu'un entraîneur reçoit souvent peu en retour de ce qu'il offre. Mais même si je ne reçois qu'un tout petit peu, cela me suffit amplement. Quelques mots sur Karim Benzema, un joueur que vous n'avez jamais hésité à «secouer», tout en lui maintenant votre confiance… Malgré son jeune âge, Karim est actuellement le meilleur buteur français à l'international. Si d'autres se détachaient, je pourrais douter mais là, comment voulez-vous ? Il a d'énormes qualités mais ne donne pas encore le meilleur de lui-même. C'est à mon staff et moi de faire le nécessaire, de le mettre dans les meilleures conditions pour qu'il puisse enfin exprimer tout son potentiel. Quels regards portez-vous sur les U-20 tricolores, champions d'Europe U-19 l'été dernier et qui disputeront la Coupe du Monde U-20 de la FIFA en Colombie en juillet prochain ? L'équipe dispose d'une belle génération. Nous sommes très attentifs aux performances de certains de ses joueurs. Quelques uns sont déjà sous contrat dans de grands clubs étrangers mais ne jouent que très rarement. C'est un problème. La Fédération et moi-même allons les suivre de près et tenter de les accompagner dans leurs choix. J'espère qu'ils joueront davantage, et très vite. France-Brésil au Stade de France, cela rappelle forcément de bons souvenirs aux Français. Peut-être moins à vous puisque vous étiez suspendu pour la finale de la Coupe du Monde 1998… Cela reste un bon souvenir car c'était tout de même une finale de Coupe du Monde et surtout le triomphe de l'équipe de France. Le football est un sport collectif est le plus important reste donc toujours la victoire d'un groupe, pas la participation ou non de tel ou tel joueur.