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Madjer «Aucun sélectionneur étranger n'a réussi avec les Verts»
Publié dans Le Buteur le 10 - 06 - 2011


«Tôt ou tard, je reviendrai à la tête des Verts»
«J'ai discuté avec Djiar d'un grand projet de formation»
Depuis samedi dernier, Rabah Madjer fait partie de ceux qui sont réclamés par les supporters algériens afin de succéder à Abdelhak Benchikha en tant que sélectionneur national. Or, la FAF a annoncé que le futur sélectionneur sera un étranger. Madjer n'est pas d'accord.
A froid, quel commentaire faites-vous par rapport à la déroute subie par la sélection nationale à Marrakech face au Maroc ?
C'est une défaite aussi lourde que douloureuse. C'est franchement dur à avaler. Personne n'a accepté une telle défaite parce que, justement, elle n'est pas acceptable. Le match, entre les deux équipes pour qui la défaite était interdite, promettait d'être chaud et serré, mais son issue était inattendue pour nous. Nous avons perdu d'une manière scandaleuse qui a marqué tout le monde. Vraiment, je n'ai pas digéré cet échec.
Comment avez-vous vécu le match à partir de la tribune officielle du stade de Marrakech ?
Je ne veux même pas me souvenir de ce match. Nous, les anciens joueurs qui étions dans la tribune, avions honte car nous avons été profondément touchés par cette défaite. Si nous avions été battus par un but d'écart, cela aurait été acceptable. Mais 4-0, c'est trop dur. Vraiment, nous aurions aimé ne pas avoir été présents au stade. Certes, nous avons honoré l'invitation du ministre, M. Djiar, qui est à remercier pour son initiative, afin d'apporter notre soutien aux joueurs. Nous les avons même attendus à leur descente du bus pour les encourager, mais le résultat n'a pas suivi.
Mais vous avez quand même une analyse du match…
Je peux le résumer en un seul mot : les Verts n'ont rien fait. Ils étaient complètement hors du coup. Les Marocains ont mérité la victoire en y alliant la manière, mais ce n'est parce qu'ils sont plus forts que nous. C'était plutôt parce que nos joueurs n'étaient pas dans leur jour. Les Marocains l'ont emporté parce qu'ils étaient tout simplement plus volontaires et plus motivés. C'est ce qui a fait la différence.
Pouvez-vous être plus précis dans votre analyse ?
Par respect pour Abdelhak Benchikha et les joueurs, je ne m'aventurerai pas à faire une analyse. Je ne veux pas entrer dans les petits détails de crainte de heurter certaines sensibilités. Tout ce que je peux dire, c'est que notre équipe a très mal joué. Pourtant, les conditions étaient idéales et tout s'est déroulé dans un bon esprit sportif. C'est la vérité. Cela dit, je ne veux pas tirer sur une ambulance. Il faut s'atteler à bien réagir.
Etes-vous d'accord avec ceux qui ont imputé la défaite aux défenseurs ?
Une chose est sûre : c'est toute l'équipe qui assume la responsabilité de l'échec. Certes, la charnière centrale était fragile, mais la majorité des erreurs sont venues du milieu du terrain qui n'a pas récupéré beaucoup de ballons et a perdu beaucoup de duels. Cela a ouvert des brèches en défense dont ont profité les Marocains. Il suffit de voir comment est venu le deuxième but, avec un joueur du Maroc qui a traversé la moitié du terrain avant de passer tranquillement à Chamakh qui s'est retrouvé face-à-face à plusieurs mètres du but. Le problème s'est situé donc au milieu du terrain.
Le niveau affiché par la défense n'a pas été à la hauteur, d'ailleurs Yahia et Mehdi-Mostefa ont été beaucoup critiqués…
Certes, ce duo a commis beaucoup d'erreurs et n'était pas dans son jour, mais ce serait injuste de leur faire endosser à eux seuls la responsabilité de l'échec. L'équipe dans son ensemble a été défaillante et n'a pas eu le rendement escompté dans pareille confrontation.
Beaucoup de gens pensent que Rafik Halliche avait sa place dans ce match. Votre avis à ce sujet ?
Il va sans dire que Halliche est un joueur particulier. Je l'aime bien parce qu'il est combatif sur le terrain. Il a un grand potentiel et j'aurais aimé qu'il soit parmi le groupe, même s'il ne joue pas beaucoup dans son club.
Pensez-vous que Benchikha a une part de responsabilité dans la défaite ?
C'est trop facile de mettre tout sur le dos de Benchikha. Il a sa part de responsabilité, mais il n'est pas l'unique responsable. Il avait ses idées et un plan de jeu en tête qu'il a tentés d'appliquer et il a échoué. Cela arrive à tout le monde. La défaite face au Maroc a révélé que le problème est plus profond qu'un simple choix d'entraîneur ou de joueurs. Il faut donc traiter ce problème en profondeur.
Ne pensez-vous pas que Benchikha a commis une erreur en sortant Yebda à la mi-temps, vous qui dites que le problème était justement au milieu du terrain ?
Benchikha a commis une erreur, à mon avis, car je voyais Lemmouchia et Yebda comme milieux récupérateurs et Djebbour comme attaquant d'appui derrière Soudani en pointe. Même Boudebouz méritait d'être titularisé dans ce match. C'est mon humble avis, avec tout mon respect pour Benchikha. Je le répète : il ne faut pas imputer la défaite au seul entraîneur. Il faut traiter la problématique et non pas régler un problème de personnes.
C'est quoi la problématique, selon vous ?
Cette équipe avait déjà perdu sur le score de 4-0 face à l'Egypte, 3-0 face au Malawi et la Serbie. Ce n'est pas la première fois que nous perdons sur des scores lourds. Cela démontre qu'on n'a jamais tiré les leçons des précédentes défaites. Tout le monde sait que, même lorsque la sélection nationale gagne, elle ne convainc pas parce qu'elle ne joue pas comme elle devrait le faire. Ce n'est pas à cause d'une mauvaise tactique, mais c'est à cause de la politique préconisée par les responsables du football algérien depuis trois ans ou même plus. On ne peut pas faire de miracles dans de telles conditions de travail.
Par votre façon de voir les choses, vous disculpez complètement le sélectionneur national…
Je ne blâmerai pas Benchikha même s'il a commis des erreurs, parce qu'il a hérité d'une équipe précaire qui ne travaillait pas selon une méthodologie correcte. Il a hérité d'une sélection piégeuse et cela a réduit sa marge de manœuvre. Même s'il y avait, à la tête de la sélection, le meilleur entraîneur au monde, il n'aurait rien pu faire dans un contexte pareil. Il faut voir la réalité en face et arrêter de nous mentir. Cette mentalité ne nous mènera pas loin et cette politique ne nous aidera pas à construire une sélection nationale performante.
De quelle politique parlez-vous ?
Construire une sélection qui repose à 100 % sur des joueurs émigrés est complètement illogique. J'avais évoqué ce sujet dans l'entretien que je vous avais accordé avant le match de Marrakech. Cette politique est erronée et nous conduira à la catastrophe. Cela a déjà commencé. La défaite de Marrakech est un message clair pour comprendre ce qui se passe et réviser nos calculs. Le problème réside dans le fait que la sélection n'a pas de base. C'est une équipe constituée de joueurs émigrés, mais dénuée de cohésion. Il faut un véritable projet de jeu.
Dans le communiqué ayant sanctionné sa réunion de mercredi, le Bureau fédéral a imputé une part de la responsabilité au nul concédé par les verts à la Tanzanie sous Rabah Saâdane. Partagez-vous cette analyse ?
C'est vrai que ce résultat pèse dans le classement, mais ce n'est pas ça le problème. N'importe quelle sélection au monde peut être mise en échec dans un match à domicile, surtout après une participation à une Coupe du monde. Ce serait injuste donc de faire porter le chapeau à Saâdane, car ce même entraîneur a battu la Côte d'Ivoire une fois et l'Egypte deux fois. Mon propos est clair : le problème est dans la stratégie adoptée au niveau de la FAF. Le football ne peut pas être géré de cette manière. On ne peut pas créer une sélection à partir de rien. Il n'y a pas de cohésion entre les joueurs et c'est tout à fait naturel, car ils ne se rencontrent ensemble que très rarement et cela n'aide pas le sélectionneur. Cependant, si la sélection était constituée en majorité de joueurs locaux, le sélectionneur aurait organisé des regroupements cycliques tout au long de la saison qui créerait une cohésion dans le jeu. Avec l'apport des meilleurs joueurs émigrés, cela donnerait une sélection forte et complémentaire.
C'est quoi donc la solution selon vous ?
La solution est dans la formation. Ce que je dis est un conseil que je donne à tous les acteurs du football algérien, par devoir national, et non pas une remarque ou une critique. Cela fait longtemps que je défends ces idées et il est temps qu'elles soient appliquées sur le terrain. Nous n'avons pas su tirer les leçons du passé. Il est temps de changer. On n'a plus le droit à l'erreur.
La FAF a réagi en annonçant la nomination d'un sélectionneur étranger après l'échec des entraîneurs locaux. Quel est votre avis là-dessus ?
En quoi l'entraîneur local a-t-il échoué ? J'aimerais bien qu'on me l'explique ! Je ne crois pas que l'accession des Verts aux demi-finales de la CAN eut été un échec pour Saâdane ainsi que leur participation à la Coupe du monde, encore moins le nul imposé à la sélection de Belgique sur son terrain. Cette même équipe de Belgique avait battu la France, championne du monde à l'époque, en France même et avait atteint les demi-finales du Mondial-2002. Les gens doivent comprendre que toutes les grandes réalisations du football algérien ont été l'œuvre d'entraîneurs algériens, à commencer par les Jeux méditerranéens et africains de 1975 et 1978 où nous avions remporté la médaille d'or sous la conduite de Rachid Mekhloufi, jusqu'au seul titre de champion d'Afrique des nations remporté par l'Algérie avec Abdelhamid Kermali, en passant par deux participations en Coupe du monde en 1982 et 1986. A l'inverse, les entraîneurs étrangers ont tous échoué à la tête des Verts, de Leekens à Cavalli en passant par Waseige, avec tous mes respects pour ces techniciens. Il ne faut pas tromper l'opinion publique.
La FAF a quand même décidé de confier les Verts à un entraîneur étranger de niveau international…
Je vous l'ai dit plus haut : le plus grand entraîneur au monde ne pourra pas réussir avec la politique actuelle. Il rencontrera les mêmes difficultés qu'ont rencontrées Saâdane et Benchikha. Ce n'est pas un problème de personnes, mais de politique sportive. Il faut revenir à l'ancienne méthode en privilégiant la formation du joueur local. Lorsque j'étais sélectionneur, j'avais affronté la Belgique avec seulement 3 joueurs émigrés et nous l'avions tenue en échec. Il faut réhabiliter le joueur local.
Les responsables de la FAF ignorent-ils ce problème ?
C'est à eux de vous répondre. J'essaye, à chaque fois que je le peux, de donner mon avis en ma double qualité d'ancien international et d'ancien sélectionneur national.
Certains affirment que la décision de la FAF de recourir à un sélectionneur étranger vise uniquement à vous barrer la route, vous dont beaucoup d'Algériens réclament le retour, suivant un sondage fait par la Chaîne III…
Cela ne me dérange pas. Tout le monde sait comment et pourquoi Madjer a été écarté de la sélection nationale. Je ne remercierai jamais assez le peuple algérien qui m'a toujours manifesté sa confiance. Je lui dirai une chose : un jour ou l'autre, je reviendrai à la tête de la sélection nationale et, main dans la main, nous ferons relancer le football algérien.
Même Mekhloufi, Khalef, Hannachi et Ben Mabrouk ont réclamé votre retour…
Je suis fier de cette reconnaissance de gens aussi importants dans le football algérien et que je respecte beaucoup. Je suis honoré et fier de leur confiance.
Nous avons appris que vous avez discuté avec El Hachemi Djiar, ministre de la Jeunesse et des Sports. De quoi avez-vous parlé ?
Nous avions suivi le match ensemble à Marrakech et au retour, nous nous sommes rencontrés dans son bureau. Il voulait comprendre ce qui s'est passé dans ce match. Je lui ai donné mon avis sur le match et sur la situation du football algérien. C'était une discussion conviviale avec un échange de points de vue enrichissant. Je lui ai parlé de la nécessité de former des joueurs locaux en commençant par les petites catégories qui doivent être dirigées par des techniciens diplômés appuyés par d'anciens joueurs. Il faut un projet sérieux et rigoureux pour donner de l'équilibre à la sélection nationale. Les résultats ne seront pas immédiats, mais ils seront visibles après trois ou quatre ans.


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