«Vous n'êtes pas partis à la CAN et vous espérez aller au Mondial ?» A la fin de la rencontre Zambie-Rwanda, qui s'était soldée par une victoire de l'équipe locale, des supporters des Chipolopolo, en apprenant que nous venons d'Algérie, s'étaient approchés de nous et nous ont lancé : «On compte sur vous pour battre l'Egypte.» Alors que le sélectionneur de la Zambie, Hervé Renard, tablait plutôt sur un nul, la rue zambienne appelait de ses vœux une défaite de l'Egypte, seule manière, pour elle, de voir la Zambie aller en Coupe du monde. «Vous n'êtes pas partis à la CAN et vous espérez aller au Mondial ?» Le raisonnement des Zambiens est simple, sinon simpliste : l'Egypte est championne d'Afrique en titre, donc c'est l'équipe la plus dangereuse. L'Egypte écarté, c'est une voie royale qui s'ouvrirait pour les Chipolopolo qui, depuis le nul qu'ils avaient imposé aux Pharaons au Caire, se sont mis dans la peau des «héritiers» naturels des champions. D'où ce soutien affirmé et tout à fait intéressé à l'égard de l'Algérie. C'est que, dans l'esprit des Zambiens, les Algériens ne pourraient avoir un autre rôle que celui de trouble-fête, où leur force ne s'affirmerait qu'à l'occasion du «derby du Nord» face à l'Egypte. «Vous n'êtes pas été en Coupe d'Afrique et vous espérez aller en Coupe du monde ?» Cette remarque interrogative nous a été assénée plusieurs fois depuis que nous sommes arrivés en Zambie. Loin d'être le reflet d'une arrogance ou d'un dédain à l'encontre des Algériens, c'est surtout le sentiment crédule de ceux qui ne croient pas qu'on puisse viser très haut lorsqu'on est si bas. «En Angola, pour la CAN, vous avez votre place, mais en Afrique du Sud, pour la Coupe du monde, je ne le crois pas», nous a assuré Sidney, comptable de formation et chauffeur clandestin à ses temps perdus. «Le nul au Caire est un signe» «Trois buts mis à l'Egypte, ça fait du bien !», nous a lancé Chingui, commerçant, en guise de félicitations. En fait, il se félicitait lui-même de voir l'Egypte larguée à trois points de la Zambie, et avec la perspective que les Chipolopolo la reçoivent à domicile, lors de l'avant-dernière journée, afin de sceller définitivement son sort. «Je vous le dis : je sens déjà le Mondial. C'est inéluctable. L'Egypte n'a pas pu nous battre chez elle. C'est un signe, non ? Dieu est avec nous !» Dans un pays où le christianisme et la sorcellerie cohabitent plutôt bien, on ne sait pas de quel dieu il parle, mais ce qui est certain, c'est que la victoire face à l'Algérie est, pour eux, inéluctable. «On vous battra avec classe, ne vous en faites pas», ajoute Sidney, comme pour se rassurer. «Avec vous, nous n'avons jamais eu d'histoires. Ce n'est pas comme avec l'Egypte.» «J'assisterai à notre victoire sur l'Egypte, quitte à payer ma place en dollars ! » C'est qu'entre la Zambie et l'Egypte, il existe de vieux contentieux. Pas officiellement, bien sûr, puisque la Fédération zambienne de football s'est toujours interdit de critiquer son homologue égyptienne, mais le peuple zambien n'a pas la mémoire courte. «Par trois fois, nous avons été privés de victoires contre l'Egypte. Les arbitres nous avaient défavorisés, sans compter le jeu des coulisses. Les Egyptiens ont largement profité du fait que la CAF a son siège dans leur pays», explique Alex, fonctionnaire communal. Sidney, qui a apparemment une dent contre l'Egypte, surfe sur cette déclaration pour s'enflammer : «Je n'ai jamais connu de gens aussi chauvins, aussi antisportifs que les Egyptiens ! Pour qui se prennent-ils, à la fin ? Moi, je vous le dis : le jour où nous les recevrons à Chililabombwe, j'irai assister à leur défaite coûte que coûte, quitte à payer ma place en dollars !» Le gars, pour marquer encore plus sa résolution, ouvre une bouteille de bière, la énième depuis la victoire de la Zambie. C'est que ça boit fort ici, à l'anglaise, à la différence que les Zambiens sont plutôt bons buveurs, loin d'être agressifs. En attendant la venue de l'Egypte, c'est l'Algérie qui descendra dans l'arène de Chililabombwe. «Une formalité», selon nos interlocuteurs qui nous souhaitent quand même de nous qualifier à la Coupe d'Afrique des nations. «Juste pour embêter les Egyptiens», précisent-ils. De notre envoyé spécial à Ndola : Farid Aït Saâda Drid a laissé des traces et un nom Lorsqu'on interroge des Zambiens trentenaires ou plus âgés sur les joueurs algériens qu'ils connaissent, ils citent les inévitables Madjer et Belloumi, mais ils ajoutent un nom inattendu, celui de… Nacereddine Drid. La raison ? Lors de la campagne pour le Mondial-86, il avait éliminé presqu'à lui seul la Zambie en annihilant toutes ses attaques à Lusaka. «Drid avec sa casquette nous a fait beaucoup de mal. C'était un singe, tant il sautait bien. Pourtant, il n'était pas très grand», se rappelle Sidney. En apprenant que Drid est désormais entraîneurs, il a commenté : «Cette fonction lui va certainement très bien. Les gardiens de but ont beaucoup à apprendre de lui et les joueurs de champ aussi car un gardien de but voit bien le jeu. Son vécu l'aidera certainement.» Renard redoute la météo Si la sélection zambienne est actuellement regroupée à Lusaka, la capitale du pays, elle se déplacera vers un centre d'entraînement en Afrique du Sud pour y poursuivre et y parfaire sa préparation, comme il le fait avant chaque match important. Le sélectionneur Hervé Renard redoute cependant un problème : la météo. En effet, l'Afrique du Sud, particulièrement le nord et le nord-est du pays, connaissent depuis lundi des orages, pluies et grandes rafales de vent. Selon les météorologues, le mauvais temps risque de s'installer et de durer plusieurs jours, surtout que dans cette partie du globe, c'est l'automne et l'hiver n'est plus très loin. Des entraînements sous la pluie ne conviendraient pas aux Zambiens, eux qui joueront dans une région où il ne pleut pas souvent.