«Khalef était comme Ighil : personne, je dis bien personne, n'entrait dans le vestiaire.» Aujourd'hui à la retraite, Mohamed Moussaoui fait partie de l'histoire de la JS Kabylie. Non pas en tant que buteur, entraîneur ou président, mais en sa qualité de secrétaire général ayant servi le club 22 ans durant, contribuant à 15 titres remportés par le club. Il a eu la particularité d'avoir travaillé sous les ordres des deux présidents de club les plus titrés de l'histoire du football algérien, le regretté Boussad Benkaci et Mohand-Cherif Hannachi. Son vécu lui donne une légitimité pour donner son éclairage sur la crise qu'est en train de vivre actuellement la JSK. Vous qui avez travaillé plus de 20 ans dans l'administration de la JSK, à quoi attribuez-vous la crise qu'elle est en train de vivre actuellement ? Pour moi, la cause est très claire : c'est l'instabilité au niveau du staff technique. Hannachi est un enfant du club, qui aime le club, mais il a cette fâcheuse habitude de changer perpétuellement d'entraîneur. Une quarantaine de changements d'entraîneurs en une vingtaine d'années, ce n'est pas normal et c'est étranger à la culture de la JSK. On ne peut pas attendre des résultats quand il n'y a pas de travail continu. Cela d'un côté. D'un autre côté, il y a trop de personnes qui rôdent autour de l'équipe et cela aussi est anormal. Du temps du regretté Boussad Benkaci et de l'entraîneur Mahieddine Khalef, aucune personne en dehors du président et moi-même, en ma qualité de secrétaire général, n'avait le droit d'approcher les joueurs, avant et pendant les matchs. Je dis bien aucune personne. Même moi, je me contentais de remplir la feuille de match, de la remettre aux arbitres et vérifier les licences de l'équipe adverse, puis je me mettais sur le banc des remplaçants avec interdiction d'émettre un commentaire de quelque nature que ce soit sur le plan technique. Vous faites allusion à l'intimité du vestiaire ? Je parle de cela justement. Meziane Ighil a tenu à préserver l'intimité du vestiaire. Eh bien, il me rappelle Khalef qui, lui aussi, interdisait à toute personne d'y rentrer avant, pendant et après un match. Une fois, le regretté Hadj Abtouche, premier président de l'histoire de la JSK, avait demandé à Khalef de dire quelques mots aux joueurs avant un match. L'entraîneur le lui a refusé poliment en lui disant : «Ce qu'il fallait dire aux joueurs, je le leur ai dit.» Pourtant, c'était Abtouche, un homme qui a une légitimité historique, un sage qui avait les larmes aux yeux quand la JSK vivait des problèmes et qui avait toujours appelé à l'union et à la paix. Khalef avait ce principe : le vestiaire appartient aux joueurs et à l'entraîneur, point à la ligne. Ighil a voulu appliquer ce principe et, sur ce point, je suis parfaitement d'accord avec lui. Soit dit en passant, je veux témoigner d'une chose : même du temps où il était joueur au NAHD, Meziane Ighil aimait la JSK. D'ailleurs, de tous les joueurs algérois kabyles, c'était le seul qui parlait avec nous ouvertement en kabyle, sans crainte ni complexe, que ce soit à Alger ou lors de ses déplacements à Tizi Ouzou. Donc, selon vous, il y a actuellement trop de personnes qui rôdent autour des joueurs ? Oui. Le problème de la JSK n'est pas Hannachi, mais ceux dont il s'est entouré. Ce n'est pas parce qu'on a le titre de dirigeant qu'on peut tout se permettre. Un dirigeant, quel qu'il soit, doit se contenter de faire son travail sur son lieu de travail et de se faire discret. Du temps de Khalef entraîneur, Rabah Menguelti était secrétaire général adjoint et Arezki Maghrici était directeur du matériel, mais aucun d'entre eux ne s'affichait dans le vestiaire ou sur la main courante. Ils assistaient aux entraînements et aux matchs à partir des tribunes et une fois que c'était terminé, ils rentraient chez eux. Pourtant, ce sont d'anciens joueurs au palmarès bien riche. Aujourd'hui, des gens qu'on dit dirigeants et qui n'ont jamais tapé dans un ballon se trouvent sur la main courante et pénètrent dans le vestiaire. Ce n'est pas normal. Autre chose anormale : on a dit d'une personne qu'elle est membre du Conseil d'administration du club, alors que l'entraîneur ne la connaît même pas. Selon ce que je sais des règles de la gestion, quand un entraîneur est nommé, on doit le présenter aux membres du Conseil d'administration. Or, cela n'a pas été fait avec Ighil. Vous avez travaillé avec Hannachi, pensez-vous qu'il doit carrément partir ou bien rester en corrigeant ses erreurs et sa manière de gérer le club ? J'ai toujours eu d'excellents rapports avec Hannachi. Lorsqu'il avait été élu président de la JSK en 1993, il avait posé une condition à l'assemblée générale : «Je veux que Mohamed Moussaoui soit le secrétaire général.» C'est la preuve de la confiance qui régnait entre nous. Nous avons travaillé ensemble et remporté des trophées ensemble, jusqu'à ma retraite en 1999. D'ailleurs, il y a quelque temps, il m'a envoyé avec mon fils un tableau d'honneur pour mes 22 ans de services rendus au club. Il est incontestable qu'il aime la JSK, mais il a commis l'erreur, à un certain moment, de s'entourer de personnes qu'il n'a pas su maîtriser. Il faut qu'il revienne aux fondamentaux en faisant que l'entraîneur ait un seul interlocuteur : le président. Et puis, il a un défaut, qui est le propre de tous les présidents qui étaient d'anciens joueurs : il veut jouer au technicien en s'immisçant dans le travail de ses entraîneurs. Allah ghaleb, il ne peut pas s'en empêcher, mais je trouve que c'est un défaut. Un entraneur doit être seul responsable du volet technique.