Madjer a été un immense joueur. Si vous le croisez en Algérie, transmettez-lui mes hommages. Vous êtes venu jouer aux côtés de Zinedine Zidane, qu'est-ce que cela vous inspire ? C'est un très grand honneur de jouer aux côtés d'un aussi grand joueur. Zidane a fait une carrière exceptionnelle, il a gagné la Coupe du monde une fois et l'a raté de peu une autre fois. Il a été le meilleur joueur de sa génération et à mes yeux, il reste l'un des plus grands joueurs de l'histoire du football. Je suis ravi d'être ici à Montréal et de jouer à ses côtés. Je suis doublement heureux, d'abord pour moi, puis surtout pour mon fils Dima qui a tenu à m'accompagner dans ce voyage. C'est un fan de Zidane ? Et comment ! Depuis que je lui ai annoncé qu'il allait venir avec moi pour rencontrer Zizou, il n'en dort plus. Regardez-le (il sourit largement et prend son fils par l'épaule). Peut-on poser une question à votre fils ? Bien sûr, volontiers, mais il est un peu timide. Dima, tu es fan de Zidane, ça se voit, mais tu es pour quel club toi ? Je suis supporteur de Chelsea. Et de ton père aussi, on suppose. Tu as rencontré Zidane ? (Il acquiesce de la tête) Oui, ici à l'hôtel. Il est gentil ? Très gentil même. Tu as pris une photo avec lui ? Oui, plusieurs et il m'a même fait une dédicace sur mon maillot. Tu vas devenir footballeur comme ton papa Serguei ou comme Zidane ? (Il sourit timidement) Comme mon père (puis il se blottit dans les bras de son papa qui l'enlace à son tour). Revenons au papa, maintenant. Vous jouez toujours au football, même à l'âge de Zidane. Vous rempilerez pour une saison de plus avec le club russe de Rubin Kazan ? On verra après les vacances. Aujourd'hui, je joue pour le plaisir et je le ferai tant que le physique me le permettra. C'est sûr que je ne suis plus aussi frais qu'à 25 ans, mais je ne me sens pas dépassé par les jeunes. Je crois que mon rendement est appréciable et je ne suis pas loin de la retraite en effet. Si je vois que je n'arriverai pas à courir aussi vite que les jeunes, c'est sûr que je saluerai mes coéquipiers et le coach pour rentrer à la maison. Vous avez été l'un des meilleurs joueurs d'Europe, notamment après cette inoubliable saison réalisée en Ligue des Champions en 97/98, lorsque vous aviez éliminé le FC Barcelone, et la saison d'après votre victoire face au grand Real Madrid. Vous saviez que vous alliez battre ces deux géants d'Europe ? A cette époque-là, le Dynamo Kiev était vraiment très fort à tous les niveaux. Les dirigeants avaient tout fait pour garder les meilleurs joueurs et on a pu monter une grande équipe. Il faut dire que nous sommes le fruit du travail de feu Valeri Lobanovski que nous considérons comme le meilleur entraîneur que l'Ukraine n'ait jamais eu. Nous avons beaucoup appris à ses côtés. On savait qu'on était capables de battre n'importe quelle équipe. Mais pas sur ces scores là de 3-0 contre le Barça ou 2-0, je crois face au Real. C'est vrai que lorsqu'on y repense, on se dit qu'on avait une grande occasion de gagner la Ligue des champions. Mais malheureusement, on est tombés sur le Bayern de Munich qui nous a privés de la finale. Vous avez joué en Angleterre par la suite, puis en Turquie. Que gardez-vous de votre passage dans ce pays et de la vie parmi les Musulmans ? Les Turcs sont très attachants avec les étrangers. J'ai joué sans doute l'une des meilleures saisons avec Fenerbahçe et j'ai été champion de Turquie. Les supporteurs sont formidables et chaque match prenait des allures de batailles. J'ai contribué au titre et je suis fier d'avoir fait sortir les supporteurs dans la rue après le sacre. C'était vraiment grandiose à vivre. Pour ce qui est de la vie en Turquie, c'est vrai que c'est un peu particulier par rapport à ce que j'ai connu en Ukraine ou en Angleterre. Je n'ai pas eu le temps d'apprécier pleinement la vie en Turquie, parce que je ne suis resté qu'une saison. Mais le peu que j'ai vécu là-bas m'a appris beaucoup sur la culture musulmane qui est très forte et véhicule des valeurs universelles de grande qualité. Vous avez joué avec des joueurs algériens dans votre carrière ? Non, j'ai joué plutôt avec des Marocains, mais pas les Algériens. Vous connaissez les grands noms du football algérien ? Le plus grand de tous, c'est évidemment Zidane ! Vous saviez qu'il était algérien ? Bien sûr, pour nous en Ukraine, Zinedine Zidane est un joueur algérien qui a choisi de jouer pour la France. Vous devriez être en colère tout le temps d'avoir laissé filer une telle perle pour une autre sélection. C'est sûr, pour moi il est algérien. Il n'y a qu'à voir ses amis ici à l'hôtel, ils sont tous algériens comme vous. Vous en connaissez encore d'autres ? Oui, Madjer et sa fameuse talonnade. Qui ne se rappelle pas de ce joueur ! Il était vraiment fou de faire ce geste dans une finale aussi importante. Mais ce sont les joueurs qui ont du caractère qui marquent l'histoire du football, comme Panenka et son fameux penalty. Le football a besoin de leur génie et de leur audace pour avancer. Madjer a été un immense joueur. Si vous le croisez en Algérie, transmettez-lui mes hommages. Entretien réalisé à Montréal par Nacym Djender