Casillas : «Zidane méritait de terminer sa carrière avec une Coupe du monde.» Xavi : «J'ai eu de bons échos de l'interview que je vous avais accordée.» Del Bosque : «Vous êtes encore là ? C'est l'occasion de dédier cette coupe à tous les Algériens » Sacrés champions d'Europe peu avant minuit heure ukrainienne, les joueurs de la sélection d'Espagne n'ont pourtant quitté le stade olympique de Kiev, théâtre de leur exploit, qu'aux premières lueurs du jour. En effet, entre le cérémonial de remise des médailles et de la Coupe d'Europe, les poses avec cette dernière pour les photographes, le tour d'honneur avec le trophée, la fête improvisée avec leurs enfants, présents au stade, sur le terrain et les inévitables interviews de fin de match avec les journalistes des chaînes de télévision et de la presse écrite, cela a pris plus de heures. Retour à l'hôtel à 2h15 C'est vers 2h15 heure locale, soit 00h15, heure algérienne, que les champions ont regagné leur hôtel sous une surveillance rapprochée, vu qu'il y a un grand nombre de fans à leur attente. Le bus qui les transportait à eu du mal à se frayer un chemin dans la foule. Tellement ils avaient tardé, il y avait des joueurs qui ne s'étaient même pas changés au vestiaire, mais le bonheur d'être sacrés champions d'Europe pour la deuxième fois consécutive a effacé la fatigue de cette longue journée. L'envoyé spécial du Buteur s'est faufilé parmi la délégation en se «déguisant» en accompagnateur Comme les contrôles aux alentours de l'hôtel étaient stricts, nous avons trouvé un subterfuge pour y accéder. En effet, l'un des envoyés spéciaux du Buteur a eu la présence d'esprit de revêtir le maillot et le survêtement de la sélection espagnole, qu'il est passé rapidement récupérer dans son lieu de résidence, et a profité de la confusion pour se glisser dans la délégation espagnole. Comme il portait également un badge comme les autres membres de la délégation (un badge pour journaliste, certes, de couleur différente de celles des joueurs et des accompagnateurs, mais les agents de sécurité, devant la cohue, n'ont pas pris la peine de vérifier si c'était bien le bon badge), il était donc bien «déguisé», si bien qu'il a été pris pour un accompagnateur des joueurs. C'est ainsi que Le Buteur a eu le privilège d'avoir assisté à quelques moments d'intimité de la sélection espagnole. Des joueurs ont fait entrer quelques amis journalistes Il est vrai que c'était une vraie chance car d'autres journalistes, qui se sont présentés en tant que tels, ont été tout simplement refoulés. Les vigiles avaient reçu des instructions strictes : pas d'intrus dans l'hôtel. Il aura fallu l'intervention des joueurs pour faire entrer quelques journalistes qu'ils connaissent très bien et à qui ils font confiance. Les agents ont dû se plier devant ces interventions. On ne peut rien refuser à des gars qui sont champions du monde en titre et fraîchement couronnés champions d'Europe. Ainsi, il n'y a que quelques privilégiés à avoir eu l'accès à l'hôtel. Même les familles des joueurs n'y étaient pas présentes en nombre. Personne ne pouvait arracher le trophée des mains de Ramos Et le trophée ? Eh bien, il faut demander à Sergio Ramos. C'est lui qui est apparu en dernier dans la zone mixte, la Coupe d'Europe à la main. Personne n'a pu la lui enlever, même lorsque le groupe a regagné l'hôtel. Il est connu de Ramos qu'il aime tenir les trophées entre ses mains. On se rappelle de la Copa del Rey (Coupe du Roi) qu'il tenait lorsque le Real Madrid avait défilé dans les rues de la capitale espagnole et qu'il avait malencontreusement laissée tomber sur la chaussée. Avec lui, pas moyen de prendre des photos avec la Coupe Ce qui est certains, c'est qu'avec lui, il n'y a aucun risque que la Coupe soit entre de mauvaises mains. C'est sûrement le seul dans la sélection espagnole à oser refuser de la remettre à des inconnus pour qu'ils posent avec. Il en avait été ainsi dimanche soir (ou plutôt lundi au petit matin) à l'hôtel : très, très rares ont été ceux qui ont eu la chance de pouvoir se prendre en photo avec la Coupe d'Europe des nations. C'est sans doute pour cela que les responsables de la Fédération espagnole de football lui confient délibérément les trophées. Xavi a regagné sa chambre avec le drapeau de la Catalogne sur le dos Les joueurs sont restés plusieurs minutes à discuter dans le hall entre eux ou avec des proches. Ce n'est qu'à ce moment-là, en fait, qu'ils ont pu pleinement être actifs au téléphone et sur les réseaux sociaux, pianotant souvent sur leurs Smartphones. Puis, il a bien fallu regagner les chambres pour prendre une douche, se reposer deux ou trois heures et se préparer au retour à Madrid, où une autre journée de défilés et d'hommages était attendue. Xavi Hernandez est remonté dans sa chambre en ayant toujours le drapeau de la Communauté de Catalogne sur le dos, alors que ses autres coéquipiers qui avaient brandi chacun le drapeau de son communauté s'en étaient déjà débarrassé. Comme si Xavi disait : «Je suis Espagnol, oui, mais Catalan avant.» Piqué, Negredo, Torres et Mata ont quitté l'hôtel par une porte dérobée En fait, ce ne sont pas tous les joueurs qui ont goûté au repos. Vers 4h, Piqué, Negredo, Torres et Mata sont descendus au hall en tenue de ville et ont quitté l'hôtel par une porte dérobée vers une destination inconnue. Il était clair qu'ils étaient partis faire la fête dans une boîte. Shakira, avec qui Piqué avait posé sur le terrain en tenant la Coupe d'Europe après le match, l'avait certainement appelé pour lui donner rendez-vous quelque part. En tout cas, ils étaient de retour à temps pour le départ vers l'aéroport. Del Bosque a siroté du thé avec son staff jusqu'à 5h Dans toute cette cohue, un homme est resté imperturbable, comme toujours : Vicente Del Bosque. Le sélectionneur espagnol s'est isolé, avec les membres de son staff, dans un coin de la terrasse de l'hôtel et sont restés à discuter en sirotant du thé jusqu'à 5h. Ils parlaient certainement de l'avenir de la sélection, appelée, à partir du mois de septembre, à relever un nouveau challenge : se qualifier pour le Mondial-2014 afin de pouvoir défendre leur trophée et, pourquoi pas, réussir un quadruplé inédit : deux Coupes d'Europe et deux Coupes du monde d'affilée. En tout cas, Del Bosque est déjà entré dans l'Histoire en devenant le premier sélectionneur à remporter le Mondial et l'Euro à la suite. Hier à 8h10 : départ vers l'aéroport A 8h10, tous les membres de la délégation espagnole étaient au rendez-vous dans le hall de l'hôtel pour le départ en direction de la l'aéroport international de Kiev. Direction : Madrid, qu'ils ont gagnée en début d'après-midi, où un accueil triomphal les attendait. C'est la fin d'une nouvelle aventure couronnée d'un sacre. L'Espagne est entrée dans la légende du football. Elle compte bien y rester le plus longtemps possible. ---------------- Casillas : «Zidane méritait de terminer sa carrière avec une Coupe du monde» Modeste et loin d'être arrogant, le capitaine d'équipe de l'Espagne, Iker Casillas, a accepté gentiment de nous parler du seul joueur «algérien» qu'il a vraiment connu : Zinédine Zidane. «Je regrette juste une chose pour lui : la manière dont il a terminé sa carrière, avec cette expulsion en finale du Mondial-2006. Il méritait de terminer sa carrière avec une Coupe du monde.» Xavi : «J'ai eu de bons échos de l'interview que je vous avais accordée» En saluant Xavi Hernandez, nous lui avons appris qu'on est du journal algérien qui avait réalisé une longue interview avec lui l'année dernière. Il nous a accueilli avec un large sourire et nous a dit, en anglais : «J'ai eu de bons échos de l'interview que je vous avais accordée. On m'a dit qu'elle a été bien accueillie chez vous et cela me réjouit.» ---------------- Euro vision Cruijff, un Espagnol manqué On dit que l'Espagne, dans le prolongement du FC Barcelone, est en train de pratiquer le plus beau football de tous les temps. Les puristes émettent une petite réserve : ce football a été déjà pratiqué dans les années 70 par Ajax Amsterdam et la sélection des Pays-Bas, même si l'efficacité était moindre. Cette époque est symbolisée par Johan Cruijff, légende du football mondial, celui qui a permis au football néerlandais de devenir une référence. S'il n'est pas dans le Top 3 des meilleurs joueurs de tous les temps, ce n'est pas parce qu'il est moins talentueux, mais juste parce qu'il n'a jamais remporté la Coupe du monde. Cela restera sa grande frustration : il a pratiqué le plus football de l'histoire, le «football total», sans couronne mondiale à l'arrivée. L'Espagne, elle, régale et gagne des titres. Avant la finale du Mondial-2010, Cruijff a choqué ses compatriotes en exprimant publiquement que l'Espagne soit sacrée aux dépens des Pays-Bas. Renégat, le Johan ? Sénile, plutôt. Non. Juste puriste. Tellement puriste qu'il préfère la victoire d'une équipe meilleure que celle de son pays. Incontestablement, il se reconnaît dans le Barça de son disciple Guardiola et la Roja du rival madrilène Del Bosque. Il y voit le football qu'il a aimé et pratiqué, saupoudré du zeste d'efficacité qui lui manquait. Cruijff se voit en un Espagnol manqué. C'est une frustration en même temps qu'un apaisement car il est, désormais, conforté dans sa conviction : son football total n'était pas illusoire. C'est la principale leçon de cet Euro-2012 qui arrive à son point final. Del Bosque : «Vous êtes encore là ? C'est l'occasion de dédier cette coupe à tous les Algériens » Lorsque nous avons pu mettre la main sur Vicente Del Bosque, nous lui avons tout de suite rappelé que nous faisions partie du journal qui l'avait interviewé juste après la Coupe du monde 2010 et juste avant l'Euro-2012. Le sélectionneur espagnol a esquissé un sourire pour ensuite nous lancer en plaisantant : «Vous m'avez suivi jusqu'ici ? C'est un réel plaisir de vous revoir et d'en profiter pour dédier cette coupe à tous les Algériens qui nous ont soutenus durant cette Coupe d'Europe.» Revenant sur le parcours de la Roja et son large succès en finale, Del Bosque s'est comme d'habitude montré modéré et respectueux de l'adversaire : «Gagner 4 à 0 ne veut pas dire que l'adversaire n'était pas bon, au contraire nous avons eu beaucoup de difficultés et j'avoue que le match du premier tour contre l'Italie m'a beaucoup aidé car c'est sur la base de cette rencontre que j'ai préparé ma stratégie en finale.» Avant de prendre congé, M. Del Bosque nous a demandé de le laisser savourer ce grand succès avec ses joueurs «car, ajoutera-t-il, on doit vite se remettre au travail, la Coupe du monde-2014 débutera en septembre.» Comment font-ils ces Espagnols pour avoir encore faim de victoires ?