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Parreira : «Neymar, qui est un cran au-dessus des autres»
Publié dans Le Buteur le 31 - 08 - 2012

«Nilton Santos est l'un des plus grands arrières gauches de l'histoire du football brésilien.» «Kaká, Ronaldinho, Adriano et Ronaldo formaient une attaque tellement talentueuse.»
Quel que soit le contexte, parler de football avec Carlos Alberto Parreira, cela implique d'aller au fond des choses. Normal, pour un entraîneur qui, parmi les nombreuses expériences qu'il a vécues, a pris part à six Coupes du Monde de la FIFATM. Alors qu'il était membre du Groupe d'études techniques de la FIFA lors du dernier Tournoi Olympique de Football, le technicien brésilien a répondu aux questions de FIFA.com. Il évoque notamment le titre mondial de 1994 et revient sur la ligne de conduite dont il ne se démarque jamais : être fidèle à ses propres principes et à sa conception du jeu.
Comment évaluez-vous la génération de joueurs brésiliens qui atteindra son apogée en 2014 ?
L'évaluation ne peut se faire que lors des compétitions. Au Brésil, il y a toujours eu des joueurs talentueux ou prometteurs. En 40 ans de football, j'ai entendu dire des dizaines et des dizaines de fois que tel ou tel joueur allait être "le nouveau Pelé". Et cela n'arrive jamais. Les footballeurs en question s'arrêtent à mi-chemin. Cela vaut pour toutes les générations. C'est sur le terrain qu'on gagne. Cette génération est prometteuse et talentueuse, mais l'heure de vérité sera en 2014. C'est peut-être même l'une des générations les plus douées de ces dernières années, grâce notamment à Neymar, qui est un cran au-dessus des autres.
Un triomphe en Coupe du Monde de la FIFA transforme une carrière. Vous le savez mieux que quiconque, n'est-ce pas ?
La Coupe du Monde est le point culminant dans la carrière d'un entraîneur ou d'un joueur. Vous pouvez faire des millions de bonnes choses, des erreurs, connaître la réussite ou l'échec ; au moment de faire les comptes, une victoire en Coupe du Monde reste ce qu'il y a de plus grand. J'ai pu m'en rendre compte ces dernières années : quand vous avez gagné la Coupe du Monde, les gens vous traitent et vous regardent différemment. Ils vous respectent. Aujourd'hui encore, on me présente toujours comme "Parreira, champion du monde". Cela fait déjà 18 ans que nous avons remporté le Mondial, mais ça n'empêche pas qu'on m'arrête encore dans la rue pour m'en parler. L'autre jour, deux Anglais m'ont interpellé pour me féliciter. Ils m'ont dit : "You're a legend" ("vous êtes une légende"). C'est une étiquette pour la vie, et une immense source de fierté.
Beaucoup de gens ont critiqué le Brésil de 1994, et ce malgré le titre de champion du monde. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Les gens se souviennent de toutes sortes de choses mais en définitive, le plus important reste le titre, point. Cela faisait 24 ans que nous n'avions plus gagné la Coupe du Monde, 24 ans aussi que nous n'avions plus joué une finale. Maintenant, si vous regardez les choses de près, vous vous rendez compte que Taffarel a été l'un des meilleurs gardiens brésiliens de tous les temps. Même chose pour Jorginho à son poste, ou Aldair, ou encore Branco. Je ne veux pas faire la comparaison avec Nilton Santos, qui est dans une catégorie à part. Nilton Santos reste l'un des plus grands arrières gauches de l'histoire du football brésilien. En 1994, il y avait aussi Dunga, incroyable dans l'organisation et le marquage. Sans parler de Romário et Bebeto. Techniquement, nous étions très au point. Ça explique en partie notre victoire. Il y avait de la qualité, mais pas seulement. Il y avait aussi de la solidarité, du travail de la part des joueurs et de l'encadrement technique, et beaucoup de planification.
Ces 24 années sans titre ont-elles généré une pression gigantesque ?
Enorme. La pression a d'ailleurs été notre plus grand adversaire. C'était assez incompréhensible pour nous. Quand nous lisions les journaux, nous avions du mal à y croire. Nous n'avions plus gagné la Coupe du Monde depuis 24 ans et la presse, au lieu de nous aider, nous compliquait encore la tâche. C'était destructeur. Heureusement, l'encadrement technique avait une certaine expérience. Il y avait Zagallo, moi-même, Moracy Sant'Anna, Admildo Chirol, Américo Faria. Nous ne nous sommes pas laissé influencer par les critiques. Nous avions notre idée et notre manière de faire. Notre plus grande fierté dans ce sacre de 1994 est d'avoir tout fait comme nous l'entendions. J'ai prononcé un discours à l'UEFA en 1997 ou 98 devant des entraîneurs européens. Le sélectionneur champion du monde en titre était l'invité spécial. J'ai fait une présentation en dix points. Il était question d'engagement, d'amour du maillot, etc. Mais la chose la plus importante était la suivante : il faut savoir inculquer aux joueurs l'idée que la Coupe du Monde est une compétition courte, pendant laquelle on n'a pas le droit à l'erreur. Nous avions adopté une sorte de slogan : efficacité maximum, zéro erreur. Notre seul objectif était d'être champions du monde. Le groupe ne vivait que pour ça. C'est pourquoi nous n'avons pas tenu compte des critiques. Dans cette conférence devant les entraîneurs de l'UEFA, après ma présentation, on a passé une vidéo qui a été distribuée dans le monde entier. Il y avait une photo de moi avec comme légende : "My Way", d'après la chanson de Frank Sinatra. (rires)
S'il n'y avait pas eu cette pression due à la traversée du désert de 24 ans, auriez-vous fait les choses différemment ? L'équipe aurait-elle joué de la même manière ?
Non, non. Les critiques ont continué même après que nous avons gagné la Coupe du Monde. Certains disaient : "On a gagné, mais on n'a pas bien joué". Qu'est-ce que ça veut dire, "bien jouer" ? Ça veut dire jouer avec efficacité, savoir défendre et attaquer de façon à aller chercher le résultat. Sur ce plan-là, on ne peut rien nous dire : nous avons terminé invaincus. Et contrairement à ce qui se disait, notre équipe n'avait pas un système de jeu européen. On a raconté n'importe quoi. Nous n'avons jamais joué avec une philosophie européenne. Notre football venait tout droit de l'école brésilienne : une ligne de quatre, comme depuis toujours dans le football brésilien ; une défense en zone, la possession du ballon et beaucoup de passes. Ce sont les caractéristiques du jeu brésilien depuis toujours. Quand il fallait défendre, nous avions huit joueurs derrière, exactement comme l'équipe de Zagallo au Mexique. En 1970, quand la Seleção perdait la balle, tout le monde revenait. En 1994, c'était la même chose. Tout le monde participait à l'effort défensif, sauf Romário et Bebeto, qui sont des joueurs à part. Ils n'ont jamais été formés pour défendre. Les équipes européennes ont été surprises par notre organisation tactique et notre préparation physique. Nous n'avions aucune appréhension au moment de commencer cette Coupe du Monde. Savez-vous ce que c'est de jouer une Coupe du Monde sans avoir peur ? Sans ressentir la pression ? Il n'y a pas eu un seul match où Taffarel a été notre meilleur joueur. Pourquoi ? Parce que nous étions très solides défensivement.
Quand vous parlez de la faible marge d'erreur qui existe en Coupe du Monde, cela laisse penser qu'une décision comme celle de retirer Raí de votre onze titulaire a dû être très difficile à prendre. Cela a-t-il été le cas ?
Oui, c'est clair. Vous devez être sûr de vous et prêt à assumer toutes les conséquences. Raí était notre joueur le plus connu, et notre capitaine. Mais il faut rappeler le contexte : il est allé en Europe, au Paris-Saint-Germain, en 1993. Pendant sa première saison en France, il a très peu joué. En 1994, il est arrivé à la Coupe du Monde non seulement avec très peu de temps de jeu dans les jambes, mais en plus il n'avait plus pris de vacances depuis deux ans. Cela se voyait. Au début, même s'il ne jouait pas particulièrement bien, je l'ai pris comme titulaire. Il a commencé le tournoi comme titulaire et capitaine. Mais après la phase de groupes, nous avons décidé de le remplacer par Mazinho, qui était polyvalent. En huitième de finale contre les Etats-Unis, Mazinho a joué à trois postes différents : quand Leonardo a été exclu, il a joué latéral gauche, ensuite à droite et après la mi-temps, dans l'axe. Avec Mauro Silva et Dunga, il a été titulaire jusqu'à la fin de la Coupe du Monde. Techniquement, il a été très bon, mais c'était un milieu de terrain qui n'avait pas de vocation offensive. Je n'ai pas fait entrer de joueur plus offensif, tout simplement parce que je n'en avais plus dans l'effectif. Le milieu le plus offensif, c'était Raí, suivi de Zinho, qui était titulaire. Quand vous regardez les journaux de l'époque, personne ne se plaignait. Neto était un bon milieu, mais il n'a pas réussi à se fondre dans le moule de la Seleção. Rivaldo a fait ses débuts en équipe nationale contre le Mexique. Il n'a pas démérité, mais il n'entrait pas dans nos plans. Il ne donnait pas suffisamment de garanties. On connaît la suite. Il a joué un rôle crucial dans la cinquième Coupe du Monde remportée par le Brésil, en 2002.
D'autres fois, malgré les convictions de l'entraîneur, ça ne fonctionne pas. Est-ce ce ce qui s'est passé en 2006 ?
Ce qui se produit, c'est que parfois, la situation prend le dessus d'une certaine manière. C'est-à-dire que quand les choses vont bien, il est difficile de faire des changements, car les résultats sont là. C'est un peu ce qui s'est passé avec le Brésil à la Coupe du Monde 2006. J'ai essayé de mettre en place un système avec quatre joueurs qui n'avaient pratiquement aucune responsabilité défensive : Kaká, Ronaldinho, Adriano et Ronaldo. Ils formaient une attaque tellement talentueuse que pendant longtemps, ça a fonctionné, comme en Coupe des Confédérations, avec Robinho à la place de Ronaldo. Dans ce genre de situation, on ne doute pas. Pour des raisons qui ont été commentées à maintes reprises - des joueurs qui n'étaient pas au sommet de leur forme, un manque d'engagement dans les moments décisifs -, la machine ne s'est pas vraiment mise en route dans cette Coupe du Monde 2006. Parfois, c'est ainsi : quand une idée commence à fonctionner, elle vous emmène avec elle, dans le bon comme dans le mauvais.


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