«La Belgique est le favori du groupe, l'Algérie, la Russie et la Corée du Sud se disputeront la deuxième place» Il n'est pas aisé d'avoir Kolo Touré pour une interview téléphonique. C'est que le défenseur ivoirien de Liverpool (Premier League, Angleterre) est soumis à un «protocole d'usage» qui veut que vous preniez rendez-vous auprès de l'attaché de presse du club et attendre votre tour. Pourtant, le frère de Yaya Touré a accepté de bonne grâce de nous parler dès que nous lui avons décliné notre identité dans un SMS. L'ex-joueur d'Arsenal et de Manchester City est revenu longuement sur le tirage au sort du Mondial-2014, décortiqué pour nous le groupe de l'Algérie, le profil d'Halilhodzic et les chances des autres sélections africaines au Brésil-2014. En somme un échange intéressant à consommer à chaud. Kolo Touré, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions ... Je vous en prie. Allez-y posez toutes les questions que vous voulez. Quelle lecture faites-vous du tirage au sort de la Coupe du monde 2014 ? Il y a de beaux duels en perspective. C'est prometteur. C'est la Coupe du monde, les meilleurs sont là ! L'Algérie est reversée dans le groupe H, avec la Belgique, la Corée du Sud et la Russie, où la situez-vous parmi ses adversaires ? En bonne place. L'Algérie a toutes les cartes en main. Elle est tombée dans un groupe plus ou moins équilibré. Il est vrai qu'à première vue, la Belgique émerge du lot avec une génération de joueurs très talentueux, mais cela n'enlève en rien de la valeur de votre sélection. A vrai dire, toutes les sélections se valent. Il n'y a pas d'équipe faible dans ce groupe. Vous mettez la Belgique à la tête du groupe ? Oui, sans hésiter. Je suis sûr que la Belgique terminera le premier tour à la première place. Les trois autres équipes se disputeront la deuxième place. Ça va se jouer très serré. Est-ce à dire que l'Algérie peut s'estimer heureuse de ne pas être tombée dans un autre groupe, autrement plus compliqué ? C'est clair. Les quatre adversaires ont leur mot à dire. L'Algérie possède un groupe solide et un entraîneur fantastique. Il n'y a pas de raison pour que ça ne marche pas, pour peu que vos joueurs donnent le meilleur d'eux-mêmes durant le tournoi. Vous avez évolué sous la coupe de Vahid Halilhodzic avec la sélection ivoirienne par le passé, quelle image gardez-vous de lui ? Nous avons vécu de très bons moment ensemble. C'est un fou du boulot bien fait. Il fait tout avec passion. Il est toujours proche de ses joueurs et sait comment en tirer le meilleur. Mais au-delà de ça, c'est un homme d'une grande simplicité. Il a le cœur sur la main, comme on dit. Ceux qui ne le connaissent pas peuvent dire de lui qu'il est hautain, ou antipathique, mais ça ce n'est pas Vahid. Il aime ceux qui travaillent avec le cœur. Vahid aime les joueurs qui donnent tout. Des guerriers qui se mettent au service du collectif. Quand vous avez toutes ces qualités, vous êtes sûr d'avoir gagné le respect de coach Vahid. On peut dire alors que l'Algérie est en de bonnes mains... Absolument. Vahid Halilhodzic va apporter beaucoup à l'Algérie durant le Mondial. Grâce à lui, l'Algérie est qualifiée sans difficulté pour le Brésil, alors que la tâche n'était pas aisée face au Burkina Faso qui possédait quand même un groupe très solide. La Côte d'Ivoire devra en découdre avec le Japon, la Colombie et la Grèce, où vous situez-vous ? Nous aurons notre mot à dire. Comme pour l'Algérie, nous sommes tombés dans un groupe équilibré. On aurait pu avoir un tirage plus compliqué. Après, ce sera du 50/50. On doit respecter nos adversaires et aborder nos matchs avec beaucoup de concentration. Le rythme sera sans aucun doute très élevé. On doit faire preuve de vigilance. On aura fort à faire face à des équipes qui viendront avec les mêmes ambitions. Les places se vendront très cher ! Vous allez jouer une équipe asiatique comme l'Algérie, le fait d'avoir en face un profil complètement différent ne risque-t-il pas de vous poser des problèmes ? Pas du tout. La Côte d'Ivoire a l'habitude de jouer contre des équipes asiatiques. Nous avons même joué par le passé contre le Japon. Ça s'est très bien passé. Après, on connaît tous de quoi sont capables les Japonais et les Coréens. Ce sont de vrais combattants qui supportent l'effort et l'impact physique. Ils ne lâchent rien. Parfois, ce sont eux qui vous imposent leur rythme. Ce sont des joueurs qui respectent beaucoup le foot. Ils ne font jamais dans l'antijeu. Qu'en est-il du Ghana, du Nigeria et du Cameroun ? Ce sont là trois belles équipes qui ont leur destin entre leurs mains. Les gens peuvent penser par exemple que la tâche du Ghana ne sera pas facile du fait qu'il soit tombé dans un groupe très compliqué, mais je ne suis pas d'accord. Le Ghana a toujours démontré que c'était une équipe d'envergure mondiale. Elle s'en est toujours bien sortie. Les Ghanéens sont très solidaires. J'aime beaucoup la mentalité de ces jeunes qui sont toujours prêts à se sacrifier pour le groupe. C'est très très (sic) important dans le football. Car ce ne sont pas les noms qui font une équipe. Le Ghana l'a déjà prouvé par le passé. Pour toutes ces raisons, je placerai le Ghana comme favori de son groupe. C'est aussi une équipe disciplinée, non ? Ce que vous êtes en train de dire est tout à fait vrai. Tactiquement ils sont disciplinés et chaque joueur connaît exactement son rôle sur le terrain. Ce qui les rend logiquement difficiles à jouer. Vous évoquez l'état d'esprit magnifique qui caractérise les jeunes Ghanéens, et certains parlent d'une équipe de la Côte d'Ivoire vieillissante, ou bien vous êtes plutôt une équipe d'expérience ? On joue ensemble depuis plusieurs années, la plupart dans notre groupe ont déjà fait trois CAN et s'apprêtent à disputer un deuxième Mondial de suite, mais on n'a encore rien gagné. On est une sélection attendue par tous, mais on n'a pas encore un palmarès international en sélection. C'est ce qui nous perturbe un petit peu. Cette Coupe du monde est pour nous donc une occasion pour réaliser un gros truc afin de mieux se racheter. Atteindre par exemple les quarts de finale de la Coupe du monde serait pour vous un beau cadeau à offrir au peuple ivoirien... C'est exactement ça. C'est ce que voulais dire. Maintenant, il faut d'abord penser à passer ce premier tour ensuite et aller le plus loin possible dans cette compétition. Ce sera vraiment un beau cadeau pour la nation et le peuple ivoirien. Et si on revenait sur cette sélection algérienne que vous avez affrontée lors de la dernière CAN, quelle impression vous a-t-elle laissée ? C'est une belle équipe d'Algérie que nous avons affrontée en Afrique du Sud, en 2012. C'était vraiment un adversaire coriace et solide. Les Algériens étaient bien appliqués tactiquement, et individuellement très forts. L'Algérie possède aussi un très bon entraîneur qui sait vraiment ce qu'il veut. Après, l'Algérie reste une nation forte du football. Gardez-vous toujours en tête quelques joueurs algériens que vous avez affrontés lors des CAN-2010 et 2012 ? Bien sûr, j'étais vraiment impressionné par la qualité de jeu des joueurs algériens. J'aime bien leur style de jeu. J'étais vraiment impressionné par le capitaine d'équipe de votre équipe qui évolue comme défenseur axial. Vous voulez parler de Bougherra... C'est bien lui, franchement, il m'a séduit. Il joue avec beaucoup de hargne. C'est un vrai combattant sur le terrain. Il y a aussi le milieu de terrain de Valence (Feghouli), qui est d'un très grand niveau. Je n'oublierai pas le gardien de but qui avait joué la CAN-2010 (Chaouchi). Franchement, il était impressionnant. Dans l'ensemble l'Algérie possède une bonne équipe. Il suffit d'y croire et que tout le groupe pense à l'intérêt général de l'équipe. Le Ballon d'Or européen connaîtra bientôt le vainqueur ; ça va se jouer entre Ribéry, Messi et Ronaldo, quel est votre favori ? (Rires) c'est très difficile de faire un choix. Mon cœur penche pour Ribéry, surtout qu'il a sorti une saison exceptionnelle avec notamment des titres majeurs gagnés avec le Bayern Munich. Il y a aussi Ronaldo qui revient très fort et, franchement, je ne sais qui je vais choisir. Je préfère laisser cette lourde tâche aux techniciens et aux spécialistes qui seront appelés à départager ces trois grands champions. J'aime bien Ribéry et je connais aussi Ronaldo, ces sont deux personnalités attachantes que j'apprécie beaucoup. D'autre part votre frère Yaya Touré réalise de très belles choses, croyez-vous qu'il pourra un jour postuler à gagner le Ballon d'Or et devenir le deuxième Africain à le remporter ? Je le souhaite moi aussi. Yaya est en train de réaliser de très belles choses aussi avec son club et en sélection. Il mérite de le gagner un jour, et s'il sera le deuxième joueur africain à le gagner après George Weah, je serai très heureux. Il y aura aussi le Ballon d'Or algérien décerné par El Heddaf et Le Buteur ; 6 nominés sont en course, il s'agit de Slimani qui joue au Sporting Lisbonne, Belkalem qui évolue à Watford, Feghouli à Valence, Brahimi à Granada, Soudani du Dinamo Zagreb et Taïder le sociétaire de l'Inter. Quel sera selon vous le lauréat ? Sincèrement, je ne peux pas donner mon avis tout simplement parce que je n'ai pas vu ces joueurs évoluer donc je ne peux connaître le niveau de chaque nominé. J'aime bien Feghouli et j'admire ce joueur. Quant à Belkalem qui joue à Watford, je ne l'ai pas aussi vu jouer, concernant les autres je ne peux dire grand-chose à leur sujet. On vous laisse le soin de conclure cet entretien ? Je vous remercie pour cette occasion que vous m'avez offerte pour m'adresser aux Algériens. Je tiens à leur dire que je les aime tous parce que ce sont des passionnés du football. J'ai de bons souvenirs de l'Algérie où j'ai eu l'occasion de jouer. Les fans algériens sont des vrais supporters, je les félicite.