«Je ne viendrai jamais pour prendre la place d'un autre» La leçon Lacen Depuis ses premières déclarations au Buteur, Mehdi Lacen a été cohérent avec lui-même en refusant de répondre aux sollicitations du sélectionneur national M. Rabah Saâdane, mais en ne fermant jamais les portes à l'équipe d'Algérie. Sa dernière sortie médiatique sur RMC avec Luis Fernandez a été différemment interprétée. Certains sont allés vite en besogne en affirmant que le joueur de Santander ne jouera jamais pour l'Algérie et que Saâdane l'a définitivement banni de l'équipe nationale. Mardi en conférence de presse, le sélectionneur a surpris le parterre de journalistes présent en réaffirmant avec sa sagesse légendaire ne pas fermer les portes à un tel joueur. Le lendemain, nous avons sollicité Lacen pour nous donner son avis sur la question et le moins que l'on puisse dire est que le milieu de terrain du Racing Santander commence à en avoir marre d'être un éternel incompris. Ecoutons-le. * Récemment, vous avez été élu meilleur joueur de Santander durant la saison dernière. Ça a dû vous faire plaisir, non ? Beaucoup même, car c'est venu de la part de ce qu'on appelle ici les penyas, c'est-à-dire les groupes de supporters et il n'y a pas meilleur juge que le supporter. Cette reconnaissance me va droit au cœur, surtout que je suis arrivé au club sur la pointe des pieds pour gagner vite une place de titulaire et terminer enfin meilleur joueur du club. * Cela semble vous avoir galvanisé avec l'excellent début de saison que vous réalisez… Je ne pense pas avoir été meilleur que la saison passée, j'ai peut-être gagné en confiance puisque j'ai déjà inscrit deux buts alors que je n'en avais inscrit aucun la saison dernière, c'est tout (Ndlr, Lacen a marqué contre Valence, mais en Coupe du Roi). Pour Santander par contre, les choses ne vont pas trop bien, mais je ne m'inquiète pas outre mesure, car on a eu des adversaires très forts comme le Barça. Avec mes coéquipiers, on va se battre encore une fois pour améliorer notre classement et atteindre notre objectif qui est le maintien. * Dans Luis attaque sur RMC, Fernandez a relancé le débat sur la possibilité pour vous de rejoindre l'équipe d'Algérie et de jouer la Coupe du monde. Comment ça s'est passé ? Il a peut-être raison d'en parler parce que lui-même a vécu ça avec l'équipe de France, mais encore une fois cette décision m'appartient et je la prendrai seul. Je crois que ce que je vous ai dit à vous depuis une année, je l'ai dit à Fernandez. * Pourtant, vos déclarations ont vite été interprétées comme un refus définitif de votre part d'intégrer la sélection algérienne… Vous savez, je ne peux pas faire comprendre à tout le monde mes états d'âme. Je comprends que des gens ne puissent pas cerner ma décision de ne pas dire oui, mais je mérite au moins qu'on me respecte et qu'on respecte ma décision. Je crois que les principaux responsables de la sélection, à savoir le président de la fédération et le sélectionneur, me respectent, c'est le plus important à mes yeux. Eux, ils savent au moins que je n'ai jamais dit non. * Hier, le sélectionneur a même réaffirmé qu'il vous laisse toujours les portes ouvertes… Ecoutez, j'ai discuté avec le sélectionneur au téléphone, puis je l'ai rencontré ici à Santander avec le président de la fédération et j'en garde une forte impression. C'est un monsieur sage et compréhensif auquel je voue un grand respect. Je suis très content qu'il ne me ferme pas les portes de l'équipe d'Algérie et s'il décide de le faire un jour, je respecterai sa décision quand même. Mais attention, je ne demande aucun privilège par rapport aux autres sélectionnés. * Que voulez-vous dire par «privilège» ? Admettons que, dimanche, l'Algérie se qualifie en Coupe du monde, chose que j'espère de tout cœur. Je ne vais pas dire au sélectionneur : ‘Coucou, je suis là pour jouer le Mondial !' Je ne ferai jamais une chose pareille, mon éducation ne me le permet pas. Le privilège, c'est venir lorsque la guerre est finie pour prendre la place d'un joueur qui a fait toutes les éliminatoires. La priorité doit être donnée à ceux qui ont trimé pour mettre l'Algérie là où elle est aujourd'hui. Si l'équipe d'Algérie est aux portes du Mondial aujourd'hui, c'est grâce à Mansouri, Ziani, Saïfi, Yahia, Bougherra et tous les autres. * Meghni, Yebda et Abdoun ont pourtant rejoint la sélection il y a peu… Ce n'est pas le même cas. Eux, ils étaient bloqués par les textes de la FIFA. * Et si le sélectionneur juge que vous pouvez apporter un plus durant la Coupe du monde ? Moi, je ne vois pas les choses sous cet angle. D'abord, est-ce que vraiment je vais révolutionner l'équipe si je viens ? Je ne crois pas que ce soit le cas parce que je suis un milieu défensif avec des tâches bien précises. Ensuite, le football, c'est un jeu collectif et je sais que si l'Algérie se qualifie en Coupe du monde, ce sera grâce à un groupe qui joue ensemble et qui vit ensemble depuis longtemps déjà. Je ne peux pas débarquer comme ça après la Coupe d'Afrique et pousser un autre joueur vers la porte de sortie. J'insiste là-dessus, ce serait injuste de ma part. * On vous attendra donc après la prochaine Coupe du monde ? Tout ce que je peux vous dire, c'est que le jour où je dirais oui à l'Algérie, je viendrais avec plaisir et je me battrais pour les couleurs de l'Algérie. * Allez-vous suivre le match Algérie–Rwanda ? Je ne pense pas. L'entraîneur nous a accordé quelques jours de repos et je prévois d'aller les passer en France chez mes parents. Dimanche, je serai peut-être dans l'avion, mais je m'informerai sur le résultat du match naturellement. Entretien réalisé par M. S. La leçon Lacen Un ami de Lacen nous a dit un jour : «Mehdi est trop bien éduqué pour le haut niveau où les scrupules n'existent pas.» Cette phrase nous est revenue à l'esprit en interviewant une nouvelle fois le milieu de terrain du Racing Santander. Ceux qui ont accusé Lacen d'attendre une peu probable convocation de Raymond Domenech ou d'espérer depuis la lointaine Santander une qualification des Verts au Mondial pour faire un signe à Saâdane vont déchanter : Lacen est trop correct pour venir lorsque la guerre sera finie et prendre la place d'un joueur qui aura trimé pour mettre l'Algérie là où elle est aujourd'hui. Il est trop modeste pour se prendre pour un sauveur au point où les louanges de Saâdane le mettent souvent dans la gêne. Il est aussi et surtout assez jeune et aura largement le temps de servir le pays de son père. Après la Coupe du monde ? Ce sera sans doute le meilleur moment pour lui afin de laisser les plus méritants se délecter avec le tournoi le plus suivi de la planète. Cela ne vous rappelle rien ? Mais oui ! Le grand Paolo Maldini avait fait de même en 2004 lorsque la Squaddra Azzurra avançait vers l'Euro portugais avec une défense inhabituellement prenable. Le sélectionneur italien, la fédération et même le ministre suppliaient l'emblématique capitaine du Milan d'aller donner un coup de main à la sélection. «Non», fut la réponse de Maldini qui aurait eu honte de prendre la place d'un joueur qui a sué pour qualifier la Squaddra Azzura à l'Euro. «Le devoir me poussait à dire oui, mais ma conscience m'empêchait de commettre une telle injustice», expliquera-t-il au lendemain de l'élimination sans gloire des Italiens. Peu de joueurs de haut niveau auraient fait la même chose. M. S.