«L'ambiance du Caïro-Stadium n'est pas différente de celle de Blida.» Al Jezzar, ou le boucher, était le surnom qu'avait donné un ancien entraîneur d'Al Masry à notre Driouèche national, le rugueux et non moins courageux défenseur aujourd'hui à la retraite. L'ex-joueur de la JSK et de l'équipe nationale avait une réputation en demi-teinte chez «nos» amis égyptiens. Tantôt bonne, tantôt pas trop ! Des confrontations algéro-égyptiennes, Nounou connaît un bon bout. Témoin direct du fameux match Egypte-Algérie de 2001 (5-2), Driouèche paraît si prompt à nous en parler, non sans s'attarder sur le très attendu match du 14 novembre. * Vous avez raccroché les crampons au bout d'une longue et riche carrière de footballeur ; à quoi ressemble votre vie à présent loin du football ? Je ne suis pas complètement à l'écart, je reste attaché au foot. Je m'entraîne quotidiennement. Je reste au contact comme on dit. Je suis tout ce qui se dit dans la presse. Le cordon n'est pas complètement rompu. * Avez-vous songé un jour à revenir dans le milieu, peut-être sur les bancs de touche ? Oui, cela fait partie de mes projets. Je ne sais pas encore si je serai un bon entraîneur, mais le métier me paraît excitant. J'ai déjà mon diplôme d'entraîneur premier degré. Je compte passer à l'échelon suivant prochainement. La passion y est. C'est certain, j'aimerais rebondir un jour sur un banc de touche. Je pense avoir accumulé assez d'expérience pour exercer cette fonction. On verra après ce que cela va donner. * Votre vie n'est-elle pas monotone sans le football ? Non, pas trop. Je ne m'en plains pas. Ça prendra le temps que ça prendra. Je ne suis pas pressé. * Vous suivez sans aucun doute la polémique qui entoure cet avant-Egypte-Algérie. Ne pensez-vous pas qu'il y a un peu d'exagération ? On en fait un peu trop, c'est vrai. Mais en y pensant, je me dis que c'est normal. Nos matches face à l'Egypte ont de tout temps été empreints de fougue et de passion. Ça a toujours été comme ça. Il y a toujours eu de la rivalité entre les deux pays. Il y a des sensibilités aussi. Je trouve donc naturel qu'ils essayent de mettre la pression sur nos joueurs. * Vous avez déjà affronté des clubs égyptiens sous le maillot la JSK. Vous avez disputé une finale de Coupe de la CAF face à Al Ismaïli, une demi-finale face à Al Masry et pris part au fameux match de 2001 avec l'EN face à l'Egypte au Caire ; comment était l'ambiance avant ces matches ? Il y avait de la ferveur. Un intérêt général se mettait soudain en place autour de ces rendez-vous. Comme je vous le disais tout à l'heure, il y a une certaine rivalité. Des susceptibilités, si je puis dire, ce qui donne un cachet particulier à ce genre de confrontations. Cela étant dit, l'ambiance est pareille chez nous. Ce que l'on a vu à Blida, on le verra au Caïro-Stadium le 14 novembre. On ne pourra jamais reprocher aux Egyptiens de soutenir leur équipe à fond. * Oui, mais l'ambiance du Caïro-Stadium ressemblera-t-elle à un enfer, comme le disent certains, ou sera-t-elle juste chauffée comme on en voit dans tous les stades du monde ? Non, loin de là ! L'ambiance ne sera pas différente de ce qu'on avait vu lors d'Algérie-Egypte à Blida. Il y aura de la pression, sans plus. Je pense que nos joueurs sont assez mûrs pour savoir faire face à tout ça. * Parlez-nous de l'accueil qui vous a été réservé en 2001. Est-il vrai que les conditions d'hébergement étaient exécrables et non conformes à un match de cette importance ? L'accueil était tout ce qu'il y a de normal. On s'était préparés dans de bonnes conditions. Ce qui a suivi sur le terrain et le score que tout le monde connaît n'ont vraiment rien à voir avec les conditions de préparation ou d'accueil. On était passés à côté de notre sujet, c'est tout. Ce serait trouver de faux prétextes que de remettre cet échec sur le dos d'un quelconque mauvais accueil. * Un de vos coéquipiers de l'époque, Djamel Belmadi en l'occurrence, s'est fortement plaint des conditions d'hébergement de la sélection en 2001. Il avait parlé de va-et-vient incessants à l'intérieur de l'hôtel, de présence de filles de mauvaises mœurs qui circulaient librement. Qu'en est-il de tout cela ? Cela reste son avis. Certes, il y avait du mouvement, mais cela n'a nullement nui à notre préparation. Il y avait, si ma mémoire est bonne, une fête de mariage un soir, mais je ne pense pas que c'était du cinéma, juste pour nous intimider et nous faire perdre notre concentration. A moins de nous enfermer dans un hôtel militaire, loin de tout, les Egyptiens nous ont proposé ce qu'ils avaient de meilleur. Il faut le reconnaître. J'ai déjà beaucoup voyagé dans ce pays lorsque j'étais à la JSK. Face à Al Masry, puisque vous en avez parlé tout à l'heure, il y avait une fête de mariage à l'hôtel la veille ou l'avant-veille du match. On n'a jamais été visés. C'est dans leurs habitudes, c'est tout. * Le président de la Fédération avait pris quand même ses dispositions en allant préparer en personne le séjour de l'équipe nationale au Caire… (Il nous coupe) Voilà une bonne idée. Cela prouve que cette équipe est bien prise en charge. La Fédération ne lésine pas sur les moyens pour mettre les joueurs de l'EN dans les meilleures conditions. Je trouve que c'est une bonne chose. * Les médias égyptiens jouent sur les séquences du fameux match de 2001 où l'on voit leurs buts passer en boucle. Pensez-vous que ce match-là pourrait servir de référence ? Non, aucunement ! Le contexte n'est pas du tout le même. Le match de 2001 ne se reproduira pas, j'en suis certain. Ce jour-là, on était complètement à côté, c'est tout. Techniquement, ça ne devait pas se passer comme ça. Bref, ça s'est joué sur beaucoup de choses. L'équipe d'Egypte avait profité de notre mauvaise inspiration pour nous surprendre. Sans plus. Eux savent déjà qu'ils ne pourront pas reproduire ça le 14 novembre. Ils font mine de banaliser l'événement, mais au fond, ils nous redoutent beaucoup. * L'on devine que ce match va reposer sur le réseau défensif. Quel conseil pourriez-vous donner à notre arrière-garde, vous qui avez acquis une réputation de défenseur solide et chevronné durant votre carrière ? Je pense que les garçons connaissent leur travail mieux que quiconque. Je n'ai pas à faire l'entraîneur. Tout ce que je peux dire, c'est que les joueurs adverses tenteront de les provoquer dans le but de leur faire perdre leur sang-froid. Il faudra juste rester lucide et ne pas céder à la provocation. * Selon vous, d'où peut venir le danger chez cette équipe d'Egypte ? De partout. C'est une équipe homogène qui n'est pas tout le temps en mouvement certes, mais qui crée souvent le danger en partant de loin. Hormis le but qu'ils nous ont marqué à Blida, une action plein axe, toutes leurs actions dangereuses viennent de derrière. Ils tirent beaucoup et ils cadrent très souvent. Il faudra faire attention à ce genre de détail. A mon avis, la défense commencera en attaque. Il faudra penser à leur imposer un marquage de zone de manière à les empêcher de se mouvoir librement. Sinon, à part cela, je pense que nous sommes meilleurs individuellement. On a un groupe très costaud derrière. Je ne pense pas qu'il faut s'en faire outre mesure. * Lounès Gaouaoui, dont vous êtes très proche, pourrait subir à lui seul le poids de cette rencontre. Le pensez-vous capable d'un tel défi ? Certainement. Je n'ai aucun doute quant aux qualités de Lounès. Certes, il lui arrive de rater des matches de moindre importance, mais lorsqu'il s'agit de rendez-vous de cette envergure, il répond toujours présent. C'est un gars costaud dans sa tête. Je pense le connaître assez pour l'affirmer. Je me souviens du match qu'il nous avait sorti face au WAC à Casablanca dans un contexte pas du tout favorable. J'ai confiance. Je sais qu'à lui seul, il pourra faire gagner son équipe. Enfin, je l'espère. Entretien réalisé par Achour Aït Ali