«Un match ordinaire et gentil, si je puis dire entre l'Algérie et l'Egypte, ça n'existe pas.» Les langues commencent à se délayer à mesure que la date du 14 novembre approche ! Pour la première fois depuis neuf ans, un membre du staff technique de l'EN décide de revenir sur les coulisses du match Algérie – Egypte de 2001 à Annaba. Azzeddine Aït Djoudi, entraîneur-assistant de Kermali et Zouba alors, révèle dans l'entretien qui suit que des émissaires égyptiens avaient approché le staff technique de l'EN pour leur proposer un petit «arrangement fraternel entre Musulmans» de la rencontre d'une importance capitale pour l'Egypte, alors concernée pour une qualification au Mondial 2002. Incontestablement, c'est un véritable pavé dans la marre que vient de jeter Aït Djoudi, à quelque 12 jours du très attendu Egypte-Algérie. * Vous avez repris le travail à Zarzis, juste après votre départ du CS Sfaxien ; la vie en Tunisie vous plaît tant que ça ? Ah oui ! Franchement, de ce côté-ci, je n'ai pas à me plaindre. La vie ici est très agréable. Les gens sont d'autant plus sympas. Je me suis toujours senti à l'aise ici. C'est ce qui m'encourageait à chaque fois de venir bosser ici. * Ceci côté social, sportivement maintenant, comme cela se passe-t-il pour vous ? J'avoue que les temps sont quelque peu durs avec Zarzis. Les résultats tardent à suivre. Ce qui fait qu'il y a une atmosphère un peu tendue. On essaye néanmoins de faire avec, en attendant de voir plus clair. * Un retour au pays est-il à l'ordre du jour ? Je ne sais pas trop comment sera fait demain. On verra bien ce que l'avenir nous réserve. Vous savez, l'avenir d'un entraîneur est souvent, pour ne pas dire toujours, entouré de points d'interrogation. * Laissons ça de côté et parlons, si vous le voulez bien, de cet Egypte-Algérie. Suivez-vous ce qui se raconte sur ce match dans la presse ? Naturellement ! C'est un match qu'on ne peut ignorer. Je consulte presque quotidiennement les différents sites Internet et forums. Ceux de l'Egypte, notamment, histoire de m'informer sur ce qui se dit à notre sujet là-bas. Je suis donc très au fait. * Que pensez-vous de cette polémique médiatique qui entoure ce match, ça bouillonne à mesure que le match approche, est-ce utile ? C'est de bonne guerre. Je ne vais pas m'amuser à faire la morale à quiconque. La presse ne fait que relater ce qui se dit. Et tant pis si on pense qu'elle en fait un peu trop ! Un match ordinaire et gentil, si je puis dire entre l'Algérie et l'Egypte, ça n'existe pas. Ça a toujours était comme ça. Donc, si on en parle, c'est que cela vaut la peine. Personne ne vous dira que les deux équipes vont jouer un match tout ce qu'il y a de normal. Il y a la rivalité, le prestige et l'enjeu sportif qui pimentent ce match. C'est passionnant et c'est tant mieux, quoi ! * Qu'en pensent les Tunisiens ? Ils écoutent. Ils lisent ce qui se dit sur ce match. Là où je mets les pieds, on m'accoste pour me parler du match. C'est dire qu'ils ne sont pas indifférents à cette rencontre. * Et ils roulent pour qui ? (Rires) Pour nous naturellement ! Je risque de vous surprendre, mais en Tunisie, les gens sont convaincus que l'EN ira au Mondial. * Par sympathie peut-être… Non ! Non ! C'est plutôt par conviction. Ils souhaitent même que le match de barrage, si match de barrage il y a, se joue à Tunis. * Les matchs entre l'Algérie et l'Egypte, vous en connaissez un bout ; vous étiez dans le staff technique de l'EN aux côtés de Zouba et Kermali lors du fameux match de 2001 à Annaba (1-1) ; comment était l'ambiance ce jour-là ? Assez tendue. Bien que nous n'étions pas concernés par aucun objectif, l'on sentait quand même l'importance de jouer l'Egypte. Jouer pour une qualif' ou juste pour le prestige, c'est du pareil au même. On était tenus par l'obligation de résultat. Ce fut un match assez bizarre, quand j'y pense après coup. L'Egypte devait à tout prix gagner pour déloger le Sénégal de la première place qualificative pour le Mondial 2002. Ils sont allés jusqu'à nous en toucher un mot… * Que voulez-vous dire par là ? Ils ont essayé de vous soudoyer, c'est ça ? Non ! Ils ne sont pas allés jusqu'à nous proposer de l'argent, mais disons qu'ils ont essayé de nous amadouer. Ils nous disaient, avec sourire bien sûr, que nous n'avions plus rien à gagner de ce match. Qu'on pourrait y aller mollo. Vous voyez, ce genre de phrases insinuantes qu'on devrait ne pas trop forcer. * Le match s'est soldé sur un score de parité d'un but partout ; doit-on comprendre que vous avez marché ? Jamais ! Bien au contraire, nous avions joué le match à fond. Le résultat nul est insignifiant. Car il faut reconnaître qu'au cours de ce match, l'Egypte avait tout donné. Vous savez, on avait plusieurs raisons, outre l'enjeu sportif, pour gagner ce match. Déjà Kermali ne s'entendait pas trop avec Al Jawhari. Ce qui faisait que «Cheikh» a insisté auprès des joueurs pour gagner ce match. Et puis, je me rappelle que le ministre Berchiche était même descendu au vestiaire pour ne demander de gagner ce match. Il y avait aussi Madjer dans les tribunes qui s'apprêtait à reprendre le relais. Nous avions aligné une équipe constituée de locaux. Il y avait, si ma mémoire est bonne, que Saïfi qui était alors pro. Autant de motivation pour jouer le jeu à fond. * Les Egyptiens vous en ont-ils voulu d'avoir joué le jeu à fond ? Certainement. D'autant qu'au bout, c'est le Sénégal qui s'est qualifié. * Le fait qu'il n'y avait pas d'enjeu majeur pour l'EN lors de cette rencontre a détendu certainement l'atmosphère ? Détrompez-vous ! La pression était présente. J'ai été chargé par Kermali et Zouba de préparer ce match et je peux vous assurer que la pression était réelle. C'est un match de prestige que tout entraîneur souhaiterait gagner. Cela me renvoie à ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire que cette guéguerre qui précède le match est naturelle. * A la place de Saâdane, comment prépariez-vous un tel match ? Je ne suis pas à sa place. Personne ne peut se permettre de l'être. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est déjà bien qu'on ait pensé emmener l'équipe pour un stage de quelques jours en Italie. Ce qui assurera une certaine sérénité au groupe. C'est une bonne chose. * Partant du principe qu'un match nul ou une défaite par un but d'écart suffirait à l'Algérie pour se qualifier, quelle serait, selon-vous, le meilleure stratégie à adopter lors de ce match. Autrement dit, doit-on aller défendre nos chances ou jouer carrément le match avec les atouts offensifs de l'EN ? On ne jouera pas à Alger. Ceci est un critère qu'il faudra prendre en considération. On doit être prudents. Cela étant dit, il ne faudra pas aussi subir psychologiquement et tactiquement l'adversaire. Je veux dire par là qu'il ne faudrait pas céder au découragement si, par malheur, l'Egypte parvenait à nous mettre deux buts. C'est sur ce point qu'il faudrait insister. Les joueurs doivent savoir qu'ils ont les moyens de marquer au Caire. Il faut préparer les joueurs à tous les scénarios, de manière à prévoir les choses le cas échéant. * Quelles sont les chances de voir le match du 14 accoucher d'une rencontre d'appui ? Elles sont très infimes, à mon sens. Je pense que tout se jouera le 14. L'EN a les moyens de passer directement. * Sur quels repères faudrait-il s'appuyer pour bousculer cette équipe égyptienne ? C'est une équipe très costaud moralement. On les a vus à Blida. Même après le trois à zéro, ils ont continué à jouer. En Zambie aussi. Cela prouve qu'ils ont du caractère. C'est sur le point de l'explosivité physique que cette équipe laisse entrevoir un manque. On verra bien quelle forme afficheront les joueurs égyptiens. Mais à mon avis, nos joueurs peuvent faire la différence à ce niveau. On a des joueurs très forts physiquement, assez rompus pour les duels. C'est un tout, il faudra s'en servir. Entretien réalisé par Achour Aït Ali